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RUE EDOUARD ESCALIER
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 18 décembre 2014 11:31:20

Nous avions évoqué la rue Édouard ESCALIER dans ce même forum en 2009/2010 à la rubrique " lu dans le Courrier du Maroc du 6 mars 1941 "http://adafes.com/forum_adafes/read.php?4,202

Avec Micheline et Anne-Marie nous nous posions la question de savoir qui était Édouard Escalier.

Voici la réponse trouvée dans un article non signé du Courrier du Maroc du 17 mars 1947, à l'occasion de l'inauguration d'une plaque commémorative à l'Hôtel des PTT de la Ville Nouvelle.( Il faudrait aller voir à l'Hôtel des Postes, rénové plusieurs fois depuis cette époque, si la plaque existe toujours)

Je reproduis l'article dans son intégralité, cela nous permet d'avoir les noms des présents !!



INAUGURATION D'UNE PLAQUE À LA MÉMOIRE D'UN HÉROS DES PTT



Courrier du Maroc du 17 mars 1947, article non signé

Hier matin à 11heures 30, à l'Hôtel des PTT de la Ville Nouvelle, dont le porche était sobrement décoré de palmes, sous les panoplies aux couleurs françaises et chérifiennes, a été inauguré dans la salle du public, une plaque en marbre portant gravée une inscription à la mémoire du regretté Édouard Escalier, Inspecteur principal des PTT, jadis à Fès pour la région Est puis nommé directeur en Indochine et enfin receveur principal à Angoulême, d'où il fut déporté par les Allemands pour mourir en martyr au fameux camp de décimation de Shirmeck en juin1944.

Étaient présents notamment, le Directeur de l'office chérifien des PTT, M. Pernot, venu spécialement de Rabat ; le général Laparra, commandant la Région et le Khalifa Bennis, représentant S.E. le Pacha ; le colonel Butzer, adjoint au chef de Région ; le colonel Adam, secrétaire général de la Région ; M. Costa, chef du territoire ; M. Matte, chef des Services municipaux ; M. le Président Richard du Tribunal de 1ère instance et M. le Procureur de la République ; M;Hugot, président de la Chambre française de Commerce ; Si Mohamed el Marnissi, président de la Chambre mixte et les diverses autorités et notabilités de notre ville.
M. Baranne, Inspecteur principal des PTT de la région de Fès ; MM. les sous-directeurs et chefs de service de la Direction : M. Léoni, Bernani, Piétri, Desbrières, Frappas, receveurs des divers bureaux de Fès.

Après le discours de M. Baranne et l'allocution de M. Vincent, secrétaire général de la Fédération postale, discours dont nous insérons ci-dessous des extraits, la plaque a été dévoilée par notre ami Sabatini, collaborateur du regretté martyr de la Résistance.



Allocution de M. Vincent, secrétaire général de la Fédération postale.

Mesdames, Messieurs

Notre bureau national de la Fédération postale devait déléguer à cette cérémonie notre camarade Bontems, authentique résistant rescapé du camp de la mort de Mauthausen. Des difficultés de transport ayant surgi la Fédération nationale m'a chargé de représenter à cette commémoration l'ensemble des Postiers de France et des territoires d'Outre-Mer. En leur nom donc, je vous remercie d'être venus si nombreux honorer de votre présence cette cérémonie du souvenir, cet hommage public que nous rendons aujourd'hui à l'un de nos martyrs.

Lorsqu'à la fin d'août 1939, les agents des PTT ont été appelés à diffuser dans toute la France, les ordres individuels d'appel sous les drapeaux, lorsque quelques jours plus tard ils ont lancé l'ordre de mobilisation générale, ils ne se doutaient pas, malgré leur angoisse du moment, que des sombres épreuves les attendaient.

Si quelques égarés acceptèrent ce joug et cette servitude et s'ingénièrent à en tirer profit, d'autres par contre, entendaient que la France ne puisse pas être parjure à ses engagements envers les Alliés et continuèrent la lutte. Ils cherchèrent dans leurs pensées les moyens de réaliser leurs aspirations combien légitimes et combien honorables d'hommes libres et de patriotes.

Édouard Escalier fut un de ceux-là. Il appartient à cette classe laborieuse, à cette corporation de travailleurs qui a acquis une place d'honneur dans l'indispensable combat pour la libération nationale. De par leurs fonctions, les Postiers furent parmi à entrer en contact immédiat avec les Allemends, car dès les premiers jours ils s'étaient installés dans nos centraux téléphoniques et télégraphiques. Et l'on doit à l'honneur des Postiers de dire que bien peu parmi eux ont consenti à servir l'ennemi.

L'immense majorité du personnel n'a pas hésité une seconde à prendre position. La Résistance tenace à l'oppression, née d'une confiance absolue dans le destin de notre pays s'est aussitôt manifesté dans l'Administration des Postes.

Escalier, alors Receveur Principal des PTT à Angoulême, organisa dès fin 1940, l'un de ces groupes de résistance.

Il confectionnait et diffusait des tracts, appelant la population à une résistance active. En octobre 1942, il entrait en contact avec les Forces Françaises Libres à Londres. Il participa à plusieurs réceptions d'armes parachutées. Il organisa le passage en Espagne des volontaires pour les Forces Françaises Libres.

C'est Escalier qui réussit à rétablir par Bordeaux la liaison rompue avec Londres. Devenu le Chef de la Résistance en Charente, il continua inlassablement, sans souci du danger, l'organisation et le recrutement de nouveaux adeptes. Sous son impulsion les parachutages devinrent plus fréquents, des dépôts d'armes et d'explosifs furent constitués.

Hélas, le 20 octobre 1943 Escalier était arrêté. Transféré à la prison de Fresnes, un dur calvaire commence pour lui. Pour le faire parler rien ne fut ménagé, deux fois il fut conduit au poteau d'exécution. Escalier de parla point. Il était un de ces hommes qui savent regarder la mort en face ; rien ne put le contraindre à trahir un secret dont dépendait la vie d'autres hommes et plus encore : l'idéal auquel il s'était donné.

Le 13 mars 1944 Escalier quittait les prisons nazies de France pour le camp de Natzwiller en Allemagne. Affecté au Kommando de Korème dont tant des nôtres ne sont pas revenus, il y fut chargé d'un travail épuisant dans l'eau et la boue, privé de vêtements, de nourriture et de sommeil, déjà affaibli par les privations et les souffrances endurées, il ne put supporter que quelques mois à peine le régime qui lui était imposé. Escalier mourait au début de juin1944.

Escalier était âgé de 53 ans. Travailleur acharné, doué d'une intelligence très vive, il était ancien élève de l'École Nationale Supérieure des Postes. Il laisse une femme admirable de courage et deux enfants dont l'un a combattu durant toute la guerre en qualité de pilote aviateur dans les Forces Françaises Libres.

Celui dont le nom est gravé sur cette plaque mérite l'hommage public que nous lui rendons aujourd'hui. Associons à ce martyr tout ceux qui comme lui ont fait le sacrifice de leur vie pour que vive la France.

Honneur à nos martyrs, honneur à leurs veuves, à leurs enfants, à leurs parents qui les pleurent comme nous les pleurons. Le sang des martyrs féconde le monde et trempe les âmes.

En m'inclinant respectueusement devant leurs familles en deuil permettez-moi de terminer par ce cri qui jaillit de leurs poitrines ou qui s'exprima silencieusement dans leurs pensées à leur dernier instant sous le crépitement des mitraillettes ou sur le lit près duquel nul compagnon ne se trouvait pour leur clore les yeux : « Vive la France ».


Discours de M. Baranne

Mon Général, Excellence, Messieurs les Contrôleurs Civils.

Au nom du personnel des PTT de la Région de Fès, au nom de la famille Escalier, permettez-moi de vous remercier d'avoir bien voulu honorer de votre présence cette cérémonie organisée pour rendre hommage à l'un des nôtres dont nous sommes particulièrement fiers.

Mesdames, Messieurs

Edouard Escalier séjourna à Fès de 1927 à 1931. Il était déjà venu au Maroc de 1913 à 1914 et quelques uns d'entre nous n'ont pas oublié le caporal du 8ème Génie qu'ils connurent à Taourirt.

Bien que son séjour dans la capitale du Nord ait été relativement court, notre camarade n'en a pas moins laissé ici de très vivants souvenirs. Son activité s'exerça dans plusieurs domaines : administratifs, sportifs, politiques et corporatifs.

Il fut le premier Inspecteur Régional que l'Office des PTT envoya à Fez. À ce titre, il organisa et dirigea les travaux qui aboutirent à la création du réseau souterrain de notre ville et à la mise en service du central automatique de la Ville Nouvelle.

Dans le domaine sportif, il fut le créateur de l'ASPTT locale dont les vieux fassis n'ont pas oublié les performances qui classèrent ce groupe au premier rang des sociétés sportives du Maroc.

Il participa avec ardeur aux luttes électorales du 3ème Collège qui venait d'être créé.

Il fut le premier président de l'Union générale des fonctionnaires, groupement auquel il donna un allant rarement retrouvé depuis 20 ans et beaucoup de jeunes fonctionnaires fassis seront surpris d'apprendre que c'est à lui qu'ils doivent les 21 jours de congé de climat pénible.

Il dirigea également les travaux pour la construction de la ligne Taza-Oujda ce qui, à l'époque, représentait un effort considérable, compte tenu des moyens mis en œuvre. Cela lui valut d'ailleurs les félicitations de la haute Administration.

D'autres plus qualifiés que moi vous diront la place qu'occupait notre regretté camarade dans l'Administration et quel rôle il joua dans la Résistance.

Messieurs, merci encore une fois de vous être associés si nombreux à cette manifestation, ce qui a permis d'en assurer le plein succès. Notre corporation ne l'oubliera pas.


Une allocation de M. Pernot

Ensuite M. Pernot, Directeur de l'Office des PTT, remercia les autorités présentes et leur dit combien il était troublé de la sympathie qu'elles manifestaient au personnel des PTT. Au nom des anciens élèves de l'École Supérieure Nationale des PTT il rendit hommage à la mémoire d'Édouard Escalier. Rappelons à ce sujet que M. Pernot se rallia dès 1941 au Général de Gaulle. Le Directeur de l'Office dit combien il était à la fois ému et heureux d'appartenir à une corporation qui avait donné à la France des fils aussi dignes de l'hommage public qui était rendu aujourd'hui à l'un des leurs.

Il termine en assurant l'assistance qu'Édouard Escalier serait un exemple toujours vivant pour le personnel des PTT. Ceux-ci souvent se montrent dignes de leurs martyrs.

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