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FERMETURE DU COURRIER DU MAROC 1962
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 31 janvier 2016 21:54:46

ADIEUX AU COURRIER DU MAROC


Le 30 avril 1962 le "Courrier du Maroc"ferme définitivement. Il était depuis 1929 le journal de Fès et du Nord Maroc.

La fermeture a été relativement discrète : Trois articles d'adieux dans le dernier numéro que je vous propose. Aucune rétrospective sur ce que fut l'histoire de ce quotidien ni dans le dernier numéro ni dans les précédents



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Hier - 29 avril 1962 - en fin de matinée, pour une dernière fois, le « marbre » de l'atelier du « Courrier du Maroc » était le cadre d’un rassemblement de tout le personnel du journal : direction, rédaction, administration, atelier et publicité.

C'étaient de sympathiques retrouvailles pour un adieu un peu nostalgique puisque que pour un certain nombre de collaborateurs du journal c'était la fin d'une époque qui dura trente trois ans passés, le temps de la vie du journal tandis que pour tous, c’était le début d’une nouvelle époque professionnelle au Maroc ou sous d'autres cieux.

M. Amédée Bertin président directeur général du journal présidait cette manifestation qui fut marquée du sceau de la plus grande cordialité et d'une parfaite amitié professionnelle. Prenant la parole devant l'ensemble du personnel rassemblé autour d'un « marbre » bien garni non pas de plomb comme à l'accoutumée mais d’abondantes kémia et de nombreuses bouteilles dont les nectars étaient propres à dissiper la nostalgie des séparations, M. Bertin évoquait, sur un ton empreint d’émotion, les dernières années de la vie du journal et les conditions dans lesquelles les impératifs financiers dominants avaient imposé une fermeture déplorée de diverses parts.

Il remerciait tous les collaborateurs du journal de la conscience professionnelle avec laquelle ils avaient, jusqu'à l’instant de la fermeture, poursuivi leur activité et souhaitait que tous puissent dans les meilleurs délais retrouver sinon à Fès du moins dans d'autres villes du Maroc ou à l'étranger des emplois correspondant à leur capacité professionnelle.

Doyen du « Courrier du Maroc » dont il berça les balbutiements il y a trente-trois ans, Michel Kamm au nom du personnel remercia M. Bertin de ses propos et de la sollicitude que lama direction du journal a toujours témoignée à l’égard de son personnel. Mettent un terme à la série des allocutions, Christian Houillon remercia enfin simultanément ses collaborateurs de la rédaction depuis de nombreuses années : Paul Pobanz, secrétaire de rédaction et animateur de la rubrique sportive qui fut longtemps le défenseur assidu du sport fassi, Michel Kamm père et fils, responsables d’importantes rubriques et tous les employés de l’atelier, de l’administration et de la publicité qui dans une ambiance de camaraderie et de parfaite solidarité ont mené à bien, jour après jour, la tâche souvent difficile de réalisation d'un quotidien.

La réunion se poursuivit au-delà de 13 heures, mi-nostalgique mi-joyeuse, des vœux et congratulations réciproques étant formulés pour ceux qui bientôt quitteront le Maroc et pour ceux qui poursuivront ici leur activité professionnelle en d’autres localités sous le signe de la presse ou de l’imprimerie marocaines.

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Re: FERMETURE DU COURRIER DU MAROC 1962
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 31 janvier 2016 21:58:00

A NOS LECTEURS


A l’heure où nous vous quittons, avec tant de regrets, laissez-nous vous dire adieu … en quelques mots. « Le Courrier du Maroc » sera inscrit demain, parmi les feuilles mortes. Nous étions les derniers d’un genre disparu : celui des journaux de l’intérieur. Et ç’avait été pour nous une raison parmi beaucoup d'autres de rester des vôtres à Fès et dans le nord marocain, le plus longtemps possible. Dans la mesure de nos moyens qui peu à peu s'amenuisèrent nous avons tenu à rester, jusqu'à présent, le porte-parole de ce Nord si riche de promesses mais qui se sent souvent un peu loin des grands rouages administratifs et économiques des capitales côtières.

A l’heure où disparaît donc notre journal qui fut le vôtre, nous n'irons pas, derrière nous, dresser le bilan de ce qui fut la vie d’un quotidien de trente-trois ans car ce fut la vie de ce qui fut évoquée ici, tous ce temps-là, nouvelles gaies et dramatiques du Maroc et du monde entier, et surtout celles de Fès et de ses voisines : la toute proche Meknès, Oujda la lointaine en passant par Taza. Nous dirons simplement merci à tous ceux qui nous ont permis de poursuivre cette tâche d'information et nous ont aidé à la mener à bien de quelque côté qu’ait soufflé le vent capricieux de l’histoire.

Nous disons adieu en les remerciant de leur amitié et de leur confiance, a nos lecteurs et à nos annonceurs. Vous permettrez amis lecteurs, que nous remercions aussi ceux qui ont fait ce journal depuis prés de 34 ans : des plus anciens collaborateurs du « Courrier du Maroc » dont il en est encore des nôtres, à ceux de la dernière équipe qui va se disloquer déjà.

À tous ceux qui nous lisent aujourd'hui pour la dernière fois, souhaitons sincèrement qu'il conservent ce que nous n'avions plus, la prospérité, et ce que nous possédons toujours en dedans de nous-mêmes : de grandes espérances pour l'avenir heureux du Maroc dont nous fûmes, quelques décennies trop vite passées, « Le Courrier ».



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Une des publicités régulières, en images, pour JUDOR et sa fameuse bouteille

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Re: FERMETURE DU COURRIER DU MAROC 1962
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 31 janvier 2016 22:26:28

AVANT DE FERMER LA DERNIÈRE PAGE DE NOTRE JOURNAL

par Jean Lecomte - seul article signé sur les trois "adieux"-



Il n'est de si bons amis qui ne se quittent, et un journaliste est toujours l'ami de ses lecteurs, malgré les inévitables petits heurts qui opposent, parfois, inévitablement le rédacteur et le public. Le romancier Jacques Croisé qui séjourna longtemps à Meknès, publiant « Sortie de secours » ( ce n'est pas celle dont nous parlerons ici) disait qu'un homme qui écrit un livre ( et un article aussi, bien entendu, la somme de nos « papiers » constituant d'ailleurs certainement de quoi concurrencer le poids des plus gros dictionnaire) trouve des amis. C'est exact et on comprendra que ce n'est point sans une certaine mélancolie, disons même carrément de la tristesse, que nous faisons nos adieux à ceux qui, depuis douze ans, ont pu lire une prose forcément hâtive car le temps est toujours pour nous « le bourreau sans merci » dont parle Baudelaire mais où nous avons essayé de garder une constante bonne humeur qui ne fut jamais feinte, l'amour du métier et un optimisme naturel étant aptes à faire oublier très vite les difficultés rencontrées.

C'est donc en songeant à cette note enjouée et en nous souvenant que, justement des « Propos de bonne humeur » constituèrent, des années durant, une part importante de cette rédaction, que nous nous abstiendrons de marquer de gravité la disparition d'un journal avec lequel nous faisions en somme corps pour ne pas dire âme. Et puis, tout le monde sait que l'humour est le masque de la sensibilité et ce ne fut jamais aussi vrai qu'en ce jour …

Faisons donc une sorte d'examen de conscience, avant de tirer notre chapeau à nos amis (ce qui est une façon de parler, compte tenu que, depuis des lustres, le signataire de ces lignes s'est absolument refusé à recouvrir d’un ornement quelconque, que ce soit le gibus de M. Albert Lebrun ou la casquette du regretté Francis Carco, une tête où la neige des hivers a, peu à peu, gagné du terrain sur le châtain des seize ans printaniers, envolés depuis près d'un demi-siècle) hormis le couvre-chef du marcheur et pour éviter l’insolation.

Nous avons tâché de vous informer objectivement ; de garder intacte, à travers des heures parfois sombre cette amitié franco-marocaine qui semble plus que jamais étroite et victorieuse de malentendus passagers ; de vous amuser dans la mesure de nos moyens. Parfois nous avons abandonné « la locale » et les billets aigres-doux pour vous promener de Strasbourg à Paris derrière les « géants de la route » sélectionnés par Émile Antoine ; dans les villes d’Espagne et du Portugal ; dans quelques endroits de la « douce France » ; aux « Fêtes de la Neige » dans le Moyen-Atlas et lors d'autres manifestations présidées par le Roi que pleuvra tout le Maroc ; parmi - honni soit …- les « quartiers réservés » et les « filles de la douceur » ; dans les ruines d’Agadir et en tâchant de vous relater de la manière la plus exacte les visions horrifiantes de la cité martyre secouée par le séisme effroyable encore présent à toutes les mémoires. Tout ceci est lié à notre bonne entente, amis lecteurs, comme il constitua une partie de notre tâche.

Peut-être avez-vous pu penser parfois que nous étions « vieille tige » et non « nouvelle vague », en dépit d’une certaine jeunesse de caractère que trahissait l'expression de nos sentiments et la peinture des figures ou des événements. Vous nous pardonnerez de n'avoir pas, notamment, marqué un fol enthousiasme pour la littérature et la peinture hermétiques, le fait d'aligner des mots jurant entre eux et formant un amalgame ténébreux nous ayant paru ressembler à l’oeuvre du poète qui pique au hasard une fourchette dans un dictionnaire, pour trouver des rimes et celui de peindre une vamp avec le nombril entre les jambes une abstraction propre à ceux qui, comme disait Pierre Dac, ont « des chauves souris dans le clocheton » ou comme l’assurait Georges Courteline « une punaise dans le bois de lit et un rat dans la contrebasse ».

Nous n’avons pas la prétention d’avoir suscité une affection débordante, mais au moins avons-nous tâché d’en acquérir un peu et en tout état de cause, nous avons bien aimé les lecteurs qui nous restaient fidèles et nous marquaient quelque compréhension et parfois une sympathie qui, ne pouvant être intéressée, comportait une évidente sincérité. Cela aussi nous pouvons le dire sans sentimentalité excessive.

Avec « Le Courrier du Maroc » c’est une période de notre vie qui s’achève, celle qui est la plus précieuse dans les souvenirs d’un homme, parce qu’elle comporta la fin de l’âge mûr et le début de la vieillesse, soit les dix et quelques années pendant lesquelles se taisent les rancunes, naissent les indulgences et s’effacent les blessures d’amour-propre.

Ne serait-ce que parce que notre métier fit naître des amitiés nouvelles, nous ne pouvons regretter de l’avoir choisi et au contraire, c’est encore la meilleure raison de nous féliciter d’avoir vécu en contact direct et permanent avec ce qu’il est convenu d’appeler l’opinion publique.

On a épilogué à l’infini sur le rôle du journaliste, les uns disant qu’il épouse les goûts du public, les autres qu’il tâche de proposer les siens. Disons plutôt que c’est une libre confrontation des idées. C’est sans doute chose fausse de croire que de la discussion nait la lumière. Il en découle plutôt une affligeante obscurité - mais il ne s’agissait pas de discuter, seulement d’émettre des arguments et de formuler des opinions en vous laissant le soin d’en extraire ce que vous en vouliez et en vous donnant le droit de faire toutes les réserves qui répondraient à vos propres sentiments.

Dans nos rapports, qui furent toujours cordiaux, avec les autorités marocaines, un souci dominant nous guida toujours : en ménageant les susceptibilités, en nous efforçant de trouver les raisons de chacun, essayer de concilier les points de vue parfois opposés, tout en conservant notre dignité et nos convictions de Français. Comme le disait, lors de ses premiers contacts avec la presse à Meknès, le commandant Driss ben Aomar, nommé gouverneur de cette province à la suite des douloureux événements de fin 1956 : «  Nous sommes ici pour travailler en bonne harmonie et en franche collaboration. Dîtes-nous ce qui ne va pas et ce qui semble « accrocher » et nous tâcherons d’y remédier ». Allant en ce sens, sans doute, avons-nous acquis plus d’estime et de confiance que des flatteurs intéressés, car on respecte davantage et on préfère toujours, dans n’importe quel pays du monde, un ami parfois rude, mais franc et soucieux de garder une entière loyauté dans ses rapports avec les notabilités responsables, que des hommes vous approuvant systématiquement, mais dénués de toute sincérité parce que c’est leur intérêt personnel qui leur clôt la bouche et leur paralyse la plume. Or, à notre sens, ce silence et cet égoïsme ne peuvent qu’aggraver les malentendus au lieu de les aplanir. On ne gagne jamais rien, en définitive, en se montrant servile : ni dans l’esprit des autres, ni dans sa propre conscience.

Mon vieux papa, au temps de ses vingt ans et de la « belle époque » ( celle de Jean Lorrain, de Maupassant et de Verlaine) avait (comme il arrive de le faire à son fils) et sans doute de manière beaucoup plus probante chanté la mélancolie des adieux et écrit, dans un refrain du genre Delmet, si prisé en 1900 : « l’heure vient qui devait venir, quittons-nous doucement, ma mie ». Il avait baptisé cette mélodie « Douce rupture ». Au moment où nous quittons le journal qui nous fut si cher, parce que, plus exactement, c’est, « contraint et forcé », le journal qui nous quitte aussi, c’est à pas feutrés que nous disparaissons derrière le rideau à jamais tiré. Et, comme disait Maurice Chevalier dans son « Paris je t’aime » ce Paris qu’il faudra bien retrouver un jour, et ne nous en plaignons pas tellement, ingrats que nous serions alors ! achevons en disant : «  Adieu ! Non pas « adieu », mais « au revoir ! ».


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Il ne s'agit pas ici d'un article d'anticipation, ni d'une édition spéciale récente mais de la 1ère page du Courrier du Maroc du 23 août 1953.

Le sultan Mohammed VI dont il est question ici est le sultan Moulay Mohammed Ben Arafa el-Alaoui placé sur le trône chérifien le 21 août 1953 par les autorités françaises après la destitution de son petit cousin Sidi Mohammed Ben Youssef - Mohammed V - Chronologiquement il devenait Mohammed VI. Cependant il a rarement été ainsi appelé et à part ce titre du Courrier du Maroc suivi d'un long article je n'ai pas souvenir de l'avoir vu ainsi nommé ailleurs.

Considéré comme traitre et illégitime par les marocains, ils ne pouvaient proposer chronologiquement Mohammed VII pour l'actuel roi Sidi Mohammed. En le nommant Mohammed VI on effaçait ainsi toute trace de l'illégitime et éphémère sultan.

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Re: FERMETURE DU COURRIER DU MAROC 1962
Envoyé par: zonzon (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 6 mars 2016 17:51:09

bel hommage Au Courrier du Maroc,ce journal que mon papa achetait tous les jours, on se l'arrachait pour suivre le Tour de France, je connaissais tous les coureurs, pour une fille de mon age!!
de la rue de Serbie oû j'habitais nous entendions les machines, la nuit, nos jeux d'enfants nous faisaient traverser par une porte, limmeuble jusqu'à la terrasse pour ressortir Avenue P Doumer! le dimanche soir on s'arrétait pour voir les photos exposées dans le hall, je me souviens d'une photo de Marina Vlady qui épousait Robert Hossein, que de souvenirs,!! en évoquant Mr Bertin, je me souviens de sa fille Claire qui était dans ma classe, qu'est elle devenue?

nostalgie! fervente lectrice du Courrier du Maroc Josette

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Re: FERMETURE DU COURRIER DU MAROC 1962
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 6 mars 2016 19:00:18

Je crois que c'était le journal de la plupart des fasi. Le Petit Marocain ou La Vigie avaient une chronique fasi réduite.

Le Courrier du Maroc affichait sur un panneau les résultats de l'étape du jour du Tour de France en fin d'après-midi et on allait les consulter pour connaître vainqueur et classement sans attendre le lendemain matin leur publication dans le journal.

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