Re: Lu dans le Courrier du Maroc du 6 mars 1941
Envoyé par:
georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 1 février 2015 22:16:44
Quelques informations ou commentaires concernant le changement d'appellation des rues en 1941.
La rue Jean-Jaurès devient la rue Henri de Bournazel.
À propos de Jean Jaurès, on peut lire dans le Progrès de Fez du 16 mars 1941 : " Nous voulons retenir et rappeler que son attitude à l'égard de la politique marocaine de la France. Aucune personnalité politique n'a combattu avec autant d'acharnement et de violence notre action dans ce pays ; il fut l'adversaire têtu et déterminé de cette oeuvre qui malgré tous ses efforts, se révèle aujourd'hui, magnifique et généreuse.
À toute occasion il se déchaîna contre elle, pouvait écrire un de ces historiographes, soit à la tribune de la Chambre, soit dans les colonnes de l'Humanité. Trop souvent son autorité, son éloquence donneront un écho et un point d'appui aux tentatives d'intimidations allemandes ; trop souvent, en arrachant des déclarations au Gouvernement, en les enregistrant, en les soulignant, il gênera notre action et M. Pichon, persécuté par lui, poussé à bout, lui dira un jour :" M. Jaurès je ne sais pas qui vous a autorisé à parler au nom de l'Allemagne"
À maintes reprises, il demandera l'abandon du " guêpier marocain " ; il vote - avec tous les socialistes - contre tous les crédits demandés pour notre action au Maroc. Il dénonce le général Lyautey comme un factieux et attaque avec la plus grande véhémence son oeuvre à la frontière algéro-marocaine.
Lorsque le gouvernement décide, au printemps 1911, l'envoi de la colonne Moinier, pour débloquer Fès assiégée par les tribus, Jaurès écrivait dans l'Humanité du 24 avril 1911: "
Ah, la bande marocaine et son délégué M. Régnault,peuvent se vanter d'avoir affaire à des gouvernements débiles et aveugles, à un pays sans clairvoyance et sans ressort. Leurs intrigues les plus grossières réussissent ; leurs desseins les plus criminels se développent sans obstacles, et la politique la plus imprévoyante et la plus basse est devenue la politique de la France".
Jaurès vota évidemment contre l'approbation du traité de Protectorat et son hostilité contre l'oeuvre marocaine ne s'arrêta qu'avec sa mort.
L'on avouera que c'était pousser le paradoxe jusqu'au défi que de vouloir rappeler au Maroc l'activité de Jean Jaurès.
Nous préférons y voir commémorer les noms de ceux qui furent les bons artisans de notre oeuvre dont quelques uns lui ont fait le sacrifice de
leur vie.
La rue Waldeck-Rousseau devient rue Lapart
Le Lieutenant Lapart: affecté au Maroc, en 1911, à l'encadrement des Tabors marocains, venait du 36e régiment d'artillerie, où il était plus spécialement chargé du cours des jeunes élèves officiers ; et parmi ses jeunes élèves se trouver celui qui 29 ans plus tard, devait devenir le colonel Roig, vice-président de la Légion des Combattants.
Au cours des émeutes d'avril 912 le lieutenant Lapart, isolé dans sa maison de la médina s'y défendit jusqu'à épuisement de ses munitions et, de cette sinistre aventure Hubert Jacques dans son livre " les journées sanglantes de Fès "nous révèle tout simplement "le lieutenant Lapart fut également assiégé dans sa maison et pris vivant. Son corps fut torturé et carbonisé ".
C'est le docteur Cristiani, notre actuel président de la Légion, alors jeune médecin-major des Tabors qui recueillit ses malheureux restes et les fit ensevelir.
Nous ne voudrions pas remuer des souvenirs pénibles et douloureux, mais nous saurions oublier qu'il s'est trouvé un français, M. Jean Jaurès pour exalter, à la Tribune de la Chambre des Députés la vaillance des émeutiers(Séance du 22 juin 1912, Journal Officiel page 1844) et affirmer, devant l'immense majorité des députés stupéfaits d'un tel cynisme « Nous comprenons là (dans cette révolte des Tabors et l'assassinat de leurs instructeurs, des civils, femmes et hommes ainsi que des centaines de juifs sans défense), nous comprenons là ce qu'il y a de plus puissant et de plus spontané dans l'âme du peuple marocain ".
Jaurès faisait l'apologie des assassins de nos officiers et de nos compatriotes pendant que le sultan Moulet Hafid, le Makhzen et tous les notables de Fès proclamaient publiquement leur désapprobation.
Et c'est le nom de cet homme que l'on eut l'impudence de placarder sur les murs de notre ville. Nous espérons, pour ceux qui provoquèrent cette décision, qui ne connaissaient pas la phobie sadique de Jaurès pour notre oeuvre marocaine.
L'avenue des sports, devient avenue Lartigue; c'est l'avenue qui passait devant notre Lycée Mixte.
Le commandant Lartigue a été tué au front, au cours de cette formidable bataille des Flandres, il est mort comme il le souhaitait certainement à la tête de ses hommes, en combattant pour le salut de la patrie.
Le lieutenant Lartigue fut le premier instructeur de l'éducation physique à Fès, athlète complet, sportif convaincu, il était arrivé par son dynamisme personnel, par son allant, son enthousiasme juvénile à créer ce véritable esprit sportif qui lui a survécu et l'on peut dire que le sport à Fès date de Lartigue.
Si comme instructeur le lieutenant Lartigue fut un animateur de premier plan, il était également le garçon le plus charmant, le plus serviable, et le plus compréhensif. La leçon ou le cours terminé, il devenait le camarade, le frère aîné qui conseille, dirige, encourage avec une familiarité non exempte du sens de l'autorité.
Appelé comme instructeur à Joinville, à la déclaration de la guerre il partit avec une unité combattante dans cette région des Flandres où il devait trouver une mort glorieuse.
Nous pensions que l'on donnerait le nom de Lartigue à notre Parc des Sports, des considérations respectables s'y sont, paraît-il, opposées. Nous nous inclinons. Maintenant dans cette ancienne avenue des Sports, le nom de Lartigue rappellera aux générations futures le brillant sportif mort en héros pour la défense de son pays.