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COLLÈGE MOULAY IDRISS
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 12 décembre 2014 23:31:23

AU COLLÈGE MOULAY IDRISS, PÉPINIÈRE DES ÉLITES MAROCAINES DE DEMAIN

Le jardin est ravissant et pourrait être celui d'un grand palais marocain. L'air ambiant embaume le jasmin. Magnolias et bougainvilliers, rosiers et dahlias s'épanouissent comme si les protégeait sans trêve la main d'un pieux jardinier. Les oiseaux chantent en toute quiétude toutes les chansons de leur abondant répertoire. Les murs blancs éclairent encore davantage le patio que le soleil décore de rayons joyeux.

Comparaisons !

Croirait-on que derrière cette fenêtre on discute de Corneille et de Racine, qu'ailleurs on essaie de résoudre les premières équations ou que dans cette autre salle on apprend à connaître Louis XIV ou Guillaume II. Pourtant le beau jardin où nous parlons avec M. Povero, directeur du collège Moulay Idriss, de ce qui se passe dans cette maison qu'il dirige en mettant à profit sa grande connaissance de la culture et du monde musulman, est bien celui d'un établissement scolaire. Ces murs blancs sont ceux éternellement gris des lycées que connaissent tant de scolaires d'outremer ; ces fleurs et ces arbres élancés … ce sont les piliers toujours les mêmes de préaux humides et tristes ; cet air qui fleure le jasmin … c'est celui qu'ont vicié les mille fumées des grandes villes occidentales. Le collège Moulay Idriss est un établissement scolaire dont ne rêvent même pas les écoliers de Paris qui hantent Janson ou HenriIV, Louis le Grand ou Bossuet.


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Histoire

Le collège a été créé par le maréchal Lyautey et a connu une première forme en 1914. Il comportait alors deux classes, était situé à Dar Menebey et ses portes étaient ouvertes exclusivement aux fils de notables. En 1921, le collège Moulay Idriss était installé à l'emplacement actuel. Le 10 mai 1940, la première pierre de l'internat était posée par S.M. le Sultan et le général Noguès ; voilà l'histoire du collège ou plus simplement de ses murs.

Car l'histoire véritable du collège Moulay Idriss est plutôt celle d'un établissement dont la renommée n'a cessé de s'étendre depuis sa création, à travers toute l'Afrique du Nord et dont le succès se résume en quelques lignes chiffrées :

1928 : 34 ; 1929 : 47 ; 1930 : 35 ; 1931 : 42 ; 1932 : 52 ; 1933 : 72 ; 1934 : 95 ; 1935 : 106 ;
1936 : 121 ; 1937 : 137 ; 1938 : 145 ; 1939 : 162 ; 1940 : 170 ; 1941 : 190 ; 1942 : 230 ; 1943 : 232
1944 : 270 ; 1945 : 280 ; 1946 : 282 ; 1947 : 348 ; 1948 : 385 ; 1949 : 406 ; 1950 : 520.

Le chiffre que nous retiendrons est celui de l'effectif actuel : non parce qu'il représente le plafond et le sommet d'une courbe mais parce que l'augmentation de plus de 100 élèves par rapport à l'année passée est un fait exceptionnel. La moyenne d'accroissement de ces dernières années approchait la cinquantaine : le bond considérable que l'on enregistre a dépassé toutes les prévisions.

Études

Les jeunes marocains sont reçus au collège dès qu'ils ont acquis le certificat d'études primaires musulmanes. Un examen de sélection doit toutefois être passé pour être admis en sixième normale ; les candidats jugés trop faibles sont orientés vers la sixième préparatoire, filtre destiné à avantager tout le monde : les élèves qui trop faibles ne pourraient suivre avec profit l'enseignement donné en sixième normale ; les élèves de sixième normale dont l'enseignement n'est pas ralenti si les professeurs n'ont pas à perdre du temps avec les élèves beaucoup trop faibles. Cinq classes de sixième normale ( 33 à 35 élèves par classe) et une sixième préparatoire fonctionne cette année au collège.
Il y a eu 189 candidats à l'entrée en sixième cette année. Mais ce qu'il faut souligner c'est l'abaissement de l'âge scolaire : il n'est plus rare d'apercevoir dans la cour du collège de petits hommes hauts comme trois pommes, alors qu'il n'y a pas si longtemps les élèves de sixième étaient très en retard et le plus souvent âgés de 14 à 16 ans. Ainsi dans quelques années l'ensemble des élèves du collège auront-ils l'âge normal.

Professeurs

Il suffit pour apprécier la qualité de l'enseignement donné au collège Moulay Idriss de savoir que les demandes d'admission y parviennent des villes les plus éloignées du Maroc mais même d'Algérie. Professeurs et chargés de cours français (18) et marocains (9) y donnent leur enseignement.

Quelques maîtres musulmans enseignent d'autres disciplines que l'arabe, tel M. Ben Omar Taïbi, licencié de mathématiques et ancien élève du collège. En ce qui concerne certaines disciplines les cours sont nécessairement donnés en arabe (littérature arabe, droit musulman, instruction religieuse) par des maîtres musulmans le plus souvent des anciens de l'université Karaouiyine.

Bien entendu ici comme ailleurs l'accroissement des effectifs d'élèves entraîne l'accroissement de l'effectif des professeurs. Cette année le collège a reçu deux nouveaux professeurs dont un professeur d'arabe. Pour ceux-la comme pour leurs collègues de l'enseignement européen se pose le problème du logement. Jusqu'ici le collège avait entre autres locaux à sa disposition 4 ateliers de la Casa Vélasquez. Mais deux de ces ateliers qui sont d'ailleurs maintenant inoccupés ont été repris au collège.

L'enseignement donné aux jeunes marocains est le même que celui que reçoivent leurs camarades européens. Toutefois les élèves du collège suivent en outre quelques cours en arabe classique.

Depuis cette année une section spéciale pour la préparation du baccalauréat « marocain » a été conçue par la Direction de l'Instruction Publique. Les élèves ont le choix entre le français et l'arabe pour la rédaction de leur composition française de baccalauréat. Ceux qui choisissent la composition en arabe doivent se prononcer sur leur choix dès la classe de seconde, neuf élèves sont inscrits cette année dans cette nouvelle section.

Résultats

Quels sont les résultats obtenus par les élèves du collège candidats au bachot ? Si l'on fait une nouvelle fois parler les chiffres on constate que ces résultats sont excellents. Cette année sur onze élèves de première cinq ont été reçus en juin et trois en octobre.

Après avoir acquis la première partie les élèves vont au lycée, les effectifs du collège ne justifiant pas encore la création de classes préparatoires à la seconde partie (en admettant que les reçus de cette année soient candidats à la deuxième partie, on ne doit pas oublier qu'il y a pour le second bachot trois sections, ce qui représenterait une moyenne de 4 élèves par section.

Cependant le problème de la création de classes de préparation à la seconde partie sera prochainement à l'ordre du jour si l'on tient compte des effectifs des classes de 1ère et de 2ème de cette année. Il y a en effet 20 élèves en 1ère et 44 en seconde. En retenant ce deuxième chiffre et en admettant quelques échecs, il pourrait y avoir dans deux ans au collège 35 bacheliers de première partie : iront-ils au lycée ou pourront-ils poursuivre au collège ? Aux directions intéressées de donner la réponse.

Christian Houillon Courrier du Maroc 3 novembre 1950

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Re: COLLÈGE MOULAY IDRISS
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 12 décembre 2014 23:37:13

PROMENADE À TRAVERS LES JARDINS ET LES BÂTIMENTS DU COLLÈGE MOULAY IDRISS


Des salles de classe il n'y a pas grand-chose à dire, elles ressemblent à tant d'autres qu'elles soient disposées en gradins ou en amphithéâtres. Notons cependant les très beaux plafonds de bois sculpté et les encadrements de fenêtres du plus pur style marocain. Remarquons en outre, et cela est un témoignage de l'essor du collège qu'il n'existe plus que 16 salles de cours pour abriter les élèves des 18 classes actuelles.

Internat

Mais le collège Moulay Idriss a sur les bâtiments de nombreux autres établissements scolaires un considérable avantage qui ne se limite pas à ceux de l'esthétique et de l'originalité : il dispose d'un internat ou plutôt de la première moitié d'un internat. Cet édifice a été construit entre 1940 et 1942, cette première aile de bâtiment étant conçue pour abriter 50 élèves. Elle en reçoit cette année 80 aussi des installations de fortune ont-elles dû être aménagées qui d'ailleurs ne nous ont pas parues le moins du monde inconfortables (ceci dit souvenirs d'autres dortoirs à l'appui!).

Le grand dortoir est une pièce absolument magnifique, claire et propre à souhait. Ce qui saute aux yeux dès la porte franchie, c'est le remarquable alignement le long des murs de lavabos individuels en mosaïques vertes surmontés de glaces, les dessins de la mosaïque différant tous les uns des autres.

La place manquant dans ce dortoir spacieux et clair qui faisait l'autre jour l'admiration de nos amis journalistes égyptiens, certains élèves ont été installés dans différentes pièces du même édifice. Les élèves des classes d'examen y sont logés par quatre ou cinq et peuvent y travailler plus tard la nuit, à l'heure où dans le grand dortoir ont déjà été éteintes les lumières. Et dans ces petites pièces comme dans tous les dortoirs du monde, la petite « niche » (c'est ainsi que nous l'appelions et le terme n'a jamais été péjoratif mais avait l'avantage de dire vite ce qu'il voulait dire du surveillant) rappelle à ceux qui l'oublieraient les règles de la discipline.




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Dépendances

Mais qui dit internat dit aussi toute une installation qui ne se limite pas au dortoir mais comprend de nombreuses dépendances. Ce sont la salle de douches, la buanderie où sont lavés et repassés avec soin les vêtements des pensionnaires, l'infirmerie où le docteur Secret vient chaque jour donner des consultations et où sont aménagées des chambres destinées aux éventuels contagieux : éventuels car au collège on n'est jamais malade ou si peu !

Au réfectoire

Internat dit aussi cuisines, réfectoires qui sont parfaitement installés au rez de chaussée et où j'ai fait une incursion. A l'exemple du général le jour où il vient au quartier faire une de ces inspections traditionnelles qui importunent tant les conscrits, j'ai voulu goûter à l'ordinaire ; ma venue n'ayant pas été comme celle du général prévue longtemps à l'avance, je pense que l'opinion que j'ai pu me faire était moins sujette à caution que celle que se font «au quartier » les inspecteurs annoncés. Sur une ardoise, inscrits à la craie, les deux menus du jour (plus le petit déjeuner). Au matin donc de ma visite, les élèves du collège avaient pour menu de midi:
Radis
Purée de pois chiches
Omelette aux fines herbes
Orange

Et le dîner comportait :

Harera
Pommes boulangères
Keftas
Biscuits
Thé
Aux deux repas, pain blanc à volonté.
Menus dont Mouty n'aurait sans doute pas désavoué l'ordonnancement.

Culture physique

Je ne quittais pas le collège sans voir les installations sportives : sautoirs, agrès, espaliers destinés à faire craquer en des mouvements d'extension tous les os de la colonne vertébrale et un plateau qui permet aux élèves de se livrer à toutes les évolutions que comporte une séance d'hébertisme bien compris ou de quelque autre méthode. Et surtout après la leçon ils trouvent sous un préau des douches qu'envieraient des proviseurs et directeurs de bien des collèges et lycées où l'on ne trouve pour se nettoyer après un cours de culture physique que le mince filet d'eau d'un robinet lymphatique et usé.

Au rez de chaussée aussi une petite pièce avec le mihrab orienté vers La Mecque reçoit les élèves qui viennent y prier.

Le collège tel qu'il est sera peut-être bientôt trop petit puisque les jeunes Marocains y affluent en promotion de plus en plus considérable.

Nous avons vu ce qui à beaucoup de points de vue en fait un établissement moderne et pourtant il ressemble à un oiseau malade car il lui manque une aile, cette deuxième aile de l'internat qui doit être édifier en face des bâtiments dont nous parlions un peu plus haut. En principe d'ailleurs cette construction doit être réalisée cette année : elle est particulièrement nécessaire puisque nous avons vu qu'actuellement 80 internes sont abrités dans une aile destinée à en recevoir 50 seulement.

Nous retournerons donc bientôt sans doute au collège Moulay Idriss pour assister à la pose de la première pierre d'un édifice qui doit compléter cet ensemble dont le décor et les aménagements et l'ambiance sont tels que les anciens élèves doivent pouvoir s'en souvenir en répétant sans réticence « C'était le bon temps de l'école ! ». Pour tous d'ailleurs le temps de l'école ne reste-t-il pas le bon temps… Peut-être a-t-il cette auréole parce qu'il est tout simplement le temps passé.

Christian HOUILLON Courrier du Maroc 5 novembre 1950



1 modifications. Plus récente: 12/12/14 23:42 par georges-michel.

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Re: COLLÈGE MOULAY IDRISS
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 13 décembre 2014 21:37:23

LA RENTRÉE D'OCTOBRE 1951 AU COLLÈGE MOULAY IDRISS

La rentrée pour l'année scolaire 1951-52 confirme la faveur de la capitale intellectuelle pour son grand établissement secondaire.

Si certaine tendance récente en direction du lycée a pu faire croire à une désaffection de la population marocaine pour son vieux collège, il suffit de consulter les chiffres de l'effectif à la rentrée scolaire de 1951 pour être rassuré et il suffit surtout pour rectifier ce terme de « vieux collège » de visiter, comme je l'ai fait hier, cet immense chantier qu'est la nouvelle aile de l'internat, pour se rendre compte de la jeunesse et de la vitalité d'un établissement en progression massive et continue.

Qu'on en juge : 573 élèves au lieu de 520 l'an dernier et de 290 en octobre 1946, dernier chiffre que peut citer M. Pavero, l'excellent directeur car c'est la date de sa prise de fonctions, où il succédait à ces grands universitaires que furent Foglizzo (mort au champ d'honneur), Baron, Le Tourneau, Salenc, Marty, Brunot.

Devant un tel afflux, on a dû cette année, doubler les classes et il n'y en a maintenant dix-neuf : une de première, deux de seconde, trois de troisième, trois de quatrième, quatre de cinquième, cinq de sixième et une de sixième préparatoire.

Conséquemment sept professeurs nouveaux ont été nommés au Collège pour la rentrée dont trois nous arrivent de France : M. Deperrois, professeur de mathématiques, Mle Raynaud, professeur de mathématiques et M. Canard, professeur d'histoire et de géographie.

Quatre-vingt-quatre internes vivent au collège dans un internat confortable mais qui n'a que le défaut d'être installé pour cinquante, aussi l'aile nouvelle, en cours d'achèvement va permettre très opportunément un « desserrement » des internes dont l'effectif pourra être porté à cent.

Dans cette aile sont prévus également un local de prières, un foyer estudiantin et il ne manquera guère que la création du terrain de sports, depuis si longtemps demandé pour compléter cet ensemble universitaire en rapport avec les tendances modernes du reste déjà concrétisées par la présence de trois professeurs d'éducation physique.

Hâtons-nous de dire que ce terrain de sports est maintenant trouvé, il sera réservé en effet dans la parcelle en cours d'acquisition qui est le verger à gauche en sortant de Bab Riaffa, parcelle où doit être construite également une école de filles, mais qui est assez vaste pour comporter l'emplacement du futur stade du collège, avec son terrain de basket et sa piste de compétition.

Tout ceci dit, il reste que désormais les limites d'implantation de nouveaux bâtiments dans l'enceinte du collège sont atteintes et il n'est plus possible de l'agrandir.

Nous voici donc au pied du mur, si l'on peut dire, pour réaliser le projet de dédoublement du collège par la création d'une annexe au quartier de Bab Khokha, dans les jardins de Guerrouaoua, tel que le projet en a été exposé lors de la réunion du Conseil économique régional.

Ce projet de dédoublement, en dotant d'un second établissement l'autre extrémité de la ville, serait la solution optimum eu égard aux familles et aux enfants, qui ne seraient plus contraints de traverser la Médina quatre fois par jour.

Il serait en tout cas équitable de répondre à la faveur ainsi constatée de la clientèle scolaire pour le collège Moulay Idriss, en le dotant de cette annexe, car les résultats enregistrés à chaque examen annuel montrent l'excellence de l'instruction qui est donnée, en même temps que la valeur intellectuelle de la jeunesse fassie.

Cette année et pour ne citer que le baccalauréat, on a compté avant les résultats d'octobre, dix succès sur seize présentés, vingt-trois élèves sur quarante-cinq ont été reçus au certificat d'études secondaires musulmanes, vingt-sept élèves (résultats de juin seulement) ont été reçus au BEPC et dix-huit aux divers examens d'arabe et de berbère de l'Institut des hautes études marocaines.

Ces brillants résultats font d'autant plus regretter que les incidences fâcheuses de la crise commerciale qui sévit dans la Médina plus qu'ailleurs, contraignent nombre de bons sujets à quitter prématurément les études secondaires où ils excellaient, obligés de gagner leur vie.

Du moins doit-on pouvoir souhaiter que les cadres de l'Instruction publique y trouvent ces instituteurs dont nous manquons encore pour l'enseignement de l'immense population marocaine qui reste à scolariser.

Article de Michel KAMM. Courrier du Maroc. 30 octobre 1951.


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Pose de la première pierre de l'Internat le 9 mai 1940 en présence de S.M. le Sultan, du prince Moulay Hassan et du général Nogues.

Un de nos lecteurs marocains de Fès s'étonnait qu'il n'y ait pas d'articles sur le collège Moulay Idriss. Je souhaite que ces trois articles tout en répondant à sa demande soient pour lui et d'autres anciens du collège Moulay Idriss l'occasion de nous faire part des souvenirs de leurs études dans ce qui fut le premier collège musulman du Maroc mis en place par les autorités du protectorat et réservé au départ aux enfants des meilleures familles de Fès.

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