Date: jeu. 12 novembre 2015 22:37:52
AVENUE DE LA LIBERTÉ, EX-AVENUE DE FRANCE, EX-AVENUE PÉTAIN ET FUTURE AVENUE HASSAN II
Du passage de Monsieur le Gouverneur Skalli date un grand embellissement de l’avenue de la Liberté (ex-avenue de France) et surtout, cette mise en valeur primordiale, un éclairage digne de la beauté et de son ampleur.
C'est avec les grands aménagements en chemin d’eau, réalisés dans l’axe, sous l'initiative de M. Warnery, alors chef des Services Municipaux, les seules retouches à apporter à l'étude qu’en fit M. Carel, chef des plantations de la ville, et dont nous reproduisons ci-après le principal, sûrs d’intéresser nos lecteurs.
Un kilomètre de long
L’avenue de la Liberté, voie principale de la Ville Nouvelle de Fès est longue de 1 kilomètre de bout en bout.
Son site est magnifique à son aboutissement, au seuil du plateau que constitue l’agglomération, elle ouvre une vue à comparable sur le panorama de la Ville Ancienne et plus lointains, mais imposants, les monts du Riff.
Là, depuis quelques mois, la municipalité a fait planter un jardin encadrant une pièce d’eau avec jet d’eau, et cet espèce de belvédère enrichi d'une magnifique parure florale, est un des lieux privilégiés de Fès pour sa beauté.
Nivellement, sol et eau
De son extrémité la plus haute jusqu'à son aboutissement, il y a dix sept mètres de différence de niveau, mais la pente est inégale et a motivé des remarques de M. Henri Prost dans un rapport de mission du 15 juin 1932 : « Le profil en long prévu n’ayant pas été réalisé avant les constructions importantes récemment édifiées, il n'y a aucune modification essentielle pouvant remédier aux regrettables lacunes du profil constitué par le terrain naturel ».
Sol : comme partout a Fès, l’épaisseur de terre végétale naturelle était de 20 à 40 centimètres de nature argilo-calcaire, le sous-sol composé d'un tuf calcaire heureusement peu assimilable, avec une partie rocheuse devant la place Lyautey. Plusieurs milliers de mètres cubes de terre végétale ont dû être apportés à l’emplacement des jardins et plantations.
Eaux : les eaux ont un rôle important dans l'avenue de France. Des successions de bassins et une goulotte en cascade dans la partie haute sont alimentées par un bras d’eau dérivé de l’Aïn Chkeff, la Séguia Zouagha, appelée aussi Séguia du Sultan à cause de la servitude de fournir en toute saison, un minimum de 70 litres secondes d’eau destinée au Palais du Sultan de Fès-Djedid.
Mais cette eau est trouble et limoneuse pendant les pluies et présente de ce fait, le gros inconvénient d'obliger à des curages fréquents.
Un bassin de l'avenue est alimenté en permanence par l'eau claire d’un puits artésien à petit débit se trouvant dans le haut de l’avenue.
Plantations et jardins
Les trottoirs latéraux sont bordés de platanes. La partie centrale a deux rangées de platane vers les routes et deux lignes de Phoenix canariensis (Dattiers des Canaries) au port majestueux, espacées entre elles de 16 mètres au centre des terre-pleins.
Les parterres de 62 mètres de largeur sont décorés de jardins étudiés pour chaque emplacement afin que la promenade sur 1 kilomètre ne soit pas monotone, agrémentés de bassins avec jets d’eau, des cascades, des fleurs vivaces ou annuelles changées en toutes saisons, des rosiers, des gazons, limités par des bordures de romarin ou de lavande assurant la netteté du dessin.
Tout peut être arrosé par bouches d’arrosage. Les bancs à dossier en granito rose sont nombreux.
Évolution
C’est le 25 novembre 1915 (déjà cent ans !!) que le général Lyautey au cours d’un de ses voyages à Fès en compagnie de l’architecte Prost, du colonel Simon, commandant la Subdivision de Fès, de l’ingénieur Malégarie et du capitaine Mellier, chef des Services Municipaux, décida de l’emplacement de la Ville européenne.
M. Hourdillé, ingénieur des Travaux publics, fut chargé d’établir le plan en s’inspirant des conceptions du général Lyautey et des directives de M. Prost. Le programme de ce projet était de prévoir une grande avenue partant de la gare de la voie de 60 en direction de la Médina et plus précisément du minaret de la mosquée que l’on peut distinguer dans l’axe de l’avenue.
En 1916, une seule route côté sud de l’avenue est construite. Les lots bordant cette nouvelle route ne se vendant pas, ce côté sud fut presque entièrement réservé pour les administrations : Poste, Tribunal de Paix devenu Cercle des officiers, Palais de Justice, Eaux et Forêts, Domaines, Perception, Trésor, Tabacs, Pompiers, École.
Cette affectation sans doute justifiée au début, cause actuellement le plus grand tort à cette magnifique Avenue qui sur ce côté manque de l’animation et de l’éclairage de la partie construite en grands immeubles où se sont installés les commerçants, hôtels, cafés et restaurants.
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En 1923 également ont été plantés 213 platanes en bordure des trottoirs extérieurs, 134 mûriers le long des trottoirs de la partie centrale, 44 Phoenix dactylifera en deux rangées commencées à partir de la Place El Mansour et 22 de ces mêmes Phoenix sur la Place dont il subsiste encore quelques uns.
Sans vouloir faire une chronologie des constructions de l’Avenue, notons que la Banque d’État du Maroc et plusieurs grands immeubles datent de 1929, que le plus haut immeuble de Fès ( 12 étages) de l'Urbaine fut construit en 1932, l’imposant Palais de Justice est de 1935.
En 1931, le 30 juin l’Administration municipale de Fès lançait un concours d'idées pour parvenir à l'aménagement des Places Yacoub el Mansour - ex-Place Lyautey- , Ahmed el Mansour - ex- Place Galliéni- et de l’Avenue, entre les architectes urbanistes et paysagistes, doté de 20 000 francs de prix. Le projet de l'architecte Charles Boyer fut primé mais ne fut pas suivi d’exécution.
Le chef technique des jardins et plantations du Maroc M. Zaborsky fit en 1939 un projet de parterres auquel il ne fut pas donné suite.
Ce n'est qu'à partir de 1949, sous l’active et persévérante attention de M. Warnery, chef des Services municipaux, que furent commencées l’étude et la réalisation des séguias, bassins, allées, jardins par le Service des Promenades et Plantations des Travaux municipaux, en débutant par le tronçon de la Place el Mansour jusqu'à la Place de la Liberté, le seul terre-plein central restant inachevé.
Projets
Au début de 1957, l'aménagement des jardins de l'Avenue est presque terminé.
Un seul tronçon reste à faire, le principal il est vrai puisqu'il se trouve au milieu et face à la Place avec laquelle il doit se relier.
La circulation des piétons y étant importante dans toutes les directions, la constitution d'un bon sol sain en toutes saisons avec au centre un parterre de grande dimension semble la solution la plus simple et logique.
Les sols des chemins sont à améliorer, soit par des carrelages ou des dallages coûteux ou plus économiquement par la confection d'un sol stabilisé et stérile évitant les binages permanents pour l'enlèvement des mauvais herbes.
Quant aux parterres, il est toujours possible de les modifier, de supprimer les bordures de romarin et les remplacer par des bordures parisiennes qui limiteraient ces parterres sans gêner la vue des gazons et des fleurs, d’entourer les cuvettes des palmiers et des arbres par des bordures de ciment.
Ces améliorations sont tributaires des crédits qui pourront être alloués pour leur réalisation.
D'autres transformations plus radicales sont souhaitables pour l’avenir, qui modifieraient complètement la Ville et cette avenue appelée souvent à propos « les Champs Élysées fasis ».
C'est un problème d'urbanisme hardi qui obligerait progressivement le remplacement de certains petits immeubles administratifs de la zone sud de l'Avenue par de grands immeubles modernes à usages locatifs et commerciaux.
Courrier du Maroc. 8 août 1960