Histoire du Lycée Mixte de Fès
Envoyé par:
georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 16 juillet 2007 15:30:53
Nous sommes nombreux à avoir fréquenté le lycée mixte de Fès et il serait intéressant de pouvoir en reconstituer l'histoire en faisant appel aux souvenirs de chacun ou aux documents dont nous pouvons disposer.
J'avais commencé à rédiger un embryon d'historique pour le bulletin d'informations de l'ALMF, mais il me semble que le forum est susceptible de permettre une meilleure interaction et que chacun peut enrichir au fil des interventions un « brouillon commun » qui pourrait servir ultérieurement à écrire un article plus documenté et plus structuré.
Je propose donc dans un premier temps le texte que j'ai déjà publié dans le bulletin de l'ALMF, complété par des informations récupérées plus récemment.
Je souhaite que chacun fasse de cette chasse aux souvenirs son «cahier de devoirs de vacances! »
Dès le début du protectorat un Service de l’enseignement est crée (1er novembre 1912) dont l’un des buts est d’organiser l’enseignement secondaire au Maroc.
Deux ouvrages (Historique de 1912 à 1930 de la direction de l’instruction publique au Maroc et L’œuvre française en matière d’enseignement au Maroc de R.Gaudefroy-Demombynes ) renseignent sur l’organisation de l’enseignement secondaire à cette période.
Schématiquement on peut dire qu’avant 1930 l’enseignement secondaire au Maroc n’a d’organisation distincte que dans les grands centres urbains de Casablanca,Rabat et Tanger .Ailleurs il y a cohabitation de l’enseignement primaire supérieur et de l’enseignement secondaire: les deux types d’enseignement se développent en liaison l’un avec l’autre soit par annexion d’un enseignement primaire supérieur à un collège existant (cas d’Oudjda),soit par annexion d’une section d’humanités à un enseignement primaire supérieur comme à Fès et à Meknès.
En 1918 s’ouvraient les cours secondaires mixtes de Fès et de Meknès. Plus tard les cours secondaires de Fès et de Meknès ont été transformés en école primaire supérieure groupant à la fois garçons et jeunes filles. Mais comme il était impensable de priver les enfants de ces deux villes des moyens d’entreprendre des études secondaires,on adjoignit à l’école primaire supérieure des « cours d’humanités ».
Cette association de deux enseignements ( primaire supérieur et secondaire ) permettait,outre une économie matérielle et budgétaire , de mettre en place un enseignement souple et adapté au besoin d’une clientèle désireuse à la fois d’acquérir une instruction immédiatement utilisable et de se ménager quelques chances d’accès vers une culture plus riche.
En octobre 1929, l’école de Fès conduit ses élèves au seuil de la classe de 1ère (celle de Meknès a pu conduire quelques élèves à la première partie des divers baccalauréats ).
Cette école primaire supérieure/ cours secondaire parait donc être l’ancêtre de notre lycée mixte et des témoignages retrouvés dans la revue Salam laissent penser qu’elle a migré de Boujeloud « des ruelles du Talaa » à l’avenue de France en passant par l’avenue Maurial(Régimbeau).Un plan de la ville de Fès dans le guide bleu de 1929 mentionne un cours secondaire Avenue de France, il montre également l’absence de lycée à son emplacement actuel même si l’avenue des sports et le stade existent déjà.
Les recherches effectuées au Centre des archives diplomatiques de Nantes indiquent clairement qu’il n’existe pas de lycée à Fès à la rentrée 1929-1930.
A cette époque les directeurs d’établissements secondaires devaient établir à la rentrée scolaire un «état nominatif des indigènes marocains musulmans et israélites » fréquentant leur établissement : un document du 19 octobre 1929 fait état d’une liste de 15 élèves de la 6ème à la 2de inscrits au Cours secondaire et à l’école primaire supérieure de Fès et la mention <lycée de ..> est barrée.
L’ouverture du Lycée Mixte à son emplacement actuel, en tant qu’établissement secondaire individualisé date de la rentrée scolaire 1930-1931, je n’ai encore trouvé aucun document officiel mais nous avons un témoin de premier ordre:Yvon POLITI est entré au lycée, à son ouverture en 1930.
Yvan DAVID lui aussi un des premiers élèves m’a parlé de la construction du lycée par étapes, tout d’abord la partie gauche avec un étage et le logement du proviseur,la salle de sport et les toilettes, à droite des salles de classes en rez- de- chaussée. La partie centrale avec le bureau du proviseur est construite vers 1934 en même temps qu’un étage est ajouté sur la partie droite. Plus tard encore la salle de musique et les toilettes côté droit sont construites.
Dans les années 1935-1936 les allées sont tracées et une séparation des filles et des garçons dans la cour de récréation est mise en place. Cette initiative fait long feu, les nécessaires déambulations pour rejoindre les salles de classe où les cours sont toujours mixtes, obligent le maintien d’une heureuse mixité dans les zones de transfert et rendent inopérante la logique administrative! La cour et le lycée resteront mixtes.
L’administration centrale du lycée n’est composée au début que du proviseur et du surveillant général , l’adjonction du censeur se fait vers 1940.
Les archives de la Bibliothèque nationale de France m’ont permis de consulter les collections du Courrier du Maroc à partir de Janvier 1934…malheureusement elles n’existent pas pour la période qui nous intéresse le plus c'est-à-dire 1929-1931 où le lycée se construisait et ces archives ne semblent pas localisables en France.
J’ai pour l’instant dépouillé les années 1934 à 1937 et j’ai retenu quelques éléments d’information sur la vie au lycée mixte:
-en Janvier 1934 le proviseur fait « parcourir les bâtiments récemment aménagés » donc construction par étapes
-en avril 1934 grande fête sportive du lycée avec des articles sur les équipes de tennis du lycée.
-en juillet 1934 distribution des prix à l’Empire jardin d’été: on constate qu’il y a co-existence d’une filière d’enseignement secondaire et d’une école primaire supérieure,que la scolarité s’arrête en 1ere et que trois garçons et trois filles anciens élèves du LMF sont reçus au bac philo préparé à Meknès.
-en septembre 1934 un article polémique dans la Dépêche de Fès remet en cause l’agrandissement de l’internat de Meknès aux dépens du LMF où il n’y a toujours pas d’internat.Des solutions sont proposées:
-construire un internat dans la cour du lycée,
-rajouter un étage au lycée « comme prévu dans le plan initial » pour faire l’internat,
- enfin si on veut séparer les garçons et les filles construire un lycée de filles sur le terrain « cédé par la ville à côté de la gendarmerie ».
On sait qu’il n’y aura jamais d’internat au LMF et que le lycée restera mixte.
-en novembre 1934 lors d’une séance du conseil municipal la question de l’aménagement du terrain d’éducation physique est posée: « On a examiné l’opportunité d’une utile mitoyenneté de la salle d’éducation physique projetée au stade, cette salle sise entre le stade et le lycée pourra servir facilement aux deux établissements ».
-en juin 1935,les sorties scolaires sont déjà d’actualité,un article du Courrier du Maroc relate une excursion des élèves du LMF à Volubilis.
-en octobre 1935 rentrée scolaire sans problème si ce n’est toujours l’absence de classe de philo et d’internat Michel Kamm (père) journaliste écrit « le lycée de Fès , dont le programme de construction était à peu près terminé l’an dernier,n’a subi dans son ensemble aucun changement d’aspect ». Quatre cents élèves sont scolarisés et un « phénomène particulier cette année a été l’envahissement de la classe de 6ème:140 élèves!... Il a fallu former quatre divisions. Une de sixième A , deux de sixième C, et une section pratique créée cette année…Monsieur BASTI est toujours l’actif proviseur….»
-en septembre 1936 création d’une section commerciale dans le but de former des employés de bureau et des auxiliaires commerciaux et de donner une instruction professionnelle et technique pour faire une carrière commerciale. La scolarité durera trois ans avec ouverture de la première année en octobre 1936. Le programme est ainsi défini pour la première année:
-une partie générale assurée par les professeurs du lycée
-une partie professionnelle assurée par des techniciens
-comptabilité, droit économique, dactylo et sténographie
Il est également précisé que « l’on attachera une importance particulière à l’enseignement de l’arabe » et que
« la création de cette section revêt un caractère d’intérêt public et social ……les parents réfléchiront à orienter leurs enfants vers des carrières d’accession facile et pratique au lieu de continuer à les lancer sans beaucoup de discernement vers la poursuite de diplômes qui ne créent actuellement que des chômeurs intellectuels ( embouteillage de la fonction publique )…» L’école,usine à chômeurs n’est donc pas une notion moderne!!
-en octobre 1936 trois nouveaux: Mlle BOMBAL remplace Mlle TEBOUL comme professeur d’arabe,
Mr DAVID de retour du service militaire devient professeur d’allemand (en remplacement de Mlle LEFAIT ) et Mr SERTILANGE ,professeur de mathématiques succède à Mr PORTA nommé à Casablanca.
-le 22 mars 1937 création de l’association des parents des élèves du lycée. La soixantaine de parents présents approuve les statuts, élit un comité de dix membres qui vote à bulletin secret pour déterminer les fonctions de chacun. Le premier président est Maître TRESORIER, avocat. La cotisation annuelle est fixée à dix Francs par membre
-le 29 avril 1937 annonce de la création en octobre 1937 de la classe de philosophie au lycée et du recrutement en cours d’un titulaire pour le poste. «..Grâce à cette création, notre grand établissement universitaire (!) conduira les étudiants dans tout le cycle des études jusqu’au baccalauréat inclus (2ème partie ).
-le 1er juillet 1937 distribution des prix sans solennité « dans la plus stricte intimité », le proviseur Mr BASTI étant malade, absent et en France, le surveillant général Mr PARENT faisant fonction de proviseur. La cérémonie a lieu dans le préau du lycée (et non au cinéma l’Empire comme d’habitude ), il n’y a pas de discours mais seulement la lecture du palmarès et du tableau du personnel.
-en octobre 1937 ouverture de la chaire de philosophie confiée à Mr BOULARD. A côté des élèves de la classe de philosophie du lycée, les bacheliers du collège musulman suivront au lycée les cours de philosophie et auront eux aussi, à Fès, un cycle complet des études secondaires.
-le 4 novembre 1937 décès de Mr BASTI proviseur du lycée.
Ces informations vont peut-être réveiller quelques mémoires assoupies et nous fournir une moisson de témoignages et de documents relatifs à l’histoire du lycée mixte de Fès!.
Amicalement
Georges