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LES ESPAGNOLS À FÈS
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 12 février 2015 17:22:45

LES ESPAGNOLS À FÈS


Lorsqu’un voyageur visite Fès, le guide ne manque pas de lui faire parcourir les rues de l’un des deux grands quartiers de cette ville, dénommé l’Adouat-el-Andalous, et de lui affirmer que ce quartier est peuplé d'Arabes chassés d'Espagne après la prise de Grenade et qui ont conservé, comme un souvenir précieux, les clés de leurs anciennes demeures.

Or, la prise de Grenade a eu lieu 700 ans environ après la venue, à Fès, des Andalous qui ont donné le nom de leur pays au quartier où ils se fixèrent. D'ailleurs même lors de la prise de Grenade, les Arabes ne furent ni chassés ni expulsés en masse par les rois catholiques. Le traité de capitulation de 1492 garantissait aux musulmans le libre exercice du culte et le respect de leur religion ; il leur accordait le droit de commercer, de voyager dans toute l’Espagne, d'aller en Afrique et, si bon leur semblait, d’en revenir pourvu que ce fût dans un délai de trois ans. Tout ceci pour éviter la dépopulation des territoires reconquis ; pour ne pas ruiner ni le commerce, ni l’industrie, ni l’agriculture.
En bref, l'installation des Andalous à Fès n’a aucun rapport avec la « reconquête ». Ces Andalous n'étaient pas, comme on le croit généralement, comme on l’a dit et écrit, des Arabes qui auraient été chassés par les Espagnols. C’étaient, au contraire des Espagnols que l’émir de Cordoue, Hakam Ier, contre qui ils s'étaient révoltés, expulsa d’Espagne, cent ans seulement après l'invasion des Arabes, dont la domination dura huit siècles.

En lisant les ouvrages consacrés à ce sujet, d'abord la merveilleuse « Histoire des musulmans d’Espagne » éditée à Leyde en 1861 et qui a pour auteur un hollandais de langue française, Reinhart Dozy, islamisant aussi modeste qu’érudit, puis l’ « Histoire du Moghreb », de M. Ismael Hamet, ex-directeur de l’Institut des Hautes Études Marocaines ; « Une ville de l’Islam : Fez » d’Henri Gaillard, en lisant encore «  L’Espagne Musulmane », de Louis Bertrand, sans omettre les auteurs arabes El Bekri ba Mohamed, Salah ben Abd el Halim et El Naciri, en tenant compte de la science scrupuleuse des deux premiers, de la prudence, de l'expérience et de la sincérité du troisième, de la passion, du parti-pris tendancieux et de l'exagération des autres, l’historique du quartier des Andalous de Fès se résume ainsi qu'il suit :

À Cordoue, après un siècle de domination arabe

À Cordoue, sous le règne de Hakam ben Hicham, un siècle après la conquête de l’Andalousie, les Espagnols convertis à l'islamisme étaient très nombreux. Ils formaient presque la majorité de la population comme d'ailleurs dans le reste de l’Andalousie.
Anciens serfs ou esclaves, ou fils d’esclaves, païens ou chrétiens, patriciens qui avaient embrassé l'Islam les premiers pour être libres, les autres pour ne pas payer l'impôt de capitation, ou conserver leurs biens, ou encore parce qu'ils croyaient sincèrement à l'origine divine de l’Islam, tous avaient trouvé dans leurs nouvelles conditions une grande amélioration à leur sort ; les serfs et les esclaves, les patriciens qui ne s'étaient pas ralliés à la nouvelle doctrine et qui étaient passés sous l’obédience ou au service des maîtres du pays, les juifs eux-mêmes ne regrettaient rien du passé, car la domination arabe avait fait disparaître une grande partie des maux dont leurs pères et eux-mêmes avaient souffert.
Ils étaient, en général, cultivateurs ou artisans. Les Arabes conquérants étaient trop fiers pour faire valoir eux-mêmes leurs biens et, par ailleurs les indigènes seuls connaissaient les procédés locaux de l’agriculture. Beaucoup de terres, confisquées sur des patriciens partis dans le nord, avaient été partagées et attribuées aux serfs attachés au fonds ou aux nouveaux mahométans laborieux, colons économes, ce qui en accroissant le nombre des petites propriétés, avait contribué à rendre florissante l’agriculture, dont la prospérité favorisait les commerçants et les artisans des villes.
Presque tous les habitants de l'Espagne méridionale, païens, chrétiens, juifs et musulmans arabes, africains et slaves, étaient bilingues. La condition de ceux qui n'avaient pas changé de religion n'était ni meilleure ni pire que celle des convertis. Mais les traités qui leur assuraient le respect de leur foi, de leurs personnes et de leurs biens étaient plus ou moins bien observés et, souvent, au fur et à mesure que s’affermissait l'autorité du conquérant, sa domination d'abord douce et humaine, dégénérait en despotisme. C'est ainsi qu’ils se voyaient imposer d'impôts extraordinaires notamment à Cordoue dont la population chrétienne était pauvre.
Or, ceux qui avaient le plus de motifs de se plaindre, ceux qui, effectivement se plaignaient le plus de la domination arabe, ce n'étaient ni les chrétiens et juifs c'était les néo-musulmans. Et, fait curieux, que l'on constate fréquemment, les néophytes convaincus, très nombreux, étaient plus zélés que leurs initiateurs, plus stricts, plus intransigeants qu’eux sur le respect de la religion musulmane. Ils connaissaient mieux le Coran qu'ils avaient su l’Évangile, car les Arabes avaient diffusé l'enseignement de leur langue que beaucoup d'Espagnols parlaient avec aisance et, souvent avec éloquence et que d'autres écrivaient à la perfection.
L'état d'esprit des néo-musulmans ne laissait pas que d'inquiéter le sultan Hakam ben Hicham. C'est qu'ils se considéraient comme les égaux des envahisseurs Yamanites et Maadites, et prétendaient avoir les mêmes droits et prérogatives qu’eux. Ils s'estimaient même supérieurs d'abord parce qu'ils étaient chez eux et parce que leurs aptitudes pour les arts et métiers méprisés par les Arabes, étaient réellement plus grandes. Ils avaient en un mot, l’esprit wilsonnien des Syriens, des Irakiens, des Égyptiens de nos jours, des « destouriens » tunisiens. Or, ils étaient systématiquement écartés des emplois lucratifs, des charges et des dignités de l'État. Ils n’étaient pas aimés parce que l'accroissement constant de leur nombre se traduisait par une diminution des impôts dont les musulmans étaient exonérés. La sincérité de leur foi était même mise en doute et ils étaient traités avec insolence. Dozy dit que « voyant encore le sceau de la servitude sur une foule de fronts récemment affranchis, les Arabes les flétrissaient tous du nom d’esclaves ou de fils d'esclaves, quoi qu'ils comptassent dans leurs rangs quelques uns des plus nobles et des plus riches propriétaires du pays ».
L’état de contrainte, l’infériorité sociale dans lesquels ils étaient maintenus, les insolents dédains dont ils étaient l’objet, l’espèce d’ostracisme dans lequel ils étaient tenus, l’inconduite flagrante du sultan qui s’enivrait, les exactions commises par sa soldatesque, tout contribuait à leur rendre odieuse la domination arabe, appuyée sur des mercenaires de toutes races, de toutes religions, berbères et slaves islamisés, païens et chrétiens sans foi, etc …
Étant le nombre, la majorité, ils voulaient être au moins les égaux des arabes qui, eux, proclamaient la noblesse de leur origine et considéraient les Espagnols comme des musulmans inférieurs, de « seconde zone » capables s’ils leur donnaient l’égalité, d'occuper toutes les charges, de se rendre maître du Maghzen.
C'est un peu cet état d'esprit qui anime aujourd'hui les puritains des campagnes d'Amérique du Nord qui redoutent, s’ils ouvraient toutes grandes leurs frontières, aux latins, aux méditerranéens et aux asiatiques, qu’ils considèrent comme étant de races inférieures à la leur, d'être submergés sous leur nombre et de perdre la suprématie politique.
Bref, dans toute l’Espagne musulmane, ils constituaient un parti national, mais sans cohésion, sans unité de vues et d’action, sans meneurs capables de s'entendre pour secouer le joug qui les oppressait. Et les provinces s'insurgèrent chacune à l’époque qu’elle choisit.
La révolution éclata à Tolède d’abord, à Cordoue sept années plus tard : elle fut réprimée cruellement et échoua.

Vingt-cinq mille familles espagnoles sont chassées de Cordoue et expulsées d'Espagne par les Arabes

À Cordoue, les Espagnols musulmans se plaignaient du sultan Hakam I, qui avait, pour se protéger une importante garde noire et des esclaves qui ne parlaient ni l’arabe ni l’espagnol et qui se montraient particulièrement insolents et cruels. Hakam, nous l’avons dit, s’enivrait, festoyait constamment, scandalisant par ses excès et ses débordements, les jurisconsultes et les théologiens, qui excitaient les Espagnols contre lui. Le vendredi, il venait à la mosquée longtemps après l'appel du muezzin, et, dans la foule impatiente on criait, on l’insultait, mais sa police ne parvenait pas à saisir les coupables. Un jour, en pleine mosquée, un homme du peuple l’injuria, aux applaudissements de l'assemblée. Dix meneurs furent crucifiés. Ce fut en vain. Les Cordouans, fiers et obstinés, continuèrent, excités par les fquihs et les oulamas. Les soldats n’osaient plus se montrer seuls ou en petit nombre dans les rues du faubourg méridional : ceux qui s'y aventuraient étaient insultés, battus, massacrés sans pitié.
La révolte éclata en 814-815 à la suite du meurtre d'un rémouleur qui refusait d’affiler, immédiatement, l'épée d'un soldat qui le tua. Le peuple de tous les faubourgs, furieux se porta en masse vers le palais. Cette rébellion fut réprimée dans le sang. Il y eu des centaines de victimes massacrées par la garde noire ; le faubourg méridional fut détruit, rasé et les Espagnols qui avaient échappé à la tuerie et dont beaucoup avaient vu massacrer leurs pères, leurs femmes, leurs enfants furent chassés de Cordoue et mis dans l'obligation de quitter l’Espagne, sous peine d’être crucifiés. Quinze mille d’entre eux allèrent en Égypte, s’emparèrent d’Alexandrie, d’où, en 826 chassés par un général du khalife Mamoun, ils passèrent en Crète, dont ils firent la conquête sur les Byzantins. Leur chef, Bou Haïs Omar el Bellouti, originaire du Fahes el Bellout - Campo de Calatrava - fonda une dynastie qui régna jusqu’en 961, époque où les Grecs reconquirent la Crète.
Huit mille autres familles espagnoles se réfugièrent au Maroc.

Ces huit mille Cordouans s’installent à Fès

Moulay Idriss avait fondé la ville de Fès, huit années environ auparavant en 182 de l’hégire. Mais son entourage était composé d' Arabes venus de toutes les parties de l’Afrique, de nomades à qui la vie du citadin répugnait. Les tribus berbères des environs de Fès y eurent des colonies dans des quartiers à part. Mais la ville tardait à se développer et dans son enceinte existaient de grands vides. Moulay Idriss y installa les Cordouans peu après l’arrivée de trois cents familles venues de Quairouan. Les uns et les autres bâtirent leurs demeures sur chaque rive de la rivière, les Quairouanais à gauche, les Cordouans à droite et donnèrent le nom de leur pays d’origine aux deux rives qui, aujourd’hui encore s’appellent rive des Andalous et rive des Quairouanais.
Là, les Espagnols acquirent droit de cité et furent les égaux des autres musulmans. Mais, tout de suite les deux groupes furent rivaux, car tout les séparait, la religion exceptée.
« Les habitants de la rive espagnole, dit le Roudh el Qartas, étaient forts, valeureux et la plupart adonnés aux travaux de la terre et des champs ; ceux de la Qarouine, au contraire, généralement hauts placés et plus instruits ou commerçants, aimaient le luxe et le faste chez eux, dans leurs vêtements, à leur table et ils ne se livraient guère qu’au négoce et aux arts. Les Qairouanais étaient plus beaux que les hommes de Cordoue, mais en revanche, les femmes de ceux-ci étaient les plus jolies ».
À ce sujet, Dozy, qui a puisé sa documentation dans le Roudh el Qartas et dans les « Notices et extraits » de Bekri, s’exprime ainsi :
« ces Arabes et ces descendants des Celto-Romains avaient les uns pour les autres une sorte de haine instinctive, et quoique réunies sur le même sol, ces deux populations se tinrent si obstinément séparées qu’encore au XIVe siècle on voyait tout d’abord, aux traits du visage, qu'elles étaient de races différentes. Leurs goûts, leurs occupations et leurs moeurs en se maintenant diamétralement opposés, semblaient consacrer irrévocablement cette antipathie de race. Les Arabes étaient ouvriers ou marchands ; les Andalous s'occupaient de travaux agricoles. Ceux-ci gagnaient péniblement leur vie, ceux-là avaient le bien-être et parfois le superflu. Aux yeux de l’Arabe, qui aimait la bonne chère, la parure et l’élégance en toutes choses, l’Andalou était un paysan rude, grossier et parcimonieux, tandis que l’Andalou regardait l’Arabe comme un efféminé qui dissipait son bien en folles dépenses. Les Arabes et les Andalous vécurent pendant plusieurs siècles dans un état d’hostilité quelquefois sourde, plus souvent flagrante et maintes fois un terrain neutre au bord de la rivière qui séparait les deux quartiers, fut le théâtre de leurs combats.
Il est juste de dire que Qairouanais et Cordouans - Arabes et Espagnols - apportèrent à Fès une culture jusqu'alors inconnue au Maroc dans les lettres, les arts, la science de l'agriculture. Ce sont les Espagnols qui créèrent les beaux jardins de Fès et cultivèrent les beaux champs de la vallée du Sebou. Ce sont eux qui construisirent à Fès, les moulins hydrauliques au nombre de cent soixante, et qui ont été, à l'origine constitués Habous.
Chaque race vint avec ses qualités et ses défauts, auxquels plus tard, s'ajoutèrent ceux des juifs qui se fondirent dans la masse des « Ahil Fasse », des gens de Fès. C'est ce qui explique l'importance que prit dans le monde de l'Islam l’enseignement donné à la mosquée Qarouanine ; les dispositions merveilleuses des Fassis pour le négoce, pour ce que nous appelons les « arts arabes », qui sont souvent des arts celto-romains importés d’Espagne, notamment pour la mise en valeur des terres situées dans les environs immédiats de Fès par ces admirables paysans cordouans, attachés à la glèbe par les Romains et les Wisigoths et dont l’endurance et la sobriété sont proverbiales.

E. Grésillon Le Progrès de Fès 15 août 1936.


Pour compléter l’article de Grésillon … et défendre les guides fasi … même s’ils ne sont pas toujours à la hauteur des attentes des visiteurs les plus avertis, il faut quand même reconnaître que la chute de Grenade entraîna l’arrivée à Fès de nombreux « Arabes andalous ».

Les accords de capitulation de la cité de Grenade stipulaient, effectivement qu’en échange de la remise de la ville, les musulmans garderaient leurs biens, leurs armes et leurs chevaux, conserveraient la liberté du culte, la libre disposition des mosquées, le maintien du régime fiscal et la possibilité, pour ceux qui le désireraient d’émigrer en Afrique du Nord.
Cet extrait du chapitre 6 de ces accords précise : « leurs altesses et leurs successeurs, au jour d’aujourd’hui, permettent aux Grenadins de vivre dans leur propre religion, n’autoriseront pas qu’on les prive de leurs mosquées, ni de leurs minarets, ni de leurs muezzins, ne feront pas ingérence dans les institutions ni dans les dons en rapport avec ces charges religieuses, et ne troubleront pas non plus les us et coutumes observés par eux ».

Les termes de ces accords qui mettaient en oeuvre la capitulation de la ville de Grenade, bastion musulman depuis deux cent cinquante ans, avaient été arrêtés plusieurs mois auparavant, durant l’automne 1491, dans le cadre d’un arrangement secret entre le dernier sultan des Nasrides, Mohammed XI, connu sous le nom de Boabdil et les monarques catholiques.
Boabdil remit comme prévu les clés de l’Alhambra, - et symboliquement les clés de la ville - le 2 janvier 1492 à Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, sans effusion de sang … sans que les Arabes ne soient chassés ou expulsés en masse.
Les choses se passèrent même très bien. Au moment de la signature des traités de capitulation, le 25 novembre 1491, les rois catholiques avaient exigé des Grenadins, cinq cents otages parmi les habitants de la ville pour éviter toute trahison. Les otages furent libérés rapidement après l’installation à l’Alhambra d’Isabelle et de Ferdinand ; les musulmans fréquentaient le campement des chrétiens pour acheter et vendre, et les chrétiens faisaient de même dans la ville.

Les souverains donnèrent leur accord à ceux qui voulaient traverser la mer, et pour cela des navires furent amenés sur la côte. Ceux qui avaient décidé de faire la traversée commencèrent à vendre leurs propriétés, leurs fermes et leurs maisons.

Mais cet état de grâce ne dura pas. Très rapidement les Rois catholiques refusèrent d’appliquer les clauses du traité, qu’ils n’avaient signé que pour hâter la capitulation de la ville - il semble même d’après certains historiens que le représentant de Boabdil lors de la signature des accords « travaillait » pour les Rois catholiques -.
Le 31 mars 1492, ils ordonnèrent l’expulsion des juifs de la Péninsule. Ils furent cent cinquante mille à prendre le chemin de l’exil. Les musulmans ne subirent pas tout de suite le même sort, pour ne pas, comme le dit Grésillon, dépeupler le pays et désorganiser l’économie locale. Mais leurs droits furent restreints, on encouragea leurs élites à émigrer en Afrique du Nord et des campagnes d’évangélisation furent organisées.
Boabdil émigra à Fès avec « dix bateaux et plus de mille cent trente cadres et hommes de lois, et accompagné de plus de quatre mille Andalous ». La situation se dégrade progressivement (révoltes, conflits etc …) et en février 1502 - soit dix ans après la capitulation de Grenade - un édit royal exigea des musulmans du royaume de Castille, la conversion ou l’exil.
Les historiens estiment que dans les quatre-vingt ans qui ont suivi la chute de Grenade, c’est environ huit cent mille Andalous qui sur cette période et en phases successives d’émigration sont venus s’établir au Maroc. Ils importèrent dans leur pays d’adoption leurs techniques agricoles sophistiquées et l’ensemble des composantes de leur artisanat, qui allait donner naissance à l’art hispano-mauresque.

Il est certain qu’un nombre important de ces nouveaux émigrés s’est installé à Fès, où ils ont marqué l’histoire, l’artisanat, l’art, les coutumes et la culture en général, de la ville - même si pour certains l’héritage grenadin a pu avoir un effet sclérosant sur l’évolution artistique du Maroc - mais il est vrai que c’est la première vague d’émigration, sept cent ans avant qui a donné le nom d’ El-Andalous au quartier où ils s’étaient fixés.

La chute de Grenade mettait un terme à l’existence historique d’Al-Andalous ; le mythe andalou pouvait alors prendre le relais en accordant à ce territoire et à cette période de l’histoire un statut paradisiaque. L’expression le « dernier soupir du Maure » ferait référence au chagrin qu’éprouva Boabdil au moment de quitter Grenade ; on raconte également, que sa mère, le voyant soupirer de tristesse, l’aurait réprimandé, en observant qu’il avait beau jeu de pleurer comme une femme pour un lieu qu’il n’avait pas su défendre comme un homme !

Même si l’histoire de l’Espagne musulmane - Al-Andalous - n’a jamais été une histoire tranquille, on insiste souvent sur une Andalousie conviviale, où les musulmans, les juifs et les chrétiens ont su inventer la tolérance - le terme co-existence serait d’ailleurs plus conforme, sur la durée, pour traduire la réalité -. En minimisant les tensions ethno-religieuses et en insistant surtout sur les périodes consensuelles, il semble que l’on veuille entretenir l’espoir de retrouver un jour ce que l’on a appelé « l’esprit de Cordoue », qui si l’on s’en tient à la réalité historique fut une courte période ( soixante ans environ) de paix et de stabilité sur les presque huit siècles de présence musulmane en Espagne.
« Le paradis andalou » est, en ce sens, davantage une nostalgie des poètes ou des écrivains.

L’écrivain syrien, Abd al Salam al Udjaylî, publia en 1956 une nouvelle, traduite en français en 1988, sous le titre « Les lanternes de Séville », dans laquelle un narrateur venu d’Orient découvre l’Andalousie et le mythe d’Al-Andalous. Son récit se nourrit de la légende selon laquelle les Andalous installés au Maghreb auraient, lors de leur fuite, emporté avec eux les clés de leurs maisons ; par la suite religieusement conservées de génération en génération, elles seraient toujours accrochées dans l’entrée de leur demeures maghrébines, dans l’attente d’un hypothétique retour vers le paradis perdu !
( Pour être complet, dans cette nouvelle, le narrateur fait la connaissance d’al-Sido, Marocain venu vivre sur la terre de ses ancêtres, échoué dans un cabaret sévillan, perdu dans ses rêveries sur la période de domination arabe qu’il noie dans l’alcool !).

Finalement les guides fasi connaissent les légendes … ou ont « Les lanternes de Séville » dans leur choukara, pour éclairer si besoin, la curiosité des touristes.


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Boabdil serait mort à Fès en 1532 ou 1533, et ce monument serait son tombeau, situé près de la Msalla el Soltane, au dessus du cimetière de Bab Segma.
Pour d’autres, il serait mort et enterré à Tunis … ou même à Tlemcen


A consulter :
- Al-Andalous Pierre Guichard Éd. Pluriel
- Al-Andalous. Anthologie Brigitte Foulon et Emmanuelle Texier du Mesnil Éd.GF Flammarion
- L’Andalousie arabe Maria Rosa Menocal Éd. Autrement
- Le Maroc andalou, à la découverte d’un art de vivre Edisud
- Histoire de l’Espagne musulmane 3 tomes Evariste Levi-Provençal Maisonneuve et Larose
- Histoire de l’Espagne au Xème siècle Evariste Levi-Provençal Maisonneuve et Larose
- Séville musulmane au début du XIIème siècle Evariste Levi-Provençal Maisonneuve et Larose
- Les Lanternes de Séville Abd al Salam al Udjaylî, Éd. JC Lattès



1 modifications. Plus récente: 12/02/15 21:50 par georges-michel.

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