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A propos du droit d'asile au horm de Moulay Idriss
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 28 février 2012 23:46:12

Les édifices religieux sont « horm » c'est à dire sacrés et parfois le « horm » comprend non seulement la mosquée ou la qoubba, mais aussi une partie du quartier avoisinant. La circulation dans cette partie de la ville était jadis interdite aux non-musulmans.

A Fès lorsque l'on approche du sanctuaire de Moulay-Idriss , quelque soit le côté par lequel on arrive, on passe en dessous du mi'arad, sorte de traverse horizontale en bois, polie par les mains et le temps, placée à hauteur d'épaule qui interdit l'entrée à cheval ou aux bêtes de charge. C'est aussi une façon d'être obligé de s'incliner à chaque fois que l'on pénètre dans l'espace sanctifié de Moulay-Idriss (horm) .

Ces édifices ou leur environnement immédiat sont inviolables et les personnes menacées de poursuite peuvent s'y réfugier. C'est le droit d'asile.

La zaouiya Moulay-Idriss à Fès avait toute une organisation pour permettre l'exercice du droit de refuge et éviter l'encombrement du sanctuaire proprement dit. Le makhzen avait fait construire dans l'enceinte du « horm » des maisons où tous les mzaougin, réfugiés, pouvaient trouver des chambres.

On a pu voir réfugiés dans cette zone toutes sortes d'individus venus pour les motifs les plus divers: meurtriers, voleurs, caïds destitués craignant l'arrestation ou débiteurs insolvables. Quand un criminel important se réfugie à Moulay-Idriss en principe on ne l'arrête pas mais le pacha fait mettre des gardes à l'entrée de toutes les ruelles menant à la zaouiya.

Les mzaougin peuvent cependant sortir pour aller comparaître devant les autorités de la ville. Dans ce cas ils emmènent avec eux une planche, la louha de Moulay-Idriss, qui leur permet de conserver le statut d'inviolabilité liée au « horm ». (La louha aurait été, selon la légende, la planchette d'écolier de Moulay -Idriss)

Ils sont alors accompagnés par le moqqadem de la zaouiya qui leur sert de sauf conduit. Sous la protection tutélaire de Moulay-Idriss ( mais aussi de quelques uns des marabouts les plus vénérés de Fès) ils peuvent prendre le temps – des aller-retours sont possibles entre les autorités et la zaouiya, tant qu'ils conservent la planchette - de négocier une solution plus avantageuse pour eux.

Dans quelques cas exceptionnels le droit d'asile a été levé et le criminel contraint de quitter le « horm ».

J'ai retrouvé dans le Courrier du Maroc du 28 novembre 1953 une note de M. le batonnier Kaïd Hammou à propos de cette remise en cause du droit d'asile.
Son propos faisait suite à une information donnée par le journal selon laquelle le droit d'asile avait été suspendu en 1902, par le Sultan Moulay Abdelazziz qui aurait fait envahir le horm par ses soldats afin d'arrêter l'assassin d'un missionnaire anglais David James Cooper..

(J'ajoute que ce missionnaire fut d'ailleurs le premier occupant du cimetière international situé près de Msalla es Soltane, sa tombe porte le N°1).

« Je vous avoue,écrit Kaïd Hammou, qu'ainsi présentée, cette violation d'un sanctuaire sacré unique dans les annales de l'histoire avait beaucoup ému, ceux qui jusqu'à ce jour, avaient crû que jamais dans le passé un Sultan ou un Pacha n'auraient osé se permettre de l'accomplir sans encourir l'opprobre de la malédiction de l'Islam tout entier.

La vérité est tout autre, et sans vouloir défendre la mémoire du Sultan Moulay Abdelazziz, il est important de rétablir les faits, ne serait-ce que pour justifier la déférence qui a toujours entouré une tradition éminemment respectable.

Voici comment, en effet, notre ancien confrère Maître Essafi, dont l'érudition est incontestée, rapporte le fait auquel il est fait allusion.

Moulay Abdelazziz régnant, un missionnaire anglais circulait à la médina de Fès et s'arrêtait un peu longuement devant la grande porte de la Mosquée Quaraouyine, ses livres de piété ressemblant à un objet étrange, inconnu à cette époque, de là l'hostilité, puis la fureur d'un chérif d'Ouezzan, Sidi Mohamed Laroussi, originaire de Béni Arous, qui se précipita sur le missionnaire et l'abattit d'un coup de poignard."

( Dans son livre sur « Fès avant le Protectorat, Roger Le Tourneau, écrit qu'un « missionnaire, l'anglais Cooper, fût assassiné en 1902 près du mausolée de Moulay Idriss par un fanatique qui avait décidé de tuer le premier européen qu'il rencontrerait».)

"Son geste accompli, le meurtrier se réfugia à Moulay-Idriss.

L'Angleterre éleva aussitôt des protestations véhémentes et exigea la punition du coupable par l'application de la loi coranique du talion. En vain le Makhzen fit valoir le sdangers d'une telle mesure, offrit des compensations et versa une indemnité aux parents de la victime.

L'inflexible Albion demandait la tête du coupable et finalement menaça d'une démonstration navale ; il fallut céder.

Pour faire sortir le meurtrier du « horm », le Sultan respecta la coutume en vigueur, c'est à dire qu'il envoya à l'intéressé un Coran, un chapelet et un notable réputé garant de sa sécurité. Moyennant quoi le mokkadem du « horm » remit à Si Laroussi la « louha », planchette sacrée qui assurait son inviolabilité et l'accompagna chez le Sultan.

Arrivé devant le Sultan Abdelazziz, il fût sommairement interrogé, puis dépouillé de sa planchette sacrée qui revint à Moulay-Idriss avec le mokkadem congédié.

Le lendemain matin, le Chérif Laroussi, meurtrier du missionnaire, fut fusillé devant la porte de la Makina , dans le grand Méchouar en présence des Vizirs et de la Cour ainsi que de nombreuses autorités et notabilités de la ville.

Comme on le voit, c'est contraint et forcé, et sans doute, la mort dans l'âme, que Moulay Abdelazziz, pour préserver le Maroc, d'un malheur plus grand, dût commettre le sacrilège, auquel aucun de ses prédécesseurs n'aurait même songé.

Du reste, tous les malheurs qui se sont abattus sur lui par la suite, la croyance populaire les attribue à cet instant de faiblesse.

Depuis l'installation du Protectorat, ce droit d'asile est scrupuleusement respecté même surtout par les autorités françaises.

Il y a quelques mois, nous avons vu comparaître devant la Cour d'Appel de Rabat, un individu, porteur de la « louha » sacrée. La Cour, après lui avoir infligé une forte peine de prison, qui normalement eut entraîné son incarcération immédiate, s'est trouvée dans l'obligation de le laisser partir avec sa planchette, au grand désespoir de M. l'avocat général qui avait requis la condamnation.

Cette coutume quoi qu'il en coûte à notre conception de la loi moderne doit continuer à être respectée, jusqu'au jour que nous espérons très proche où elle disparaîtra sans qu'aucune mesure législative ou autre ne la prohibe.

Dans l'ancien temps, elle paraissait justifiée, par l'arbitraire et la rudesse de certaines décisions administratives ou judiciaires. Aujourd'hui, qu'un code pénal et un code de procédure pénale, viennent d'être promulgués, accompagnés d'une judicieuse réorganisation et une modernisation de la justice Makhzen qui assureront aux justiciables marocains, les mêmes garanties et la même protection que la justice française, ce droit d'asile tombera de lui-même en désuétude.

Il ne restera que comme le souvenir d'un frein que la sagesse et la foi populaires avaient mis aux abus que permettait l'omnipotence d'un régime révolu. »

Il semble que le droit d'asile conféré au « horm » fut levé une autre fois, en 1948/49. Il s'agissait alors d'une affaire de viol : un jeune voyou avait agressé, puis violé, une jeune fille issue d'une famille de notables fasi. Il s'apprêtait à la tuer quand un juif passant par là, vint à son secours et mit l'agresseur en fuite.

Le voyou se réfugia à Moulay-Idriss d'où il fut extrait d'ordre du Sultan et livré sans autre formalité pour un premier châtiment exemplaire qu'était le « Thouaf », promenade à dos d'âne, enchaîné, tourné à revers de l'animal et vilipendé par la foule.

Dans les années 53/54 les autorités françaises en accord avec les autorités marocaines de l'époque, ont demandé la remise en cause de ce droit d'asile. La demande « officielle » était d'éviter qu'un monument religieux ne serve de refuge ou de repaire nocturne pour des délinquants, trafiquants d'alcool, contrebandiers de kiff ou autres voleurs à la tire. Les auteurs de ces conduites inadaptées ne devaient pas pouvoir trouver refuge dans un lieu de prière ou dans le souk bordant le sanctuaire et délimité par les mi'arad, les barrières de bois.

Un autre argument était qu'il y avait une dérive du droit de « horm » car il y avait altération et abus d'un droit qui n'était plus strictement territorial, attaché à un enclos et à des barrières, mais avait tendance à devenir personnel, c'est à dire invocable grâce à une protection demandée et accordée par le mokkadem des Chorfas.

En fait je pense que l'idée sous-jacente était plutôt de priver de lieu de refuge et d'immunité les nationalistes marocains qui, depuis la déposition du Sultan Mohammed V et l'accession au trône de Mohammed ben Arafa (d'ailleurs intronisé sous le nom de Mohammed VI), avaient radicalisé leurs actions qui devenaient de plus en plus violentes et hors-la-loi.

Je ne sais pas si ce droit de « horm » existe toujours.

Photographie: Visite du Président Doumergue au tronc de Moulay-Idriss le 18 octobre 1930

Pièces jointes: 020 Fès Tronc Moulay Idriss 18 oct.jpg (155.1KB)  
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Re: A propos du droit d'asile au horm de Moulay Idriss
Envoyé par: Lily (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 25 novembre 2012 15:40:10

Dans les années 1950,1951 et 1952,mon frère Hubert Torregrosa était
gardien de la paix à Fez,il patrouillait souvent avec un collègue dans la
Médina.Jamais,ils n'auraient passé ce fameux horm,ni arrété un coupable
qui s'y serait réfugié.Cela était absolument interdit par les autorités

Françaises.



1 modifications. Plus récente: 22/01/14 22:53 par jpb.

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Re: A propos du droit d'asile au horm de Moulay Idriss
Envoyé par: riffi (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 20 mars 2013 16:27:45

Bonjour,

D'abord merci pour l'excellent exposé sur le horm et la sacralité du mausolé de molay Idriss et d'une mosquée en général meme pour les autorites
Aujourd'hui malheureusement des vols sont commis à l'interieure meme de la mosquée en pleine priere, plusieurs personnes ont dû partir pieds nus à la sortie de la priere. Tous se perd helas.

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