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Fès et sa région :  Forum ADAFES
LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 30 juin 2015 23:56:19

LA PETITE COLONISATION DANS LA RÉGION DE FÈS : LES LOTS VIVRIERS.

Article d’Albert JOUFFRAY dans la revue Nord-Sud, 1933, numéro 6 consacré à Fès.



" L'éclosion de lotissements de petites propriétés dans la banlieue de Fès a été entourée de difficultés du fait que tous les terrains disponibles aux environs de la ville avaient été accaparés par de riches indigènes fasis ou pris par le Service des Domaines. D'autre part toute transaction était impossible avec les tribus des environs immédiats considérées comme guich et n'ayant de ce fait que la possession du terrain à titre précaire.

Des théories assez étranges - qui ne sont pas complètement abandonnées - poussaient l'administration locale à ne pas favoriser le développement de la banlieue … Fès devait rester mystérieuse, fermée, entourée de remparts se découpant nettement au bord d'une plaine aussi nue que possible.

Tous les rêves sont respectables, et celui qui consistait a laissé Fès en dehors du développement rationnel - je dirai : européen - des autres villes marocaines pouvait se soutenir en se donnant pour but la conservation du joyau historique qu'est notre Médina.

Mais Fès n'était pas un amoncellement de ruines ou de monuments n’ayant plus, pour animer ses murs que les souvenirs du passé. Fès était un joyau vivant, composé d'une population industrieuse désirant évoluer dans l'intérieur de son cadre moyenâgeux, et même le dépasser ; et cette population était, comme celle des autres villes, composée d'êtres humains : elle avait besoin très prosaïquement de manger.

Il fallut donc en 1922 et 1926, créer vingt-quatre lots maraîchers dont seize pour les européens et huit pour nos amis fasis désirant se livrer au jardinage ; ces vingt-quatre lots couvrent une superficie de 192 hectares.

C'est le premier essai de petite propriété. Ce lotissement maraîcher avait un caractère particulier, professionnel, d'un développement réduit, et il n'avait nullement le caractère familial destiné à permettre aux Européens de se créer un foyer au Maroc, dans des conditions identiques à celles qu'ils avaient en France. Nombreux, parmi les pionniers de la première heure, étaient ceux qui voulaient vivre dans le décor charmant que forment dans nos banlieues françaises, une petite maison perdue dans les fleurs et la verdure ; et, peu à peu, ce désir de se créer un foyer devint plus impérieux. C’est ainsi qu’en 1927, un groupement se créa sous le nom de «  Vieux Marocains » ( c’est à dire ceux qui avaient vingt ans de Maroc et voulaient se fixer dans le pays). On vit alors le fait extraordinaire suivant : l’Administration du moment fit une résistance acharnée à la campagne entreprise par les Vieux Marocains et il fallut toute la ténacité de M. Steeg pour vaincre l’opposition systématique des bureaux.

Le 30 juin 1928, le Résident écrivait au Groupement : « Les petits lots de jardins qu’ont sollicités les vieux marocains seront bientôt attribués … L’Administration a préparé un lotissement de 80 hectares à Dar-Debibagh, comprenant cinquante-six lots irrigables de 1 ha 500 chacun … ces lots seront réservés aux seuls habitants de la ville … »

C’était l’émancipation des Vieux Marocains cloîtrés à Fès-Djedid et à la Médina pour la plupart depuis 1911.
Ces cinquante-six lots n’ont pas été réservés aux seuls Vieux Marocains, mais ont été partagés avec les Anciens Combattants et les Pères de Famille nombreuse. M. le délégué à la Résidence, Urbain Blanc, s’intéressa à cette initiative de M; Steeg, et M. Desoubry, directeur de la Banque d’État, ouvrit un crédit pour les constructeurs par l’intermédiaire de la Caisse de Crédit Mutuel de Fès, dirigée par M. l’intendant général Roux, toujours prêt à aider ses compatriotes.

Bien que cette initiative si simple ait eu à lutter conte des entraves de tous genres et qu’elle ait été faite au moment précis où le mouvement des affaires se ralentissait, c’est un succès : 57 familles ont bâti leur nid dans la verdure; 120 enfants y vivent au grand air comme dans nos villages français ; 350 personnes y constituent un véritable petit centre qui a déjà son jardin public, sa maison commune, son petit chalet réduit et … un garde-champêtre du plus beau noir, à l’allure terrible, mais qui, depuis quatre ans bientôt, n’a pas encore dressé un seul procès-verbal.

Un budget de 13 500 francs permet de faire vivre cette petite agglomération où le redoutable garde-champêtre et le Conseil des Syndicats sont les seules autorités. Enfin au cours de 1933, M; Saint, suivant l’exemple de son prédécesseur, a accordé le lotissement de Sidi-Brahim, où trente-six familles sont en cours d’installation. Pour ces trente-six lots, il y avait plus de deux cents demandes de gens dont les mérites étaient à peu près les mêmes. L’obligation d’éliminer une partie des candidats fut une dure nécessité - nécessité inconcevable dans un pays neuf où nous avons intérêt à fixer le plus grand nombre de familles françaises. Quant aux élus ils se précipitèrent, sur leurs lots comme une troupe se lance à l’assaut, et, en moins d’une semaine, tout le terrain fut remué et planté.

Cet amour de la terre, ce désir de se fixer au sol n’existe pas seulement chez ceux qui sont venus depuis de longues années au Maroc, et les Vieux Marocains se rendant compte qu’il faut poursuivre la croisade entreprise il y a six ans en faveur de la petite propriété, désirent que le morcellement des plaines irrigables soit facilité pour permettre à de jeunes familles venant de France d’apporter avec elles un supplément d’énergie et d’espoirs.

Ils veulent préparer, eux, les vétérans, préparer la place aux jeunes. Ils ne voient pas, dans ce morcellement, une mesure spéciale prise exclusivement en leur faveur : ils y voient le moyen de créer une force morale et matérielle raisonnable capable de faire échec à tout mouvement violent en donnant à tous la richesse, la tranquillité et la joie."

Éclairage intéressant sur la création des lots vivriers ... et les ambiguïtés de la politique du Protectorat

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: aubert (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 1 juillet 2015 09:47:50

Merci Georges pour ces renseignements,mes parents ont eu le lot à Sidi Brahim en 1932,si mes souvenirs sont exacts!!! en tant qu'Anciens Combattants!!!! car nous y avons habité à partir de 1933 !!!!
J'ai l'impression qu'il n'y a que toi et mo qui alimentant le Forum !!!
Bises
Micheline

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 1 juillet 2015 20:51:30

Bonsoir Micheline

nous sommes probablement les deux seuls à ne pas savoir comment occuper nos journées !!

Je te propose un autre article sur les lots vivriers de Dar Debibagh

UN ANNIVERSAIRE OUBLIÉ ....LA VENTE DES LOTS VIVRIERS DE DAR DEBIBAGH

(article de Marcel BOUYON. Progrès de Fez 9 octobre 1938)

Dix ans se sont écoulés depuis l'attribution des lots vivriers de Dar Debibagh. Voici le compte rendu que nous avons fait de cette adjudication dans notre numéro du 30 septembre 1928.

« Jeudi soir en présence d'une commission présidée par le général Pétin ont eu lieu les opérations d'attribution des 56 lots vivriers de Dar Debibagh.
L’on sait que les postulants étaient divisés en trois catégories :
- Mutilés et Anciens Combattants
- Vieux marocains
- Familles nombreuses
et qu'enfin il avait été créé une série de repêchage pour ceux qui ne figuraient pas dans les premiers numéros de leur catégorie.
Chaque candidat, suivant l'ordre établi, choisissait le lot désiré.

Il fut d'abord procédé au tirage au sort des lots à attribuer à chaque catégorie, ensuite il fut donné lecture de la liste des quatorze premiers candidats, par ordre de mérite, de chaque catégorie.
Lorsque les trois catégories ci-dessus furent servies, l'on procéda à l'appel de tous les postulants restants et un tirage au sort parmi ces derniers décida de l’attribution des 16 lots non encore retirés.

Ces opérations, d’une façon générale donnèrent satisfaction et il n’y eut que peu de réclamations.

Cependant, qu'il me soit permis de manifester notre surprise de voir participer à l'attribution des lots vivriers, de gros propriétaires fonciers de notre ville ; un monsieur qui possède pour plusieurs centaines de milliers de francs d'immeubles devrait avoir la pudeur de les laisser à ceux qui ne possèdent rien.
Nous avons été également écoeuré de voir postuler des familles entières de gens fortunés qui se classent eux-mêmes parmi les millionnaires ; le manque de dignité de ses éternels affamés ne nous surprend pas.

A l’origine, il nous semble que le lotissement vivrier de Dar Debibagh avait pour but de procurer aux fasi de condition modeste et ne possédant ni immeubles ruraux ou urbains, un lopin de terre où ils auraient pu installer leur foyer, un lopin de terre qui aurait amélioré leurs conditions d’existence.

Un lotissement vivrier a presque un caractère alimentaire et ne doit en aucun cas être une source de spéculation pour les individus riches et déjà propriétaires fonciers.
Nous estimons aussi qu'il ne devrait être attribué qu’un seul lot par famille et non pas plusieurs comme cela s'est vu jeudi.
Sous réserve de ces quelques observations, il est certain que le lotissement vivrier de Dar Debibagh a eu la faveur du public et a obtenu un franc succès - il y eut en effet 170 demandes - ce succès lui-même comporte toute une indication pour nos gouvernants.
Il faut que l'administration et la municipalité se préoccupent dès maintenant de rechercher des terrains pour de nouveaux lotissements, deux ou trois cents hectares seraient récupérables, ce nous semble, autour de Fès.
Qu’on n’hésite pas à les retenir pour cette destination nouvelle et que dans les cahiers des charges à intervenir, l’on écarte délibérément de leur attribution les propriétaires fonciers et les individus fortunés qui n'ont pas besoin de lots vivriers pour vivre.

J'estime en outre, que tous les lots devraient être réservés à nos nationaux, quitte à faire racheter les terrains par l'État français. Nos sacrifices au Maroc sont suffisamment importants pour que nous ayons le droit d'en retirer quelques avantages. »

Marcel Bouyon rajoute dans son article de 1938, que si le jour de l’adjudication les protestations des mécontents furent peu nombreuses, elles se manifestèrent par la suite ; elles avaient la plupart pour objet les critiques qu’il avait lui-même présentées au sujet de l’attribution des lots à des personnes qui auraient dû être écartées de la répartition.

Il me semble que le voeu de M. Bouyon de réserver les lots vivriers aux « nationaux » avait déjà été pris en compte dans cette distribution car si dans la première attribution de lots vivriers 8 lots avaient été attribués à «  nos amis fasi » (cf article de Jouffray), les « amis fasi » ne sont plus mentionnés par Jouffray dans la vente des lots vivriers de Dar Debibagh en 1928.

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: aubert (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 2 juillet 2015 10:32:08

Bonjour Georges
Effectivement,nous n'avons peut être rien d'autres à faire !!!! ou alors Fes est enracinée en nous !!!! car je comptabilise le nombre de fois ou le message est lu !!!!!
Ou est l'époque ou la plupart en ligne,nous posions les questions et les réponses !!! une vraie joute verbale !!!!
La majorité des noms que tu cites dans tes articles me sont connus !!!
Bisous
Micheline

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: MANU (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 3 juillet 2015 18:31:22

Bonjour,

Nous n'avons pas les connaissances historiques que vous avez sur FES et sa région néanmoins nous vous lisons toujours avec plaisir, curiosité et satisfaction. Continuez chers amis à alimenter le site car quoique vous en pensiez beaucoup d'ex-Fassis et de nombreux Fassis vous lisent et nous parlent du travail remarquable que réalise Georges.
Merci à vous et bonne continuation.
Amicalement, Manuel BELMONTE

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: aubert (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 4 juillet 2015 08:17:36

Bonjour Manu
Effectivement,on voit que les messages sont lus,vu la comptabilisation!!!! mais je veux dire qu'il n' y a plus l'animation d'il y a 4 à 5 ans !!!!
Affectueusement
Micheline

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: belaud (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 6 juillet 2015 16:22:14

D'accord avec Manu, ce n'est pas parce que nos signatures n'apparaissent pas que nous ne vous lisons pas, nous n'avons simplement pas vos connaissances fassies.
Bises a vous
Jean-Mi

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: claudia (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 7 juillet 2015 15:08:33

Bonjour Micheline, Georges, Manu et Jean-Mi,

Contente de toujours lire les historiques de Georges sur Fès. Les Lots Vivriers j'y est habité mais aucun souvenir puisque j'étais bébé. Avoir habité près des Cols Bleus, dans une chambre d'un hôtel conventionné, sur la Base, à la Voie de 60 et pour terminer au Bled Hachach (excusez-moi pour l'orthographe) avant de rejoindre Rabat. Ecole de l'Hippodrome et l'église Saint-François d'Assises : des souvenirs pour certains toujours bien présents dans ma mémoire.
Je ne travaille plus à la médiathèque départementale des Vosges : Enfin à la retraite et seulement maintenant après mon installation dans le Tarn que je lis toujours avec plaisir les différents forums.
Bises à vous tous,

Claude BEJOT

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Re: LES LOTS VIVRIERS
Envoyé par: aubert (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 8 juillet 2015 08:19:54

Bonjour Claude
Tu as donc quitté les Vosges?Heureuse de te lire à nouveau!!!
Bisous
Micheline

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