Souvenirs fassis de Louis Jouvet
Envoyé par:
georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 28 janvier 2011 22:57:17
En feuilletant d'anciens numéros du Courrier du Maroc j'ai trouvé, à la date du 25 août 1951, un article de Michel Kamm intitulé « Souvenirs fassis de Louis Jouvet ».
Jouvet venait de mourir (16 août 1951) et Michel Kamm profite de l'occasion pour évoquer le court séjour de Louis Jouvet, à Fès, une quinzaine de jours, en mars-avril 1945, alors qu'il revenait d'une tournée « historique » (et de longue durée: de juin 41 à février 45 !) en Amérique du Sud.
Voici ce que Kamm écrit:
« Grâce au docteur qui la soigna, étant alors mobilisé comme major à l'hôpital militaire, nous savons que l'interprète préférée de Jouvet, l'exquise comédienne Monique Mélinand, avait dû s'aliter à l'hôpital de Fès pour une scarlatine.
Retenu à Fès avec elle, Jouvet, directeur de la troupe, résida au Palais Jamaï et loin de maudire ce séjour qui reculait la date de son embarquement pour la France, le grand artiste goûta pleinement le charme du site de la médina.
Tous les soirs il se faisait conduire par son ami, le Docteur Escalle, à Bab Dekaken, et là, à l'ombre des vieilles tours crénelées des Mérinides, décor médiéval et presque incroyable de mélodrame, il était littéralement envoûté par ce cadre antique que soulignaient les auditoires, assis en rond, des conteurs populaires.
Il ne manquait pas de rappeler à son interlocuteur, que ces conteurs, leur récit imagé, leur mimique, étaient la source même du théâtre, et, comme des aèdes antiques, évoquaient par la parole et le geste, ces tableaux et ces contes transmis d'âge en âge.
Il admirait donc ce retour aux origines, ainsi retrouvé intact à Fès, après des millénaires et déclarait y retrouver une inspiration précieuse et rare.
Autant lui plaisait le décor des Mérinides, au crépuscule, à l'heure du thé, et il trouvait que ce belvédère était la scène la plus magnifique qu'il ait vue, rêvant d'y faire jouer comme sur le proscénium d'un théâtre antique, des personnages avec masques et cothurnes, pour être vus de tout un auditoire, celui de l'immense cité en contrebas, et faisant eux aussi partie de cet extraordinaire décor. »
Voilà les souvenirs du séjour fasi de Louis Jouvet. Je ne sais s'ils ont apporté beaucoup de choses aux biographes de cet acteur mais ils ont peut-être appris aux gens qui l'ignoraient que cette ville de Fès a des beautés dignes d'éveiller l'enthousiasme d'un artiste de cette qualité et de lui procurer de nouvelles sources d'inspiration.