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La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 20 décembre 2009 16:37:42

Auvert, Cocard et Cristiani évoquent pour nous tous la médecine à Fès. Le docteur Auvert et l'infirmier Cocard parce qu'on a donné leur nom aux deux principaux hôpitaux de Fès; le docteur Cristiani parce qu'il a été « le » médecin de Fès.

D'autres ont aussi marqué la vie médicale fasi: Linarès-davantage pour son rôle politique que médical-, Murat, Buzon, Guinaudeau,Secret, Escalle etc....

J'ouvre aujourd'hui cette rubrique dans le forum car c'est me semble-t-il, un sujet sur lequel tout le monde a quelque chose à dire. Les familles de ces médecins peuvent alimenter cette rubrique avec leurs archives personnelles; les collaborateurs et patients ont certainement des anecdotes à partager.

L'idée est d'essayer de voir comment la médecine s'est organisée à Fès au début du protectorat , cela pourrait même constituer une base pour une thèse de médecine ou un mémoire d'histoire pour un étudiant motivé!!

Il ne s'agit pas de dire que la médecine n'existait pas au Maroc et à Fès avant le protectorat, mais c'était une médecine traditionnelle et populaire – ce qui n'exclut pas que les médicaments et traitements qu'elle proposait aient pu avoir une certaine efficacité – et il y avait même un enseignement médical à l'université de la Karaouiyine à la fin du 19ème siècle.
Mais la médecine « moderne », d'ailleurs issue de la médecine arabe du Moyen-âge, a été introduite au Maroc au début 1900 et essentiellement avec le protectorat.

Je vous propose les informations que j'ai recueillies (et continue à recueillir !) à travers mes lectures de livres,revues et articles divers sur Fès et le Maroc. J'essaye de donner les informations les plus exactes possibles ce qui n'est pas toujours facile car les données sont parfois imprécises voire contradictoires. Toutes les remarques, corrections et précisions sont les bienvenues et j'attends vos contributions pour enrichir le débat.

A ma connaissance il n'y avait pas, à Fès, beaucoup de médecins français civils ou militaires avant le protectorat. Il y a eu le Dr Linarès qui était plus diplomate que médecin qui est resté une quinzaine d'année au Maroc et surtout dans la mouvance des sultans.
Les autre médecins étaient les médecins des missions diplomatiques de passage et avant 1910 je ne crois pas qu'il y avait des médecins français parmi les officiers français qui encadraient les tabors.


Le premier médecin, réellement installé à Fès, est le docteur Murat venu à Fès en 1905 avec la mission Saint René Taillandier .
Lors de son ambassade à Fès, Saint-René Taillandier se préoccupa de trouver un titulaire pour l'hôpital que le gouvernement français avait l'intention de créer à Fès. Son choix s'arrêta sur le Dr Murat, qui avait collaboré avec le Dr Raynaud à la réorganisation du lazaret de Mogador .

Murat ouvrira donc le premier dispensaire français au Dar Bennis, palais qui abrite Saint-René Taillandier, ministre de France à Tanger lors de sa mission de neuf mois, à Fès en 1905.

Les instructions données au Dr Murat sont extrêmement simples: soigner le plus de malades possible; son budget est également concis: 4 000 francs.

Le Dr Murat reçoit en consultations femmes et enfants surtout . Mme Saint-René Taillandier qui n'a pas grand chose à faire pendant que son mari négocie laborieusement avec les autorités du Maghzen fait deux fois par semaine son apprentissage d'infirmière auprès des enfants, surtout atteints de troubles ophtalmiques invalidants.

L'activité du médecin atteint dès 1906, plus de 15 000 consultants et sa renommée attire sur lui l'attention du sultan Abd el Aziz qui le nomme médecin du palais.

Quelques années plus tard Régnault, successeur de Saint-René Taillandier songe à étendre les moyens d'action du Dr Murat; après quelques mois d'attente, un jardin plus ou moins abandonné et bordé de constructions inutilisables, mais bien situé est donné, par le sultan Moulay Hafid, pour l'installation d'un hôpital en 1911: le premier hôpital/dispensaire gratuit pour les «indigènes nécessiteux». de la médina de Fès, est installé au derb Zerbtana près de la mosquée Si Ahmed ben Naceur

Avec un budget restreint (20 000 francs) le projet voit le jour et très rapidement l'activité explose; les consultations doublent passant à 32 000 patients (tous marocains musulmans ou juifs-10%-) et les 20 lits disponibles représentent plus de 4 000 journées d'hospitalisation par an (le prix d'une journée d'hospitalisation revient à 1 franc par malade). Les pathologies sont variées: médecine interne, infectieux, maladies vénériennes, chirurgie générale et ophtalmologie.

Le personnel est réduit, et Murat réclame des collaborateurs sachant l'arabe. Fin 1911, en dehors du Dr Murat il y a un taleb auquel il a appris à faire des pansements et un portier marocain. Mme Murat aide son mari et assure les fonctions d'économe de l'hôpital.
Le Dr Murat assure la direction de l'hôpital, la pharmacie, la direction du service de chirurgie et du service de la statistique médicale ! Il reconnaît faute de temps négliger un peu les études bactériologiques bien que le service soit créé.

L'hôpital est « orienté au nord-est ce qui lui permet de profiter de la fraîcheur qu'apporte le Chergui, vent d'est ; sa position étagée assure des conditions hygiéniques excellentes »

A cette époque, trois affections existent à l'état endémique avec des pics épidémiques parfois sévères: en premier lieu le paludisme sous toutes ses formes cliniques en relation avec la pullulation des moustiques. Les étangs nombreux dans la plaine du Saïs et dans le secteur de l'aguedal, l'oued Fès et ses diverses branches hébergent les moustiques anophèles vecteurs essentiels du paludisme.

En deuxième lieu la typhoïde est fréquente et à l'origine de nombreux décès. La cause en est l'eau de rivière qui arrive déjà contaminée en ville et encore davantage dans les quartiers bas de la médina après son passage à travers la cité, mais aussi le mode de recueil de l'eau potable à Fès (système de bassins dont la déverse se fait dans la canalisation commune située en contre-bas).

Enfin la troisième pathologie est la dysenterie amibienne qui représente près de 10% des consultants en période d'épidémie.

La variole est rare en 1911, la peste et le choléra n'existent pas.

Pour lutter contre les affections d'origine hydrique, Murat préconise la canalisation de l'oued Fez, car l'eau de cette rivière remarquablement limpide à sa source, entre en ville toute souillée de limon et d'immondices recueillis dans la plaine du Saïs où elle stagne en de nombreux endroits, s'étendant en nappes dissimulées par des végétations aquatiques où pullulent tortues, grenouilles et moustiques, où viennent s'abreuver les troupeaux qui souillent l'eau par leur déjection. C'est après ce traitement « d'impurification » que l'eau entre en ville où elle recueille dans chaque maison un supplément d'agents septiques.

Pour lutter contre le paludisme, Murat propose la quinine préventive en cas d'épidémie qu'il faudrait distribuer largement à la consultation externe de l'hôpital .
Il préconise aussi de disposer pour la campagne, de gens de confiance qui distribueraient la quinine dans les foyers d'épidémie signalés. Ces aides-sanitaires pourraient aussi répandre dans les tribus l'usage de l'acide borique pour les affections oculaires (conjonctivite en particulier). Ce personnel outre le rôle qu'il peut avoir à l'extérieur pourrait au besoin venir aider à l'hôpital tout en bénéficiant pendant cette période d'une formation complémentaire.

En 1912, 35 000 personnes ont profité des soins du Dr Murat: « musulmans ou juifs des deux sexes, la plupart se présentant quotidiennement à sa consultation, car le nombre des lits dont il dispose est encore restreint».

Le Maghzen va donner l'enclos Mrani qui permettra le développement de l'hôpital. Murat souhaite pouvoir construire dans cette enclave un nouveau pavillon de 30 lits qui serait sous la responsabilité d'un médecin-adjoint arabisant, aidé d'un infirmier. Il propose même d'ouvrir un poste d'interne à l'hôpital, qui serait mis au concours de l'université d'Alger pour un étudiant parlant arabe.

En 1913, grâce à de petites subventions, le Dr Murat a pu construire de nouveaux bâtiments, aménager une salle d'opérations « aux murs tapissés de faïences blanches de Fez », des laboratoires pour les examens micrographiques, des salles de pansements.

« Les pavillons sont entourés d'un beau jardin aménagé à la marocaine qui, aux heures de consultation, est littéralement envahi d'une foule bigarrée: juives de Fez avec leurs petits foulards de soie rouge ou verte, coquettement arrangés en coquille qui les coiffent si bien, leurs beaux châles historiés aux couleurs éclatantes, de provenance indienne; musulmanes, drapées dans les longs voiles de laine blanche des femmes de l'Islam; et toute une marmaille plus ou moins loqueteuse, toujours pittoresque. Mais , ce qui retient l'attention, c'est le sentiment de profonde reconnaissance qui anime tous les visages, c'est le concert de bénédictions à l'adresse de leur bienfaiteur qui s'échappe de toutes les lèvres » quand on interroge les consultants écrit Gervais-Courtellemont , dans l'Illustration du 23 novembre 1913.

Cet hôpital fut l'hôpital général de la médina jusqu'en 1930, pour la médecine et la chirurgie.
Il devint alors une annexe de l'hôpital Cocard et consacré à l'ophtalmologie et à l'ORL sous la direction du Dr Guinaudeau.

Après Fès, où il avait passé onze ans, le Dr Murat est parti à Casablanca comme premier médecin-chef de l'hôpital Mauran, construit dans le quartier de la TSF et ouvert en 1917 aux malades israélites et musulmans .


En 1911, au moment où Murat ouvrait l'hôpital du Derb Zerbtana, un hôpital militaire s' installait à Dar Bennis dans les locaux laissés libres par Murat..... ce sera le futur hôpital Auvert de la médina.....qui déménagera à partir de la fin 1934 pour la colline de Dar Mahrès.
(à suivre....!)



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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 21 décembre 2009 16:33:48

Avant 1910, les français étaient peu nombreux à Fès, essentiellement des membres de la mission militaire française du commandant Mangin. En octobre 1910, avec l'agrément du sultan Moulay Hafid, Mangin demande des renforts pour son groupe d'instructeurs: une douzaine d'officiers, une trentaine de sous-officiers et un médecin militaire. C'est ainsi que fin 1910 le docteur Cristiani arrive à Fès.
Il sera le médecin de la mission militaire, et aménage une infirmerie dans la Casbah des Cherarda où sont cantonnées les troupes chérifiennes et leurs familles. Il sera aussi le médecin particulier du sultan Moulay Hafid.

Les troupes chérifiennes ne peuvent faire face efficacement à l'insurrection des tribus berbères. En avril 1911, les tribus rebelles assiègent Fès et le sultan Moulay Hafid demande l'aide des troupes françaises qui sous les ordres du général Moinier viennent au secours de Fès. C'est le début de leur l'installation « définitive » à Fès.

J'ai recherché dans le livre du général Gouraud « Au Maroc » 1911-1914 quelques informations utiles sur les hôpitaux (le colonel Gouraud a participé à cette colonne de Fès en escortant le convoi de ravitaillement)

Lors de son arrivée à Fès le 25 mai 1911 Gouraud campe « autour des jardins d'été du Sultan. Le général Moinier et son état-major sont installés dans la maison de campagne qu'on appelle le Dar Dedibagh. Ma tente est au coin du bois et c'est une douceur charmante que d'avoir des arbres autour de soi » Il a rapidement été logé par Moinier dans du dur à Dar Debibagh.

Dar Debibagh avait été une résidence d'été de Moulay Abdallah qui l'avait faite bâtir en 1729 et cette casbah a servi aux troupes françaises à partir de 1911 et à même été surnommée le « Camp Gouraud »en 1912.

Vers le 15 juin 1911, Gouraud revient sur Fès «  nous sommes heureux de retrouver les ombrages de Dar Debibagh. Les raisons militaires...indiquent un déplacement du centre de gravité vers Meknès. Il devient plus que jamais nécessaire de décongestionner Fès. On peut y laisser l'hôpital, mais non pas le parc d'artillerie ».

Cela confirme l'existence d'un hôpital militaire: est-ce un véritable hôpital ou une infirmerie d'unité renforcée avec des lits d'hospitalisation? Est-il à Dar Debibagh ? (Il y a eu un hôpital à Dar Debibagh (cf photo) mais je n'ai pas de certitude quant à la date de sa création.

Ou s'agit-il de l'hôpital dirigé par le docteur Fournial ? : fin août 1911 Gouraud revient à Fès, et écrit «Le 1er septembre, visite de l'hôpital..... Le Dr Fournial....s'est installé dans le palais où était descendue la mission Saint -René Taillandier, aux jours sombres de 1905. Un très grand jardin touche à des parcs immenses qui vont jusqu'aux murs de la ville. les malades sont bien installés, dans de vastes patios, des chambres claires ou sous des tentes doubles dans les jardins. » Il évoque même un embryon de service de radiologie: il parle de balles extraites « en les radiographiant, grâce à l'appareil de Mr Bringau, ingénieur du sultan ».
( L'ingénieur Bringau et son épouse seront tués lors des émeutes d'avril 1912 et une rue portait son nom à Fès)

Cet hôpital dirigé par le Dr Fournial est donc installé à Dar Bennis libéré par Murat et sera le futur hôpital Auvert. Ou s'appelait-il déjà Auvert , Gouraud ne le dit pas......et je ne connais pas la date où le nom a été donné. Le monument commémoratif sera inauguré le 22 août 1912.
(Le Dr Auvert avait été tué, du côté de l'oued Mikkès, en portant secours à un blessé le 2 juin 1911 et enterré à Fès le lendemain, en même temps que 3 légionnaires et 2 goumiers).

En PJ l'hôpital de Dar Debibagh





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Pièces jointes: Dar Debibagh Hopital a.jpg (294.6KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 28 décembre 2009 22:15:59

A propos de l'inauguration, le 22 août 1912 , du monument élevé à la mémoire du docteur Auvert j'ai trouvé les informations suivantes dans l'Illustration du 28 septembre 1912:

« Le 2 juin 1911, au passage de l'oued Mikkès par nos troupes volant au secours de Fez, un jeune médecin aide-major de grand mérite, d'inlassable dévouement, Auvert, tombait, à la nzala Djeboub, frappé d'une balle marocaine, au moment où , remplissant son ministère, il prodiguait ses soins à l'un de nos blessés. Entre tant de morts héroïques dont la terre marocaine fut témoin depuis que nous y avons porté nos armes, celle-là fut des plus émouvantes et des plus nobles »

Déjà le général Moinier, à la demande du docteur Fournial, médecin-chef de l'hôpital militaire de Fès, avait rendu un premier hommage à la mémoire du docteur Auvert en donnant son nom à cet hôpital. (de même qu'à l'hôpital de Meknès, sur un rapport du docteur H. Coullaud, il avait donné le nom du docteur Louis, autre victime des combats).

Les camarades d'Auvert ont tenu à accorder à sa mémoire davantage encore. Dans ce grand jardin de l'hôpital de Fès, ils ont dressé un monument qui perpétuera son souvenir. C'est, sur un socle de zélijs, où s'inscrit, avec le nom d'Auvert, un récit lapidaire de sa mort, en français et en arabe, une colonne tronquée, du haut de laquelle le coq gaulois « lance son claironnant appel à la bravoure, au dévouement, à toutes les vertus viriles». (sur la photo en PJ, du service photographique des armées, prise en 1916, on constate que le coq a déjà disparu !)



L'inauguration de ce monument a eu lieu, en présence des « dames » de la Croix-Rouge ( Mlle de Noville, Mlle Thiébaut, Mme Quesney, Mme Roque, infirmière -major, Mlle de Saint Léger, Mlle Ligneau.) et de tout le personnel médical de l'hôpital Auvert, parmi lesquels on citera les pharmaciens-majors Paroche et Loiseau, et autour du médecin-inspecteur Béchard et du médecin-chef Fournial les médecins-majors Duchêne-Marullaz, Crussard.Cazottes, Lair, Feldmuller.

« Le général Gouraud, qui prit lui-même une part si marquante au raid audacieux de 1911, présidait à la cérémonie. Et, plus ému peut-être qu'il ne l'était au moment où il faisait franchir à ses marsouins la calme rivière au bord de laquelle Auvert trouva la mort, en quelques mots il prononça du regretté médecin-major un impressionnant éloge, auquel firent écho M. le médecin général inspecteur Béchard et le vaillant docteur Fournial»



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Pièces jointes: Monument au médecin che Auvert.jpg (169.2KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 28 décembre 2009 23:39:55

Quelle était la politique de Lyautey en matière de santé, domaine qu'il a particulièrement investi, peut-être parce qu'il a souvent été et depuis son plus jeune âge sur le circuit de la maladie tant physique que psychologique?.

La méthode de pacification de Lyautey comporte ce qu'il a appelé « l'organisation en marche » c'est à dire que les moyens militaires doivent être doublés d'une organisation politique et économique, et il considère que la création de soins médicaux constitue un excellent mode d'action sur les tribus hostiles.

Le nombre de médecins nécessaires ne doit pas être calculé uniquement sur les effectifs des troupes , mais il faut tenir compte qu'à côté de son rôle strictement militaire, le médecin doit aussi se consacrer à la médecine civile et à la médecine indigène. Pour cela, il faut au médecin une grande liberté d'action et une stabilité dans la région qui favorisera son intégration (cf dr Cristiani).
Dès le début du protectorat, Lyautey demande une cinquantaine de médecins supplémentaires pour les utiliser dans des formations médicales mobiles qui pénétreront peu à peu dans le pays pour améliorer l'état sanitaire des populations, mais tout autant pour assurer une propagande politique efficace en montrant aux populations les avantages liés à l'action de l'armée française.

Un des principes de Lyautey est qu'il ne doit pas avoir de cloisons étanches entre les services militaires et les services civils. Il écrit dans « Paroles d'action » il n'y a pas une hygiène et une santé civile et une hygiène et une santé militaires; les règles sont les mêmes qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre ». Le directeur général de la santé doit avoir la haute main sur tout ce qui touche à la santé et à l'hygiène civiles, militaires ou indigènes, et utiliser tous les personnels en fonction des besoins, de leurs aptitudes « sans distinction d'habits ou de galons ». Le plus important est qu'il n'y ait pas un seul point dans le pays qui échappe à une action médicale efficace. Dans chaque région, le commandement est conseillé par un médecin-chef de région qui dispose pour ses interventions des Groupes Sanitaires Mobiles, dont nous reparlerons.

Quant aux hôpitaux c'est le principe des « hôpitaux jumelés » qui est appliqué: dans toute localité importante, simple poste militaire au départ mais ayant vocation à devenir un centre de population civile, il faut concevoir dès l'origine sur l'emplacement le plus adapté, le quartier sanitaire de façon à réaliser le processus suivant: l'hôpital militaire commence, l'hôpital civil naît progressivement, jumelé avec l'hôpital militaire, puis l'hôpital militaire décroît et l' hôpital civil se développe, en utilisant les locaux vides ou sous utilisés. Il faut également prévoir, au milieu du quartier sanitaire, un vaste espace où seront groupés tous les organismes communs à l'hôpital civil et à l'hôpital militaire et des services de spécialités . Nous verrons que c'est ce qui s'est passé globalement avec le transfert de l'hôpital Auvert ( de plus en plus « civilisé») à partir de 1934 à Dar Mahrès.

Dans la mesure du possible l'hôpital indigène sera édifié sur un emplacement voisin, c'était pas loin d'être le cas au départ avec l'hôpital Cocard dans la casbah des Cherarda et l'hôpital Auvert à Dar Bennis

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 30 décembre 2009 23:57:38

En 1911 deux hôpitaux existent donc à Fès : l'un pour les «indigènes» à derb Zerbtana (Dr Murat), l'autre pour les militaires (et les rares civils européens) dans le quartier du Douh , l'hôpital Auvert.

Peut-être un troisième- militaire aussi- à Dar Debibagh pour lequel je n'ai pas la date de création ( j'ai 4 cartes postales de cet hôpital mais aucune n'est datée !) mais je penche pour une création plus tardive quand le camp militaire de Dar Debibagh s'est structuré

L'hôpital Cocard n'existe pas encore. Le docteur Cristiani est arrivé à Fès fin 1910 et a organisé une infirmerie que l'on pourrait qualifier de «mixte» : pour les membres de la mission militaire française mais aussi pour les troupes chérifiennes ( tabors ) et leurs familles qui les accompagnent toujours à cette époque là.
Cette infirmerie, avec quelques lits d'hospitalisation, est située dans la casbah des Cherarda et le sergent-infirmier Claude Cocard en est l'efficace «patron». En avril 1912 lors du soulèvement des tabors cantonnés dans la Casbah des Cherarda, Cocard est à son poste, dans l'infirmerie et n'envisage pas d'abandonner ses malades. La situation s'aggravant et des cadres militaires français ayant été tués par les mutins, Cocard le deuxième jour décide de quitter la Casbah, accompagné de soldats indigènes restés fidèles. Il sera tué alors qu'il avait déjà quitté la Casbah, par des cavaliers rebelles.

Sur proposition des autorités médicales et militaires le nom de Cocard sera donné à ce qui n'est encore que l'Infirmerie Indigène des Cherarda et qui deviendra le futur hôpital Cocard sous l'impulsion conjointe de Lyautey et de Cristiani.

En effet, les émeutes de Fès ont eu pour conséquence directe la nomination du général Lyautey comme premier résident général du protectorat.
Lors de son premier séjour à Fès, en mai 1912, Lyautey demande au docteur Cristiani de mettre en place un Groupe Sanitaire Mobile (GSM)

Le GSM fut l'un des acteurs essentiels de la politique sanitaire de la France vis à vis des populations, à coté du poste fixe d'assistance, dispensaire, infirmerie ou hôpital.

Cette assistance aux populations avait un double but : en premier lieu humanitaire en restreignant le champ de la maladie et de la souffrance mais également utilitaire en conservant le capital humain local dont on avait besoin pour la mise en valeur immédiate et rapide du pays nouvellement occupé.

Le GSM est une formation rustique avec un médecin, 2 ou 3 infirmiers, quelques mulets avec leurs conducteurs pour porter cantines et tentes et un guide souvent utile pour ces déplacements dans le bled. Parfois quand une route existe tout cet attelage est remplacé par une auto sanitaire qui facilitera l'évacuation vers une formation équipée pour la chirurgie.

C'est "un dispensaire de consultation en marche" ( cette formule , rapportée par Bernard Fly Sainte Marie dans sa monographie sur Léon Cristaiani aurait été utilisée par Lyautey pour convaincre le Dr Cristiani, réticent, de prendre le commandement du 1er GSM de Fès), mais qui peut aussi arrêter de marcher si une épidémie est dépistée et qu'une action prophylactique ou une campagne de vaccinations sont nécessaires.

Et pour emporter la décision (il n'est pas certain que Cristiani ait pu refuser la « proposition » !), Lyautey a promis à Cristiani un hôpital fixe pour poursuivre l'oeuvre commencée dans son infirmerie nomade!

Aussitôt dit aussitôt fait, Cristiani dès le mois d'août 1912, dresse les plans du futur hôpital Cocard qui sera construit dans la partie nord-est de la casbah des Cherarda, à la place de l'infirmerie indigène. Cristiani a été bien inspiré d'agir vite et de lancer rapidement les travaux car en novembre 1912 il est désigné par Lyautey pour accompagner pour 3 mois le sultan dans son voyage à Marrakech. L'absence de Fès durera....2ans et demi !

Cristiani reviendra à Fès à l'été 1914 pour prendre la direction de l'hôpital dont il avait jeté les bases et qui sera « son » hôpital. Michel Kamm écrit, dans le Courrier du Maroc, en 1949 « on peut sur cet hôpital entasser les mots et les descriptions, brasser les hyperboles et envelopper le tout dans un exposé enthousiaste politico-humanitaire, qui serve en même temps d'historique, l'hôpital Cocard est en fait, depuis 37ans, l'élément témoin d'une réussite à la fois française et humaine, d'un évident altruisme....L'hôpital Cocard, reste sous le signe de son grand et inoubliable créateur, Cristiani.......»

Fin 1912, quelques mois seulement après la signature du traité de protectorat, les structures médicales hospitalières de Fès sont déjà en place.....il n'y aura plus ensuite qu'à adapter et développer le dispositif. On ne laissait pas trop du temps au temps à cette époque !

La suite à l'année prochaine....avec tous mes voeux de bonne santé !

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: BISBIS (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 5 janvier 2010 02:03:15

Salut Georges ,
Ce forum est le tien !! Sans ta soif de connaissances historiques et ta participation active, il serait un peu maigre ! Mais en plus on sent dans ces récits ton amour pour le Maroc et tout particulièrement pour notre ville "Fès" !!
Nous les "jeunots ", à l'adolescence, nous nous intéressions plus aux "boums", aux filles , et à nos "mobylettes", qu'à l'histoire de notre ville...Tu rends dans tes récits une atmosphère même que nous n'avons pas tous connue !! Bravo continue à nous instruire !! J'en profite pour souhaiter à tous une bonne année !! DANY

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 19 février 2010 00:17:58

Je viens de relire « un voyage au Maroc » d'Albert Navarre, écrit en 1913 et où l'auteur évoque l'hôpital Auvert: « l'hôpital se trouve dans la partie neuve de la ville (Fez-Djedid), dans le quartier des consulats » ( on peut d'ailleurs discuter l'appartenance du quartier des consulats à Fès-Djedid).
L'accès n'en est pas facile « cet établissement n'a pas de façade sur un large boulevard »- l'auteur était parisien ! - mais précise t-il « il ne faut pas oublier que l'entrée des plus somptueuses demeures est souvent à Fès, au fond d'une impasse ou au détour d'une rue tortueuse ».

« Une fois le seuil franchi, on se trouve en présence d'un immense jardin, au milieu duquel un pieux souvenir a élevé un monument à la mémoire du médecin militaire Auvert tué à l'ennemi et dont l'hôpital porte le nom. Sur un des côtés s'élève une superbe habitation mauresque, plus pratique pour les bureaux de l'administration que pour les malades ».

Un des pavillons de cette demeure a été aménagé pour les officiers et les tentes qui constituent les salles de l'hôpital sont dressées « dans un vaste jardin, au milieu des orangers, des figuiers, des citronniers, dans un véritable oasis de verdure ». Ces immenses tentes ont chacune leur « spécialité», l'une accueille les blessés, une autre les dysentériques , une autre encore les typhoïdiques. Les infirmiers étaient également logés sous tente.

Fin 1912, l'hôpital Auvert est donc toujours pour l'essentiel un hôpital sous tentes et cette description de Navarre confirme celle de Gouraud faite en septembre 1911 et dont nous avons déjà parlé.

Il est vrai que les difficiles combats en 1911 et 1912 dans la région de Fès (350 tués et plus de 1000 blessés) mais surtout la maladie (plus de 1000 morts et plus de 6000 malades évacués pendant ces 2 années) ne laissaient pas le temps de construire des bâtiments en dur: on a utilisé au mieux les structures existantes à Dar Bennis et installé un hôpital de campagne dans « l'oasis de verdure ».

Navarre fait l'éloge de l'action des médecins, des dames de la Croix-Rouge et des infirmiers dont plusieurs sont morts « victimes de leur généreux dévouement » payant un lourd tribut à la maladie ou à la guerre. « En souvenir de la mort héroïque de l'un d'eux, une pensée reconnaissante a voulu donner à un pavillon de l'hôpital militaire le nom de l'infirmier Aubert ».

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 4 avril 2010 23:53:01

La lecture du livre de Pierre Khorat « En colonne au Maroc, Rabat, Fès, Méquinez » écrit en 1912 et publié en 1913 fournit quelques précisions sur l'hôpital de Dar Debibagh et l'hôpital militaire.

La colonne Gouraud à son arrivée à Fès, fin mai 1911, rejoint les emplacements de bivouacs qui lui sont réservés dans les jardins de la résidence d'été du Sultan ( la casbah de Dar Debibagh) dont le palais sert de quartier général et de logement au général Moinier.

« Le service des subsistances, l'ambulance et l'hôpital de campagne, le Trésor et les Postes, le Génie, l'Artillerie, la Justice Militaire encombrent les cours, les passages voûtés, les chambres obscures, l'ancienne mosquée.... Les médecins installent leurs formations sanitaires, où ne manquent guère que les médicaments, dans les appartements privés du Sultan ».

Il est classique dans le début de la campagne du Maroc de voir les médecins installer les hôpitaux de campagne dans des pavillons ou les jardins des demeures appartenant au Maghzen.

L'installation d'un hôpital à Dar Debibagh date donc de mai/juin 1911 et ce fût le premier hôpital militaire de Fès. Cependant, dès juin 1911, l'encombrement à l'hôpital augmentait et il a fallu trouver en dehors de la casbah de Dar Debibagh des salles disponibles.

« Après de longues négociations, le fils d'un ancien ministre des Travaux publics nous cédait une belle maison dans le quartier aristocratique de Fez-Bahlil (sic) !» écrit Khorat. Cela confirme ce qu'écrivait Gouraud: «Le 1er septembre, visite de l'hôpital..... installé dans le palais où était descendue la mission Saint -René Taillandier, aux jours sombres de 1905. Un très grand jardin touche à des parcs immenses qui vont jusqu'aux murs de la ville. Les malades sont bien installés, dans de vastes patios, des chambres claires ou sous des tentes doubles dans les jardins...». ( Il s'agit de Dar Bennis)

C'est le futur hôpital Auvert qui se met en place et qui n'est pour l'instant que l'hôpital militaire. (dans son livre Khorat évoque sur le plateau à proximité de la casbah de Dar Debibagh une petite fortification enterrée nommée redoute Auvert en hommage au médecin récemment tué au combat. Ce n'est que l'année suivante que le nom d'Auvert sera donné à l'hôpital militaire. Je n'avais auparavant jamais entendu parler de cette Redoute Auvert)

Khorat décrit ainsi les lieux: " C'était la classique demeure d'un Arabe riche, avec son vaste jardin rempli d'arbres fruitiers, où l'oued Fez canalisé roulait le chant berceur de ses eaux torrentueuses. Des fontaines murmuraient dans les vasques de marbre, et, dans les corps de logis, les fenêtres aux fins grillages de fer laissaient passer une clarté fraîche; les chambres dallées de faïence, les couleurs gaies des plafonds et des murs, le chant des oiseaux, le parfum des orangers, le calme environnant, semblaient faire de cet asile de la douleur une thébaïde sereine et reposante. Mais l'illusion durait peu. Dans les salles, une odeur fade dénonçait les malades trop nombreux; les étroites couchettes se touchaient, confondant leurs draps sales, leurs moustiquaires trouées, les plaintes des fiévreux, les sueurs des agonisants. Nul ventilateur ne renouvelait un air saturé de chaleur lourde; nul morceau de glace ne rafraîchissait les tempes brûlantes; nul femme, laïque ou religieuse, ne mettait un sourire maternel dans les visions délirantes; nul prêtre ne se penchait pour dire des paroles consolatrices et recueillir les dernières pensées des mourants"

La situation matérielle est précaire et les médecins doivent faire preuve d'ingéniosité pour suppléer au défaut d'outillage, de médicaments et de personnel. "Les apothicaires indigènes de la ville ravitaillaient quelques bocaux de la pharmacie; des convalescents bénévoles remplaçaient les secrétaires et les infirmiers exténués; les artisans maures confectionnaient un matériel de fortune; une banque civile acceptait la garantie de notre consul et consentait une avance de fonds pour la nourriture des malades et l'entretien de l'hôpital, que sollicitait le médecin-chef après avoir épuisé ses ressources personnelles et celles de ses collaborateurs. Mais ces palliatifs insuffisants ne nous donnaient pas une formation sanitaire digne de la science contemporaine, d'une nation riche et d'une armée puissante".

La nécessité de faire de la place amenait à évacuer les convalescents et les blessés en voie de guérison vers Casa d'où certains partaient pour la France par voie maritime.
Les « évasans » vers Casa se faisaient dans des conditions tout aussi épiques que les hospitalisations: voyages en « arrabas», sans coffrage, sans toitures et sans ressorts amortisseurs, dans lesquelles les évacués étaient installés au petit bonheur et abandonnés à l'habileté ou à la maladresse des conducteurs qui menaient leur attelage sur des chemins emplis de fondrières. La pénurie de personnel médical ne permettait pas de fournir de médecin ou d'infirmier au convoi; l'absence de protection contre les intempéries, le manque de boissons fraîches, les risques d'attaque sur le parcours faisaient qu'un certain nombre d'entre eux ne voyaient pas le bout du voyage.

L'hôpital Auvert semble donc être une dé-localisation/extension de l'hôpital de Dar Debibagh

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 3 mai 2010 00:37:54

Les premiers hôpitaux sont purement militaires, souvent temporaires et provisoires car les postes où ils sont installés sont sans cesse en voie de remaniement. Il faut donc éviter de construire des établissements coûteux qui grèveraient le budget du Ministère de la Guerre qui finance sur le budget de la guerre les dépenses médicales.

La formation sanitaire ( infirmerie-ambulance ou hôpital) est donc en règle générale installée sous tentes, dans des baraques en pisé ou en moellons, et dans les meilleurs cas dans des demeures bourgeoises, aristocratiques ou dans des palais du sultan (cas de l'hôpital Auvert et de l'hôpital de Dar Dbibagh) . L'inconfort des bâtiments devait être compensé, selon les consignes de Lyautey lui-même, par « un matériel d'ameublement de choix et un large usage d'organes mécaniques fixes ou mobiles ( groupes électrogènes, groupe chirurgical, voiture à glace, buanderie mécanique sur roues, etc...) »

Une autre infirmerie militaire existait à Fès, à l'extrémité du camp de Dar Mahrès faisant face au mellah et à la médina ( au dessus de l'oued el Adam et des briqueteries, entre l'ancien mess officiers et l'entrée de l'hôpital Auvert/ El Ghassani ).

Début 1921, dans " le programme d'ensemble de l'organisation du Service Hospitalier du Maroc" Lyautey demande la construction d'une Infirmerie de Garnison moderne à Fès. Elle sera construite à Dar Mahrès et est signalée sur un plan de Fès de 1925.

Cette « nouvelle infirmerie » sera l'amorce du futur hôpital militaire Guichot dont Lyautey demandait la construction dès 1921 « il faut construire le plutôt possible le nouvel hôpital militaire en dehors de la ville indigène ».

L'idée générale était:
- qu'il serait nécessaire de maintenir un effectif militaire important à Fès,
- que la population civile ne semblant pas devoir augmenter pas très rapidement, le Protectorat (c'est à dire les civils ) n'investira pas à court terme dans un hôpital civil pouvant soulager l'hôpital militaire
- que l'hôpital Auvert actuel est trop petit , un nouvel hôpital militaire est donc nécessaire.
- mais que dans l'avenir Fès, comme les autres villes du Maroc, tendra vers les « hôpitaux conjugués ou jumelés » (sorte de quartiers sanitaires comportant un hôpital militaire et un hôpital civil possédant chacun tous les services techniques médicaux mais ayant en commun les services généraux -buanderies, ateliers,etc...- Cet hôpital militaire doit être bâti dans un lieu qui permette une extension civile ce qui explique le choix de Dar Mahrès où sera installé dans les années 30 « l'hôpital mixte Auvert » qui absorbe l'hôpital Guichot premier occupant des lieux.

On constate que Lyautey et ses urbanistes avaient bien "balisé "le terrain dix ans avant la réalisation !

Sur le plan de 1925 joint on voit au centre droit la nouvelle infirmerie militaire, au dessus la zone non construite abritera dans les années 30 l'hôpital civil, l'ensemble formant l'hôpital mixte.
On voit également en haut à la jonction 2/3 gauche 1/3 droit la première infirmerie militaire de Dar Mahrès

Pièces jointes: Plan Dahar Mahrès 1925 a.jpg (535.6KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 14 septembre 2010 00:34:11

Avant de poursuivre notre tour des établissements hospitaliers fasi dans leur dualité hôpital indigène/hôpital européen faisons un détour par la métropole.

Lors de la guerre de 14-18 nombreux furent les marocains qui s'engagèrent pour « apporter leur concours aux troupes françaises et alliées et faire cause commune avec elles pour combattre les ennemis de l'humanité, de la liberté et de la civilisation » pour reprendre les termes d'une déclaration du Sultan Moulay Youssef.

Dès lors le Service de Santé militaire organisa en France des « hôpitaux musulmans » vers lesquels étaient évacués après les soins d'urgence sur le champ de bataille, les blessés « indigènes » originaires du Maroc ou des pays d'Afrique noire.

C'est ainsi qu'il fut décidé fin 1914 de créer "l'Hôpital du Jardin colonial" de Nogent sur Marne en utilisant les pavillons du Jardin colonial pour accueillir les blessés.« Les richesses de verdure de ce jardin étaient propres à donner l'illusion de leur propre pays aux enfants dépaysés des Tropiques, tout comme aux fils de la riche oasis » !!

Plus sérieusement, des dispositions étaient prises pour que, outre une qualité de soins équivalente à celle prodiguée aux soldats français, les particularités culturelles et religieuses de ces soldats soient respectées. Des Imans sont chargés d 'assurer le service religieux dans les divers établissements hospitalisant les musulmans et en particulier de veiller à tous les détails rituels des funérailles et des inhumations, il arrivait parfois que l'on meure guéri !. Le jeûne du ramadan est facilité à ceux qui désirent l'observer.
Une mosquée avait même était installée à Nogent sur Marne ornée,en partie, de tapis offerts par Lyautey

Des officiers interprètes sont affectés dans ces hôpitaux et aident médecins et infirmiers dans leurs fonctions.

Des établissements sont prévus pour les convalescences: à Moiselles ou à Carrières-sous-Bois par exemple pour la région parisienne où sont mis en place des services de rééducation des mutilés et des espaces de distractions.
Le cinéma était l'élément de distraction par excellence et les films d'animation muets évitaient les problèmes de langue. Des films documentaires sur la France et de vulgarisation sur les industries et l'agriculture françaises étaient projetés.
Des travaux de jardinage, d'agriculture, et d'élevage sont organisés. Ils permettent d'améliorer l'ordinaire et ils sont également l'occasion de cours d'agriculture.

Des cours de français sont donnés par des instituteurs des écoles primaires des villages voisins.

D'autres hôpitaux musulmans furent créés hors de la région parisienne et l'on retrouve en France pendant la durée de la guerre cette dualité européen/indigène dans les lieux de soins.
En même temps ce temps d'hospitalisation est mis à profit pour soigner notre image auprès de notre clientèle coloniale !

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 18 septembre 2010 00:24:16

Le dispensaire de radiothérapie des teignes de Fès (mai 1917)

La teigne était une affection très répandue au Maroc au début des années 1900: nombreux étaient les enfants à la tête couverte de croutes blanchâtres ou jaunâtres, plus ou moins purulentes. La teigne était peu soignée pour différentes raisons:
- elle était encore au Maroc (comme cela avait été le cas en France jusque vers 1850) considérée comme un événement normal dans la vie d'un enfant d'une famille modeste.
- la maladie paraissait souvent peu invalidante, en dehors du préjudice esthétique et elle avait tendance dans sa forme la plus simple (petites taches farineuses sur le cuir chevelu) à disparaître de façon spontanée vers la quinzième année.
- les traitements médicaux étant quasi inexistants, les guérisseurs et autres sorciers avaient le champ libre pour exercer leur art.....avec même un certain succès puisque certaines formes guérissaient d'elles même au bout d'un certain temps.
- les traitements conduits par les médecins étaient jusqu'en 1900 même en Europe assez sommaires et n'étaient pas exempts d'inconvénients: il s'agissait principalement d'épilation avec les ongles ! puis plus tard à la pince avant de couvrir la tête de différents topiques plus ou moins agressifs: pétrole, acides acétique ou salicylique, coaltar, pommade mercurielle ou au plomb, etc.... Le traitement était long (plusieurs mois ou années), douloureux et donc mal suivi. (A Paris il avait été créé à l'hôpital Saint Louis une école pour enfants teigneux pour essayer d'être plus efficace et pour scolariser ces enfants dont la maladie contagieuse était en principe une cause d'exclusion de l'école).


La nécessité de soigner la teigne s'était imposée dans les pays européens car il existait plusieurs formes de teigne dont certaines avaient des conséquences graves, en particulier la teigne faveuse qui détruisait les cheveux petit à petit pour ne laisser à la trentaine que quelques rares cheveux sur un crane parsemé de cicatrices disgracieuses susceptibles de dégénérescence.

La teigne était également source d'infections fréquentes et diverses, localement et à distance par lésions de grattage par des doigts sales et infectés.

En 1903, Sabouraud et son assistant Henri Noiré utilisent les rayons X dans le traitement de la teigne: il s'agissait d'appliquer un effet secondaire néfaste des traitements aux rayons X, on avait noté l'apparition d'alopécie définitive sur les parties du crâne soumises à un rayonnement excessif.
On propose alors d'utiliser les rayons pour créer une alopécie transitoire chez les teigneux, plus rapide et plus efficace que d'arracher les cheveux un par un. Le but est d'appliquer les rayons X, à une dose déterminée pour provoquer la chute du cheveu dans les deux semaines. La repousse ne se faisant que 2 mois après la chute des cheveux, cela laissait le temps de traiter et de désinfecter le cuir chevelu et d'éradiquer la teigne au bout de 3 mois environ (à comparer aux deux à trois ans des traitements classiques), une seule application de rayons est suffisante et le traitement a l'avantage d'être indolore.

Il se trouve que le docteur Henri Noiré , à l'origine du traitement radiothérapique de la teigne, est affecté comme médecin-major de 2ème classe à Fès en 1917.
Le Dr Lacapère, médecin-chef du dispensaire antisyphilitique de Fès proposa alors au Dr Braun, médecin inspecteur de la santé publique, d'ouvrir dans son dispensaire une annexe destinée au traitement des teigneux et d'utiliser ainsi les talents de Noiré.

C'est ainsi que fut créé de toutes pièces un nouveau service dénommé Dispensaire de radiothérapie de Fès, le 1er mai 1917 et confié au médecin-major Noiré.

La création du dispensaire fut aisée, plus difficile était de faire accepter le traitement par les jeunes enfants...et surtout par leurs parents.
La première phase -la séance de radiothérapie unique et indolore- ne pose guère de problème et c'est avec un certain amusement que quinze jours après les enfants épilaient d'un seul coup la natte de cheveux portée à cette époque par presque tous les petits garçons. Mais la repousse ne s'effectuait presque mathématiquement que 2 mois et demi après. Parents et enfants trouvaient alors le temps long et se demandaient si Allah leur replanterait un jour quelques cheveux sur la tête. Les demandes de pommade pour faire repousser les cheveux étaient souvent pressantes et le recours aux guérisseurs locaux bien tentant.

La confiance s'établit peu à peu avec les premières repousses et le dispensaire qui avait reçu 20 consultants en mai 1917, a réalisé plus de 3000 traitements dans ses dix premiers mois de fonctionnement.

Cette prise en charge des enfants atteints de la teigne avait pour but de diminuer fortement la prévalence de la maladie (il était illusoire de penser éliminer la teigne). La radiothérapie en guérissant rapidement l'enfant diminue la contagiosité de manière significative.

Ces consultations sont aussi un moyen de faire passer des mesures prophylactiques en particulier à destination des coiffeurs: il semble en effet que les enfants n'attrapent guère la teigne à l'école où ils gardent la tête couverte de leur fez ou du capuchon de leur djellaba et que la contamination familiale est probablement faible.
Par contre le coiffeur rase tous les crânes, passant du plus sale à la tête la plus propre souvent sans bien nettoyer ses instruments: les désinfecter est une opération trop longue pour être pratique qui aurait en plus l'inconvénient de détériorer le tranchant des ciseaux, rasoirs ou tondeuses. Il est donc conseillé , comme cela avait été recommandé aux coiffeurs en France, de nettoyer la surface du cuir chevelu, un peu comme on nettoie un champ opératoire, avec une solution iodée alcoolique passée en friction, au pinceau ou en pulvérisation après la coupe.

Les docteurs Lacapère et Noiré ont essayé d'imposer cette pratique aux coiffeurs fasi. Les coiffeurs du mellah ont mis en oeuvre la mesure plus rapidement que leurs confrères de la médina. Certains coiffeurs venaient au dispensaire pour demander comment il fallait s'y prendre; à cette occasion il leur était montré comment reconnaître une teigne faveuse débutante, à épiler une touffe de cheveux malades et dans les formes plus étendues on leur demandait d'adresser l'enfant au dispensaire.

Les médecins comptaient sur les enfants guéris pour qu'ils exigent des coiffeurs l'application de la solution iodée pour ne pas ré-attraper la maladie en espérant que pour ne pas perdre leur clientèle ou pour l'augmenter tous les coiffeurs viendraient rapidement à appliquer les mesures d'hygiène préconisées.

Les directeurs d'école, en particulier des écoles franco-arabes et des deux écoles de l'Alliance israélite du mellah, ont permis les visites et le nettoyage des élèves contaminés ce qui a permis d'éradiquer la maladie chez la grande majorité des élèves scolarisés. Toute admission dans les écoles est soumise à une visite préalable par les soignants du dispensaire qui assurent également des visites tout au long de l'année.

Le dispensaire radiothérapique pour les teignes, à côté de son action principale de traitement des malades, avait aussi pour mission de montrer la supériorité de la médecine européenne dans un domaine où sorciers, amulettes et onguents les plus divers avaient la part belle: c'était aussi une manifestation de la pénétration pacifique chère à Lyautey pour laquelle la médecine a souvent été mise à contribution.

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 18 septembre 2010 09:14:32

Je complète mon petit topo sur la teigne et le dispensaire radiothérapique par une photo d'une séance de radiothérapie (voir P.J.): le dispositif n'était pas rassurant pour des patients peu habitués à fréquenter la médecine....ni même pour les autres.

On comprend que le sorcier et ses amulettes aient pu avoir du succès !

Pièces jointes: Radiothérapie teigne a.jpg (569.1KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: carole (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 18 septembre 2010 12:12:53

Merci Georges sur ce topo sanitaire.
La photo est en effet très parlante et il fallait certainement un esprit "ouvert" pour se soumettre au traitement !

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: BISBIS (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 20 septembre 2010 15:28:38

Salut Georges ,
On ne se lassent pas de te lire et de s'instruire avec toi !! Une mine d'Or sur des faits que l'on n'a pas connus forcément , mais sur la teigne je me souviens qu'un de mes amis l' avait attrapé et que cela l'avait marqué mais nous aussi !! Il ne fallait pas qu'on le touche d'après nos parents et cela a bien durée un an au moins !! DANY

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 25 juillet 2014 00:33:26

LÉON CRISTIANI, UN SYMBOLE VIVANT DU CORPS MÉDICAL AU MAROC

j'ai trouvé cet article du Médecin-Géneral de réserve A. Épaulard, dans "l'oeuvre de la Santé publique et de la famille" Édition de l'encyclopédie marocaine, 7 cours Lyautey Rabat. Numéro 1 , Octobre 1955.

C'est un peu long mais c'est un portrait intéressant du Dr Cristiani

" C'est au Lycée de Poitiers, à la fin du siècle dernier, que j'ai connu celui qui devait devenir le Docteur Cristiani « l'Apôtre » de l'Hôpital Cocard et de la Région de Fez.

Je le retrouvai, fin 1907, médecin de convoi ; il venait comme moi de débarquer au Maroc. Il fut bientôt affeccté au 4me Goum, à Kasba Ben Ahmed. Il me souvient toujours de la visite que je lui
rendis: la chambre de Cristiani était une grande pièce en torchis, rectangulaire et nue ; au centre, le lit de camp ; aux quatre coins, sur un lit de fortune, un malade couché, un marocain du bled ;puis, tandis que mon ami maugréait contre l'insuffisance des places de son infirmerie, la précarité des moyens dont il disposait, je vis arriver une gamine marocaine d'une dizaine d'années, portant en guise de manteau une tunique neuve de médecin militaire! Alors Cristiani m'expliqua : « Je n'avais plus de frusques propres ; je me suis fait faire une tenue ici ; bien sûr on n'a pas pu trouver les draps de couleur réglementaire ; le pantalon est plus rose que rouge, la tunique vaguement bleue, le velours du col rouge, les boutons quelconques, mais n'est une tenue tout de même !Seulement, comme je ne m'en sers guère et que lu petite malade avait froid avec ses haillons, mieux vaut qu'elle en profite ! ...»

Par la suite, je me suis habitué à cette générosité sans bornes qu'est celle de Cristiani. parce qu'on s'habitue à tout, même à l'exceptionnel. Et ce Cristiani là devait rester toujours identique à lui-même

Je ne le revis que quatre ans plus tard, au début de 1913, à Marrakech; il se trouvait alors à la Garde chérifienne. ll me conta sa vie à la mission militaire de Fez auprès du Sultan Moulay Hafid, où il avait été envoyé en 1910. Nul ne fut mieux informé que lui des causes du soulèvement qui avait amené la révolte des tabors de Fez et les massacres du 17 avril 1912. Il y avait perdu l'un de ses sergents infirmiers, Cocard ; lui-même avait pu se sauver grâce à de bonnes amitiés musulmanes. Fin 1912, la mission avait été supprimée et il avait alors quitté l'hôpital indigène Cocard, qu'il avait fondé dans la Kasba des Cherarda à Fez, pour suivre les cadres de l'armée chérifienne qui accompagnèrent à Marrakech le nouveau Sultan Moulay Youssef.

En avril 1916, Cristiani partit au front de Champagne, puis fut envoyé en Russie ; rappelé à Fez en juillet 1918, l'Hôpital Cocard qu'il avait créé en 1912 lui était à nouveau confié ; c'est à cet hôpital qu'il devait dédier sa vie, puisqu'il ne devait l'abandonner que le 31 décembre 1936, jugeant qu'après tant d'années d'un travail écrasant, il était sage de laisser la place aux plus jeunes.

Je fus bien longtemps le témoin à Fez de la vie de Cristiani. Il n'en était pas de plus simple, pas de plus laborieuse ; levé tôt, on le voyait parcourir son hôpital, soignant ses fleurs, s'occupant de ses plantations d'arbres et surtout des construction qui s'édifiaient peu à peu, toujours insuffisantes pour les besoins qui allaient croissants. Puis il voyait ses malades dans les salles. Dès neuf heures, les malades externes affluaient à la consultation, parfois en masses compactes. Qui n'a pas vu la « Consultation de Cristiani » entouré de ses médecins adjoints, peut difficilement s'en faire une idée. Mon émerveillement constant fut qu'il pût s'y reconnaître dans cette foule avec une précision absolue, un calme imperturbable, une patience sans limites. Les jours d'affluence, la consultation durait jusqu'à treize heures : ensuite, on passait à la salle d'opérations, d'où Cristiani ne sortait parfois que deux heures plus tard, après avoir exécuté de sa propre main les opérations chirurgicales souvent des plus délicates.

On ne déjeunait guère à Cocard qu'entre 14 et 15 heures 30, à une heure toujours hasardeuse qui décourageait assez les épouses des médecins en sous-ordre ! Cristiani, lui, mangeait rapidement puis, sa contre-visite terminée, il partait « en ville », comme il disait. Arpentant d'un pas hâtif les ruelles de Fez, il allait du fond de la médina au bout du mellah, appelé par un nombre incalculable de malades, riches ou pauvres ; une cruelle sciatique, qui lui laissa une boiterie légère, ne le terrassa que lors de ses crises. Une hernie même, qu'il contenait souvent avec la main, ne put l'arrêter. Comme mes conseils restaient à l'époque sans effet, je pris le parti de faire venir à son insu notre ami commun le chirurgien Spick, dont le bistouri devait devenir célèbre; invité chez Cristiani, le soir même il lui déclara péremptoirement : « Je t'opère demain matin ». Cristiani cette fois obtempéra.

Quand, par exception, il rentrait tôt ou les dimanches qu'il ne consacrait pas à des colons dans le bled, où il avait aussi des clients, il passait son temps de repos à la bibliothèque de l'hôpital Cocard où il avait constitué une collection importante d'ouvrages de médecine.

L'heure du dîner était, cela va de soi, aussi imprécise que l'était celle du déjeuner. Cristiani avait fréquemment des invités, c'était là son grand plaisir et son unique luxe.

Certain soir, nous étions plusieurs familles médicales conviées. Par prudence, nous n'étions venus que vers neuf heures, mais ce fut à onze que Cristiani fit son apparition, arrivant tout soufflant du fond de la médina. A peine était-il assis auprès de nous et avait-il commencé les premières bouchées qu'un infirmier vint lui murmurer quelques mots à l'oreille. Cristiani se leva aussitôt et sortit en demandant qu'on ne l'attendit pas: X... le réclamait … Nous fûmes stupéfaits : X... était un médecin civil qui se plaisait alors à dénigrer Cristiani et celui-ci, parfaitement informé, était bien loin de le porter dans son coeur. Il partit à pied pour Fez Jedid, à près d'une demi-heure de là. Quand il revint une heure plus tard, il nous apprit seulement que le malade n'était pas dans un état grave et parla d'autre chose.

On pourrait citer des exemples analogues à l'infini. L'extraordinaire vigueur physique de Cristiani, son dévouement sans limite à toutes les misères humaines, surtout à celles des humbles et des déshérités, qu'ils fussent européens, musulmans ou israélites, accomplirent de réels prodiges, qui sont encore dans toutes les mémoires à Fez.

Catholique sincère mais non pratiquant, dégagé de toute passion politique quelconque, insoucieux d'honneurs et d'une farouche indépendance, Cristiani ne s'est jamais livré à aucun prosélytisme : il n'a prêché que d'exemple, Ceux qui le connaissaient mal ont souvent taxé d'aveuglement sa générosité inconcevable, qui semblait ignorer le démérite et l'ingratitude. Or Cristiani ne s'est jamais fait aucune illusion et n'a jamais été inconsciemment dupe de personne.

On dirait que de tels hommes sont une plaque sensible à la souffrance d'autrui, insensibles aux faiblesses de leur prochain, comme aux honneurs, indépendants avant tout vis-à-vis des puissants.

Le Maréchal Lyautey avait pour Cristiani une estime sans bornes et Cristiani, au fond du cœur, la lui rendait avec une affectueuse vénération. N'empêche qu'un jour où nous étions tous deux invités à la table du Maréchal, nous l'attendîmes longtemps en vain. Le Maréchal et la Maréchale, loin de s'en offenser, reconnurent là, sans la moindre rancœur, un trait de Cristiani qui, retenu par un malade au fond de la Médina, avait simplement oublié l'heure et, trop en retard, n'avait plus osé se présenter.

En 1912, après les événements de Fez, il était fait Chevalier de la Légion d'honneur. En 1922, il recevait la Croix d'officier; en 1955, la Cravate de Commandeur.

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Et, en 1936, il se fixait dans sa petite propriété de Dar Debibagh à une extrémité de Fez, où il vit depuis en s'occupant de sa famille, cultivant son jardin et voyant quelques malades.
Ce sage, dont les gestes quotidiens ont été si longtemps dignes d'une hagiographie, n'a plus qu'une joie, celle de sa famille et de ses amis. Il est heureux d'avoir auprès de lui son fils, colon intelligent et énergique. et de gentils petits-enfants.

Certain jour, dans une lettre pleine de communs souvenirs de notre fraternelle affection, il m'écrivit ceci, qui résume sa vie:

« De tout ce passé, où je n'ai jamais eu à rougir, où je n'ai jamais eu à regretter d'avoir suivi l'exemple de nos anciens et l'enseignement de nos maîtres civils et militaires, je revois dans mon
souvenir les différentes phases sans amertume. J'aurais voulu conserver ma jeunesse et mes forces pour continuer un effort que l'expérience aurait rendu plus fécond. Aux jeunes de s'inspirer des mêmes mobiles qui nous ont animés, dans un pays où notre force n'a jamais été dans notre intérêt, mais dans notre rôle d'éducateurs et de chefs » .



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Pièces jointes: Cristiani Portrait b.jpg (57.9KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 27 janvier 2015 00:05:01

AVANT QUE NE DISPARAISSE L'HÔPITAL AUVERT

J'ai trouvé dans le Progrès de Fez, un certain nombre d'articles sur l'hôpital Auvert à l'occasion de son transfert vers Dahar Mahrès en 1934. Je vous propose l'histoire de l'installation de l'Hôpital en 1911 près de Bab el Hadid. Certains passages feront peut-être "redite" avec ce que j'ai déjà mis en ligne.

C'est un peu long, mais certains d'entre vous auront peut-être envie d'aller "au bout" !



Dans quelques jours - à la fin de décembre - l'hôpital Auvert va quitter les lieux qu'il occupe très de la porte de Bab el Hadid pour s'installer dans ses nouveaux bâtiments admirablement situés sur le plateau de Dahar Mahrès ; avant qu'il ne disparaisse du quartier de Ras Djenan nous considérons comme un devoir de rappeler sa fondation, ces débuts et son activité au cours de près d'un quart de siècle d'exploitation et de dévouement.

Nous sommes en 1911, les tribus révoltées assiègent Fès mettant en péril la ville et les colonies européennes : Moulay Hafid terrorisé dans son palais sur lequel les Béni M’Tir tirent des coups de fusil, harcèle le consul Gaillard pour l'inviter à demander au gouvernement français le secours des troupes françaises campées en Chaouïa.
Le général Moinier avec la colonne principale, arrive à Fez le 21 mai 1911 presque sans coup férir, précédant de quelques jours la colonne Gouraud escortant le ravitaillement qui se fraya un difficile passage dans la région du Zegotta.
Le 30 mai, les brigades Dalbiez, Gouraud, Brulard réunies sous les ordres du général Moinier vont châtier les gens du Zerhoun et bombarder les villages des Beni Amar ; au retour, le 2 juin au combat de N’Zala Jeboub, le médecin major Auvert est tué.
Le 5 juin des tribus révoltées du Sud attaquent le camp deDar Debibagh; elles sont facilement repoussées; Bahlil est occupé et nettoyé de ses défenseurs; de ce point les colonnes du général Moinier se dirigent vers Meknès, par Aïn Blouz et l’oued Mahdoum, où elles reçoivent la soumission de Moulay Zine qui s'était dressé contre Moulay Hafid.
Les colonnes sont de retour à Fez le 16 juin après avoir circulé sans incident dans Moulay-Idriss, le Zerhoun et la région du Zegotta.

L’ambulance Delmas de Dar Debibagh est pleine de malades et de blessés -123 malades et 23 blessés - cette formation ne peut plus suffire, la création d'un hôpital s’impose, et elle est décidée le 17 juin 1911 par le haut commandement qui loue à cet effet les jardins Bennis où il se trouve actuellement.
Il fallut lui donner un nom; celui du médecin major Auvert tué en service commandé quelques jours auparavant lui fut attribué.

Voici les circonstances de la mort du Médecin major Auvert que je retrouve dans le discours prononcé sur sa tombe par le Médecin principal Bernard, médecin divisionnaire:
« Le Médecin aide-major de première classe Auvert a été tué le 2 juin au combat de la « Nzala Jeboub ».
« Il avait rencontré des camarades un endroit qui devenait dangereux et, après avoir un peu causé avec eux ils les avaient quittés en disant: « les balles me cherchent aujourd’hui, je m'en vais ». On l'appela auprès d’un tirailleur blessé et, pendant qu'il le panser sous le feu et sous les pierres des Oudaïa, une balle l’atteignit à la poitrine. Quelques minutes il est conscient de son état. Il dit au Médecin major Perrin qui le soutenait « je suis blessé à mort … je meurs en soldat ». Voila sa fin toute simple. Elle est assez belle et elle justifie ces honneurs militaires, ces fleurs pieusement cherchées et prodiguées par des amis,et l'émotion de tous. Mais croyez bien que ce n'est pas seulement la perte d'un médecin qui nous a émus. Nous aurions été moins touchés peut-être par la mort d'un autre, « les balles le cherchaient », disait-il. Elles auraient toujours trouvé autour de ce blessé un médecin à abattre, l’un de ses jeunes êtres dévoués,ardents, magnanimes, comme on les voulait il y a 100 ans. Comme on les a ici.
« Lequel eut mérité plus de regrets ? C’est le caractère d’Auvert qui augmente ces regrets, et sa valeur personnelle ajoute aussi de l'éclat à cette gloire un peu hasardeuse de la mort à l’ennemi. Chez lui ce n'est pas la fin qui mérite d’être glorifiée ; ces derniers instants ont été conformes à tout ce qui a précédé. Ils ne brillent pas comme une étincelle au choc imprévue des circonstances.
« C'est la dernière flambée d'une âme toujours embrasée, et, s'il a donné sa vie ce jour là il l’avait offerte depuis longtemps. Il était vraiment militaire, il voulait l’être avant tout. Un officier, son ami m'a dit de lui : c’est un officier de troupe qui serait médecin. Pourtant il était bon médecin, on l'avait choisi pour remplacer Cristiani à l’infirmerie indigène de ben Ahmed. Il justifia ce choix en se dévouant à tous ses clients des tribus, à ses goumiers, à ses camarades, et les éloges de ses opérés, de cataracte surtout, avaient propagé sa réputation dans le bled.
« Cet esprit de dévouement apparaissait dans sa douceur joyeuse et dans son obligeance de tous les instants, dans les grandes occasions, il allait jusqu'au sacrifice. À Dar Chefaï un jour, Auvert vit un tirailleur qui se noyait dans le courant de ll’Oum er Rébia, ses camarades n’osaient pas le secourir, Auvert se jeta à la nage et le sauva.
« Le commandant du poste le sut, réclama une médaille d'honneur pour Auvert. Mais Auvert n'avait rien dit. Il avait horreur des éloges et du bruit, il ne savait être un héros qu’avec modestie et à la place qui lui était assignée. »

L'hôpital Auvert portera désormais le nom de ce héros et, pendant près d'un quart de siècle d'exploitation et de dévouement traitera, soignera plus de 85 000 malades ou blessés.
Voici les statistiques, année par année, qui nous dispensera de tout commentaire superflu et montrera beaucoup mieux que de longs discours l'immensité du sacrifice français au Maroc.

Dates : 1911 1912 1913 1914 1915 1916 1917 1918 1919 1920 1921 1922 1923
Entrants 683 3199 3670 4220 3991 3802 4656 2955 3366 3239 3785 2785 2432

Dates 1924 1925 1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934
Entrants 2550 9339 6230 3361 3034 2626 2880 2728 2429 2636 5035

Total général : 85 631

Et voici maintenant la liste des admirables praticiens qui se sont succédés à la direction de l’Hôpital Auvert depuis sa fondation :

1911-1913 : FOURNIAL Henri . Médecin-major de 1ère classe
1913-1915 : PERROGON Médecin principal de 2ème classe
1915-1917 : FAURE Médecin-major de 1ère classe
1917-1918 : ABBATUCCI Médecin-major de 1ère classe
1919-1920 : FAURE Médecin-major de 1ère classe
1920-1923 : NORMET Médecin-major de 2ème classe
1923-1924 : BERTRAND Lucien Médecin-major de 1ère classe
1924-1925 : DELESTAN Médecin-major de 1ère classe
1925- : POUPONNEAU Médecin-major de 1ère classe
1925-1927 : DREYFUSS Achille Médecin-major de 1ère classe
1927-1931 : COLIN Marie Médecin-major de 1ère classe
1931 …. : SALINIER Gabriel Médecin Commandant

Dans quelques jours le vieil hôpital Auvert illustré par tant de noms glorieux, par le dévouement et l'abnégation, allant jusqu'au sacrifice, de centaines de médecins, d’infirmiers, d’infirmières, va disparaître et s'installer sur le plateau de Dar Mahrès dans des bâtiments réalisant la technique et le confort les plus modernes et tout son passé admirable va s'estomper dans la brume des souvenirs.


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À ceux de la génération actuelle, à ceux qui vont bénéficier des améliorations réalisées dans le nouvel hôpital, rappelons les débuts de l'hôpital Auvert et laissons parler un témoin de l’époque, Gustave Babin, notre grand confrère qui nous a précédé dans la carrière et qui les a relatés dans son livre « Au Maroc, par les camps et par les villes » édité à Paris en 1912 chez Bernard Grasset:

« Si, à Meknès, l'on put installer l'Hôpital Louis dans une riche demeure arabe, à Fez, ce fut et cela demeure plus compliqué encore d'utiliser un local de fortune.
«  Le docteur Fournial, si, en pareil lieu et dans de telles circonstances, il attachait la moindre importance à ces misères, pourrait envier l’étroit cabinet de travail de son ami Couillaud, fleuri de soucis d’or, avec son lit dans une encoignure, car lui comme son adjoint en sont encore réduits à coucher sous la tente de campagne, plantée dans le jardin de l’hôpital, près du bureau où ils travaillent et qui n'a pour vitres que des feuilles de papier huilé. On croit rêver !
« Ce jardin, à l’hôpital Auvert, à d’ailleurs une importance considérable. La vieille maison arabe attribuée au service de santé est assez exiguë ; mais un vaste terrain l’entoure où l'on peut s'étendre à l’aise. Quand au mois d’octobre dernier, il fut question de mettre en marche une colonne sur Taza, l'ordre parvint au docteur Fournial de porter de cent à deux cent cinquante le nombre des lits de son hôpital. Il fit soigneusement un devis, bien calculé et aussi raisonnable, aussi économique que possible, puis, modestement demanda pour exécuter les travaux et aménagements nécessaires 10 000 francs. On lui en accorda 6000. À lui de s’arranger. Le merveilleux ,c’est qu’il y parvint.
« La terre du beau jardin fournit des briques. On édifia des murs. On aurait des bâtiments presque parfaits si on avait pu obtenir à temps des solives, des tôles ondulées pour les couvrir. Mais le génie - lui toujours -était là. Nous le retrouverons plus loin encore. La saison des pluies arriva avant les matériaux mentionnés dont on avait besoin. Les murs de briques crues s'effritèrent ; c’est une aventure banale que j'ai souvent entendu conter sur ma route.
«  En attendant mieux et pour sauver quelques pans de muraille de la ruine on a eu recours ici au bidon de pétrole, précieuse ressource et matériel bien souple décidément. Il joue cette fois les rôles de l'ardoise ou de la tuile. Avec les débris de trois cents qu’on a raflé un peu partout, on est parvenu à mettre à peu près à l’abri des intempéries deux ou trois bâtiments qu’on achevait d'aménager à mon passage.
« Afin de parer à l'insuffisance des salles, l'Administration avait envoyé des tentes immenses aux charpentes compliquées et pour les meubler, des lits de fer. Avait-elle réfléchi que le chaos des mules ou des chameaux est assez défavorable aux ferronneries ? C'est bien improbable.
«  Toujours est-il que sur quatre vingts lits partis de la côte, trente seulement arrivèrent en état d'être utilisés. La même infortune advint aux tentes dont les armatures compliquées se faussèrent en route ou se rompirent. Il fallut recourir à l'aide précieuse de la Makina, l'ancienne manufacture d'armes des sultans, aujourd'hui inactive, ses outils perfectionnés abandonnés à la rouille, ses arbres de transmission devenus les perchoirs des pigeons du quartier. Les sous-officiers d'artillerie de la Mission militaire, les armuriers remirent quelques machines en marche et réparèrent le dommage. Bientôt, les vastes abris de toile, bien dressés sur des aires battues, imperméables, encombrèrent le jardin dont, avec d’infinies précautions, le docteur Fournial avait, pour leur laisser la place, fait transplanter quelques arbres.
« Mais ne trouvez-vous pas un peu insolite que des médecins ou des chirurgiens qui auraient évidemment assez et mieux à faire en se consacrant à leur seul ministère, des « hommes de l’art », selon la formule, soient astreints à des besognes aussi étrangères à cet art ? et d’admirez-vous pas déjà des hommes qui, au prix de surhumains efforts, parviennent cependant à concilier et leur devoir professionnel et des soins aussi éloignés de leurs habituelles préoccupations ?
« Je voudrais pouvoir vous conduire dans l’un comme dans l'autre hôpital, à travers tous les services tour à tour, afin de vous montrer mieux encore quelle intelligence, quelle énergie sont déployées pour triompher des conditions trop souvent peu favorable où l’on est placé.
« Certes, je serais le dernier à méconnaître la beauté, la grandeur du rôle des combattants. Mais la bataille n'est qu'une heure, qu’un moment de durée, et à l'exaltation farouche qui soutient les coeurs dans l’action, succède bientôt l'accalmie réparatrice. Tandis que pour ces médecins c'est la lutte sans répit, la continuelle présence sur la brèche devant l'ennemi jamais las de menacer et de frapper ; et l’on s'émerveille de les trouver sans cesse aussi vaillant, alertes et calmes.
« Leurs infirmiers aussi je les ai vu à l'oeuvre - j’allais écrire au feu - dans des conditions où il fallait, pour ne pas faiblir, pour accomplir jusqu'au bout la rebutante et périlleuse tâche, quelque coeur au ventre. Tous sans défaillance si comportèrent comme des héros.
« À un moment donné, au fort de l'épidémie de typhoïde qui décima l'été dernier la garnison de Fez, quinze des infirmiers de l'hôpital Auvert tombèrent atteints par la contagion, durent s’aliter. Cela faisait une somme de cinquante-six typhoïdiques en traitement dans le même service.
« Cette sombre trouée que le mal venait de faire mettre dans les rangs des infirmiers ne laissait plus debout assez de personnel pour donner les soins nécessaires à un si grand ombre. On demanda alors au chef de bataillon Fellert, commandant d'armes à Dar Debibagh, de faire appel à des hommes de bonne volonté. Il en vint autant qu’on voulut, autant qu’on en eut besoin, des coloniaux, des « marsouins » qu'il ne le cédèrent ni en dévouement, ni en attention aux infirmiers professionnels.
« Et quelles besognes ingrates ils assumaient ? ! Le docteur Fournial me citait le cas de l’un de ces braves enfants qui, chargé de l' unique soin de mettre au bain les malades, sortait à peine en ville une fois par semaine, le reste du temps appliqué à sa tâche comme une soeur de charité.
« Depuis que l'hôpital de Fez a été ouvert, à l'arrivée des troupes du général Moinier, sur sept cent cinquante malades qu'on y a traité, trente-sept étaient des infirmiers - cinq pour cent - À Meknès, c'est mieux encore : sur les soixante-seize morts qu’a vu succomber l’hôpital depuis qu'il fonctionne, sept étaient des infirmiers victimes du devoir soit un sur dix !
«  Il me paraît quasi superflu, pour quiconque du moins connait nos moeurs administratives, d'indiquer qu'il m'a été accordé à l'hôpital de Meknès non plus qu’à celui de Fez, aucune de ces médailles des épidémies, de ces pauvres minces rubans tricolores dont se pare la boutonnière de tout adjoint au maire, de tout conseiller municipal un peu remuant et politiquement bien-pensant, qui a eu le bonheur de voir visitée par un fléau, la ville à l’administration de laquelle il collabore. Le docteur Fournial comme le Docteur Couillaud ont fait évidemment des propositions. Elles doivent dormir quelque part dans un de ces fameux cartons verts ».

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 27 janvier 2015 00:10:57

AVANT QUE NE DISPARAISSE L'HÔPITAL AUVERT ( suite)

Voici les impressions d'un autre témoin, Pierre Khorat, un officier ayant participé aux opérations des colonnes Moinier et qui en a laissé une relation dans un bouquin « En colonne au Maroc, Rabat, Fez , Mequinez ».
Après avoir décrit le jardin de l'hôpital Auvert, où les eaux courantes, les arbres et les oiseaux forment un décor charmant, il poursuit :

« Mais l'illusion durait peu. Dans les salles une odeur fade dénonçait les malades trop nombreux ; les étroites couchettes se touchaient confondant dans leurs draps sales, leurs moustiquaires trouées, les plaintes des fiévreux, les sueurs des agonisants. Nul ventilateur ne renouvelait un air saturé de chaleur lourde ; nul morceau de glace de rafraîchissait les tempes brûlantes ; nulle femme laïque ou religieuse ne mettait un sourire maternel dans les visions délirantes ; nul prêtre ne se penchait pour dire des paroles consolatrices et recueillir les dernières pensées des mourants.
« Deux médecins usaient leurs forces et leur dévouement auprès des pauvres corps que l'anémie extrême, le paludisme, la dysenterie, la fièvre typhoïde transformaient en loques douloureuses et minables. Inauguré avec une trentaine de lits, trois semaines à peine suffisaient pour y élever à cent quarante, le nombre des hospitalisés. Et chaque jour, soit amenées sur des brancards, soit portées par leurs jambes flageolantes de nouvelles épaves humaines venaient remplacer les morts de la veille et les rescapés du matin. Des salles trop petites, les couchettes improvisées débordaient dans les cours hâtivement couvertes de toiles ; trois ou quatre douzaines de typhiques se succédaient dans l'unique baignoire et l’on ne songeait pas sans angoisses aux conséquences de la maladie probable qui abattrait à son tour un des deux médecins traitants.
« Avec un zèle admirable ils se prodiguaient sans se plaindre, mais leur science et leur abnégation ne pouvaient parfois suppléer au défaut d’outillage, de médicaments et de personnel. Les apothicaires indigènes de la ville ravitaillaient quelques bocaux de la pharmacie ; des convalescents bénévoles remplaçaient les secrétaires et les infirmiers exténués ; les artisans maures confectionnaient un matériel de fortune ; une banque civile acceptait la garantie de notre consul et consentait l'avance de fonds pour la nourriture des malades et l'entretien de l'Hôpital que sollicitait le médecin-chef après avoir épuisé ses ressources personnelles et celles de ses collaborateurs. Mais ces palliatifs insuffisants ne nous donnaient pas une formation sanitaire digne de la science contemporaine, d’une nation riche et d'une armée puissante. On se croyait transporter aux siècles précédents, au temps des Bugeaud, des Villards ou des Montluc. On ne songeait pas sans colère et sans douleur à l’initulité des enseignements livresques, au contraste de nos misérables moyens et du luxe médical des Russes et des Japonais pendant une guerre en comparaison de laquelle notre expédition marocaine est un jeu d’enfant ».


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Voici donc les débuts de l'hôpital Auvert rapportés par des témoins de l’époque. Le général Moinier après avoir nettoyé les abords de Fez, refoulé les berbères dans leurs montagnes et obtenu la soumission de Moulay Zine, à Meknès, revient à Fez poursuivre la mission qui lui est confiée et qui consiste à ravitailler l'armée du sultan, à la renforcer par l’incorporation de goums … mais l'Allemagne s’inquiète, ou paraît s’inquiéter du séjour à Fez, des troupes du général Moinier et le 1er juillet 1911 le « Panther » mouillait devant Agadir.
Le 2 juillet le général Moinier prenait le chemin du retour laissant à Meknèune grosse arrière-garde et à Fez un bataillon, un escadron, une batterie d'artillerie et l'hôpital pour appuyer la formation de l’armée chérifienne.
Jusqu'au 30 mars 1912 date à laquelle le traité de protectorat est signé c'est une période de calme … suivi de près par la révolte des Tabors et les journées sanglantes des 17, 18 et 19 avril.

Dans ces douloureuses circonstances l'Hôpital Auvert fut le centre de la résistance et c’est chez lui que vinrent se réfugier nos compatriotes éparpillés dans la Médina … mais, laissons parler les témoins de ces sanglantes journées et reproduisons seulement le rapport d'un des officiers d’administration, gestionnaire de l'hôpital Auvert, l'officier d'administration Chatenay.

« Prévenu par le Commandant Brémond, chef de la mission, l'alerte a été donnée à l’hôpital à 1h15 ; l'officier gestionnaire fait fermer les portes et envoie en toute hâte les hommes du détachement au vestiaire où sont déposées les armes des infirmiers ainsi que celles des malades hospitalisés; les armes de ces derniers sont réparties entre les malades valides ; cent-dix environ ont pu ainsi contribuer à la défense.
« Les hommes fractionnés en quatre groupes sont envoyés sous le commandement d'officiers ou de sous-officiers aux portes donnant accès à l’établissement, ou mis en observation sur les terrasses du bâtiment central et du bâtiment des officiers et sur la terrasse donnant sur le consulat.
« Un groupe est installé près de la porte des écuries qui est barricadée. Un autre groupe au portail près de Bab el Hadid. Le tout était placé à 1h30 lorsqu'une fusillade se fit entendre.
« M. Biarnay, directeur de la Compagnie chérifienne des Télégraphes arrive alors et demande du secours pour délivrer quelques-uns de ses employés assaillis dans leur logement par des marocains.
« Le dernier groupe composé de 12 hommes et commandé par le caporal Suillard s’y rend en toute hâte et trouve la maison occupée par quelques Marocains qui prennent la fuite alors approche. Ils en tuent cinq d'entre eux mais sont contraints de se retirer en demandant du renfort ; une foule d'askris et d'indigènes civils ayant commencé à déboucher de la porte dite Bab Seradjine.
« Un groupe d’infirmiers conduit par le sergent Bac… se joint à eux, mais déjà soixante-dix à quatre vingts soldats marocains occupent la maison de la TSF.
« De la terrasse et des lucarnes partent de nombreux coups de fusil ; abrités par les enfractures du mur de la rue qui y conduit, les infirmiers répondent à la fusillade et abattent plusieurs rebelles.
« Le capitaine de Lamotte, chef du Service des Renseignements, arrive accompagné d'une troupe de soldats chérifiens rester fidèles et prescrit aux infirmiers de continuer le feu pour pour permettre au détachement d'occuper la maison de TSF. Le bruit du canon de 75 se fait entendre.
« Les infirmiers continuent le feu, mais les munitions s’épuisent, ils sont forcés à 3h30 de se replier sur l’hôpital. Le sergent Bac… et quatre infirmiers restent de garde à leur place auprès du consulat d'Angleterre avec consigne de ne laisser passer personne.
« Le sergent Bac… arrive avec un indigène qu’il a trouvé porteur d'un fusil chargé et d’une « choukkara » pleine de cartouches, il le conduit au Bureau arabe et sur l'ordre donné le fait fusiller. À 4h00 il fait également conduire au chef du Bureau des renseignements, trois autres indigènes dissidents.
«  Jusqu'à 5h00 du soir à l'arrivée des premières troupes de secours, la défense de l'hôpital fut exclusivement assurée par le personnel de la formation. À partir de ce moment les abords furent gardés par des détachements du 4ème Tirailleurs jusqu'au 19 (avril) inclus la garde et la surveillance de l' hôpital ont été assurés par le personnel des infirmiers et des musiciens ( service de jour et de nuit).
« Pendant toute la durée des événements, l'hôpital a été le point de concentration de la population européenne civile et militaire, qui a reçu hébergement, logement et nourriture aussi complètement que possible et ceci sans que ce soit au détriment des malades et des blessés et l'exécution de l'opération funèbre, l’identification et l'inhumation de quarante-trois cadavres plus au moins mutilés qui ont été apportés.
« Dans ces circonstances exceptionnelles un effort admirable à été produit par le service de la cuisine de l'hôpital Auvert qui est parvenu à assurer tous les besoins de l'alimentation des malades en traitement, des infirmiers, des troupes de secours, des diverses missions et de tous les Européens réfugiés à l'hôpital. Avec les seules ressources du personnel habituel il a pu être distribué, le soir du 17 avril environ sept cents rations de pain, de viande et de légumes ; le pain et la viande ayant été réquisitionnés. Le 18, le nombre des bouches à nourrir s'élevé à sept cent cinquante pour atteindre le 19 le chiffre de nuits cents environ, chiffre qui reste à peu près stationnaire pendant les journées du 20 et du 21.
«  C’est avec le chiffre énorme de mille cinq cents à mille six cents rations de viande et de légumes que la cuisine put assurer la préparation de la distribution journalière. Il est à noter que dans la journée du 18, le pain semblant de vouloir faire défaut, il a été nécessaire avec l'autorisation du Général de faire sauter la porte du moulin voisin pour en prendre la farine. Pendant cette opération le propriétaire s'est prêté de bonne grâce à cette réquisition. Pendant la nuit du 18 au 19 le sergent infirmier Grandjean, boulanger de profession put ainsi fabriquer 200 kg de pain en utilisant un cercueil comme pétrin qui permirent d'assurer la distribution du lendemain matin. Les boeufs réquisitionnés furent abattus et dépecés sans interruption le 17,18 et 19 par les infirmiers Bourlon et Buffard.
«  À partir du 19 le pain fut livré par le service des Subsistances militaires en quantité suffisante. En outre de ce surcroît de travail la cuisine a continué à assurer dans des conditions remarquables, l'alimentation des malades au petit régime et celle de tous les officiers de toutes Armes et Services de la Place de Fez qui se trouvaient présents à l'hôpital pendant les jours d’émeute et dont le nombre atteignit 32 matin et soir. La cuisine put encore assurer des secours distribués aux personnes européennes réfugiées dans les maisons voisines et n'ayant aucun moyen de subsistance.
«  Enfin il faut signaler le fonctionnement du service particulièrement pénible du transport et de l'inhumation des cadavres pendant les journées d’insurrection. Ce service a été assuré de façon aussi satisfaisante que les circonstances le permettaient grâce au magnifique dévouement et à l'abnégation de tous.
«  Le temps a fait défaut pour confectionner les cercueils nécessaires et les cadavres dont le nombre atteignait hier le chiffre de quarante-trois ont été inhumés dans la carrière creusée près de la buanderie, côte à côte dans un ordre parfait, chacun d'eux étant repéré à l'aide d'une fiche en fer portant le numéro d’ordre »

A la suite de ces événements, le général Brulard adressait, le 21 avril 1912 ses félicitations au médecin-chef Fournial et au personnel sous ses ordres « dont l'entrain et les qualités d'initiative avaient rendu sa tâche plus facile ».
Le 22 avril, Monsieur l'Ambassadeur Régnault adressait à son tour, ses félicitations au Médecin Chef Fournial et à son personnel pour la part active qu’ils avaient pris dans la défense des colonies européennes.
Le sultan Moulay Hafid joignait lui aussi ses félicitations à celle de général Brulard et de l'ambassadeur Régnault.
Enfin, le 6 mai, avait lieu à Auvert une cérémonie funèbre à l'occasion de l'inhumation définitive dans le cimetière de Dar Debibagh des victimes des émeutes des journées sanglantes.


Prochainement je parlerai de l'installation de l'Hôpital Auvert à Dahar Mahrès.

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: aubert (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 27 janvier 2015 08:52:47

Bonjour Georges
As-tu de la documentation sur le Dr DERNONCOURT,
Il fut pendant des décennies le Directeur du dispensaire Place du Commerce !!! Les dernières Années,ils habitaient près de l'Eglise St François,j'ai revu mme Dernoncourt à CANNES ou elle habitait .
et leur fils Yves était médecin OPHTALMOLOGISTE au QUINZE-Vingt à Paris.
Un grand merci pour tes documentations.
Gros bisous.Micheline

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 27 janvier 2015 22:27:21

Bonsoir Micheline,
je vais voir si j'ai quelque chose sur le Dr Dernoncourt
Amicalement
Georges

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 27 janvier 2015 22:39:13

LE NOUVEL HÔPITAL AUVERT

( à partir d'un article de Marcel Bouyon dans le Progrès de Fez du 24 février 1935).

Nous avons fait revivre grâce au récit des témoins de l'époque les débuts de l'hôpital Auvert ainsi que son rôle lors des émeutes d'avril 1912; rôle d’ailleurs plus important qu'on ne le suppose habituellement car si ce centre de résistance n’avait pas existé et dès la première alerte désarmé le Tabor de garde à Bab-el-Hadid et organisé la défense, il est fort probable que la petite colonne Philippot ne serait pas parvenu à rentrer en ville. et aucun obstacle ne se trouvant devant les émeutiers, la colonie française de la Médina ainsi que l'Ambassade Régnault auraient certainement couru le risque d'être massacrées tout comme les postiers du quartier du Doh.

L'hôpital Auvert installé provisoirement dans les jardins Bennis a occupé ces lieux du 17 juin 1911 au 31 décembre 1934.

En présence des multiples inconvénients qu’il présentait, il apparaissait raisonnable de chercher un autre emplacement convenant mieux à sa destination.
Lors de la première foire de Fez, en octobre 1916, le général Lyautey accompagné de ses maisons civiles et militaires et des autorités régionales se rendit sur le plateau de Dahar Mahrès et, après avoir examiné les lieux, s'adressant à son entourage décida: « Voici l'emplacement de l'Hôpital de Fez … vous n’y voyez pas d’objection, Messieurs ? » et comme personne n'en formulait, l’emplacement du nouvel hôpital fut décidé sur les lieux où il se trouve actuellement.

Cet emplacement est sans aucun doute parfaitement choisi sur ce plateau dominant le Mellah, Fès-Djedid et la Médina, on jouit de là-haut d'une vue admirable ; les lieux bénéficieront aussi d'une ventilation parfaite et lorsque des plantations appropriées auront poussé, un véritable parc entourera l'hôpital qu’un important rideau de peupliers abrite déjà des vents de l'Ouest.
Pendant plus de dix ans il ne fut plus question de l’hôpital : Fez était passée au dernier rang des préoccupations du général Lyautey tout absorbé par l’édification de sa propre capitale Rabat et des exigences de Casablanca.
Ensuite, à Meknès, Monsieur Dieulafoy avait intéressé le Résident à la construction d'un autre hôpital dont les formes extérieures s'inspiraient de ses travaux en Perse et en Afghanistan.
Aux timides revendications des fassis, le générale -car il n'était que général cette époque - répondait invariablement : « Patientez, votre tour viendra : de la côte nous avançons progressivement, méthodiquement et il est encore prématuré de faire quelque chose pour Fez alors que la dissidence est encore avant est encore à vos portes ».

Effectivement la dissidence était aux portes de Fez et les Beni-Ouarain ne se gênaient pas, la nuit, pour venir voler les chevaux dans les écuries de Dahar Mahrèe et attaquer les voitures de place qui montaient du Mellah vers les camps.
Enfin en 19125 Maréchal se décida à faire quelque chose et le commandant Leguevel en février 1925 put annoncer la bonne nouvelle à la Commission municipale.

Un premier crédit de un million huit cents mille francs permit de construire un groupe de deux pavillons pour fiévreux ainsi que les canalisations pour l'adduction d'eau et l'amorçage du réseau d’égouts.
Ces bâtiments achevés en 1926 n'ont jamais été utilisés à ce jour. Il semblerait que le Protectorat et le budget français de la Guerre aient été épuisés par cet effort ; quant au public, il se demandait avec inquiétude « C'est tout ce que l'on fait avec ses un million huit cents mille francs ? »
Et pendant six ans des discussions byzantines furent engagées pour rechercher la formule administrative du nouvel hôpital de Fez ainsi que la participation à verser pour chaque partie : serait-il civil recevant des militaires ou bien militaire hébergeant des civils à titre onéreux … ou bien enfin mixte ?

Ce fut cette dernière formule qui prévalut … mais elle n’avait pas demandé moins de six ans de discussions et d'intervention des hommes les plus illustres parmi lesquels on peut citer :le maréchal d’abord, M. Steeg, le Maréchal Franchey d’Espérey, le général Targe, les maréchaux Foch et Pétain, M; Saint sans compter d'autres personnages de moindre envergure.
Enfin en 1931, le budget français de la guerre nous allouait deux millions de francs pour continuer l’oeuvre entreprise depuis six ans et dont les deux pavillons - les deux orphelins ainsi que les appelait le général de Chambrun - commençaient à tomber en ruines en raison d'évidentes malfaçons dont il serait peut-être encore temps de rechercher les responsabilités.

Et c'est ainsi qu'après une décision vieille de 18 ans le nouvel hôpital de Fez vient d'ouvrir ses portes; Il n'est pas complètement achevé : des peintres, des menuisiers, des décorateurs, des fumistes, des électriciens travaillent encore et complètent la décoration ou la pause des fils électriques dont le réseau compliqué mesure des kilomètres.


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Jetons un coup d'oeil sur le plan ensemble:
Il y aura deux entrées : une pour les civils et une autre pour les militaires. L'entrée pour les civils sera face à Fez-Djedid, tandis que celle des militaires se trouvera face au Sud.

- À l' entrée Nord nous trouvons d’abord la loge du concierge (bâtiment 8) avec un petit jardinet et diverses installations accessoires.
- À l’Est, le bâtiment 7 est prévue la villa du médecin-chef.
- En face de la porte principale sera le bureau des entrées (bâtiment 6). Un jardin avec massifs de fleurs et arbustes d’ornement est prévu.
- À l’Est du bureau des entrées les pavillons de 1926 (bâtiment1) restaurés et aménagés, ils sont réservés aux malades civils relevant de la médecine générale. Le nombre de lits prévu est de cinquante.
- À l’Ouest, le pavillon de la chirurgie et des malades relevant de ce service. Ce bâtiment (2) comprendra deux salles d’opération, une salle de pansement avec tout un matériel perfectionné de stérilisation,des dépendances et services auxiliaires, deux salles de malades à six lits chacune et quatorze chambres à un lit, soit vingt-six lits affectés aux blessés et chirurgicaux, deux salles de bains, etc…
Ce pavillon ne comprend qu’un rez-de-chaussée édifié sur sous-sol. Une galerie sur les quatre faces offrira un confort parfait aux malades ce pavillon.
- Dans l'axe de l’entrée, nous trouvons le vaste bâtiment (bât. 3) des services généraux. Édifié sur sous-sol il comporte un rez-de-chaussée et un étage.
Le sous-sol est affecté au service de la cave, de la chaufferie - eau chaude, vapeur, chauffage central -, du frigorifique, de la boucherie et denrées alimentaires, aux réserves de lingerie, aux réserves de pharmacie et de produits de radiologie.
Au rez-de-chaussée, nous trouvons au centre une vaste cuisine très aérée, de 18 m x 18 m, avec hall séparé pour le service des civils et des militaires; un large fourneau de cuisine aux dimensions imposantes, avec sauteuse, fripières, tables chauffantes et fourneau à grillades constituent un matériel des plus modernes fournis par la Maison Mourges. Des percolateurs, des marmites spéciales pour le chauffage du lait, des machines à éplucher les légumes, des bacs avec distribution de vapeur et d’eau chaude pour le lavage de la vaisselle complètent un aménagement qui peut passer pour un modèle du genre.
Dans l’aile gauche, à l’Est, les services de laboratoire occuperont une vaste salle de 200 m²; ceux de la pharmacie une autre salle d'une superficie équivalente ; on y abritera un dépôt de lingerie et de matériel pour militaires ainsi que le cabinet du directeur avec salle d'attente.
Dans la salle droite, à l'ouest, nous trouvons l'économat et le réfectoire du personnel, le service de la radio avec cabinet du docteur et salle d'attente, le dépôt de lingerie et de matériel civil.
Le premier étagé est réservé, dans sa partie Est, à la communauté avec dortoir, parloir, chapelle etc… et dans la partie Ouest, à l’habitation du directeur, au logement du personnel, à la bibliothèque des internes.
- Au Sud du bâtiment des services généraux se trouve un important bâtiment (bât.4) des malades militaires ; il est prévu pour 250 lits.
- À l’Est de ce bâtiment, un autre d'importance moindre (bât.5) est prévu pour être affecté par la suite au contagieux installés en ce moment dans la partie Est du bâtiment 4
- Dans le Sud-Ouest on a réservé l'emplacement du dépositoire (bât. 9).

Cette description de l'hôpital est extrêmement sommaire; il faudrait des pages entières pour la détailler et c'est ainsi que la salle de la radio qui sera pourvue des instruments les plus modernes est constituée par un revêtement de plomb sur toutes ses faces.
Le chauffage central et les condensateurs de vapeur, tant dans les bâtiments militaires comme les bâtiments civils ont fait l'objet d'un soin tout particulier ; lorsqu'on visite les sous-sols on est impressionné par ses kilomètres de tuyauterie de tout diamètre, canalisant eau chaude ou froide, vapeurs, énergie électrique à haute ou basse tension, tuyaux calorifugés pour éviter la déperdition de chaleur.


Voici donc dans ses grandes lignes le plan d'ensemble de l'hôpital mixte. Il est prévu pour trois cent soixante quinze lits dont cent vingt-cinq affectés à l'élément civil.

Comme nous le disions plus haut, le nouvel hôpital mixte est admirablement situé et nous regrettons seulement que l'on ait pas cru devoir y installer la maternité qui aurait ainsi bénéficié des avantages de la situation et des services généraux de l'hôpital.

Les plans de notre hôpital mixte ont été dressés par M. Pierre Bousquet, architecte diplômé par le gouvernement qui s'est adjoint pour la direction et la surveillance des travaux M. Debroise, architecte à Fez dont la réputation n'est plus à faire.

A l'heure actuelle le principal des travaux est terminé, seuls quelques peintres, plombiers et électriciens achèvent les travaux accessoires qui n'ont d'ailleurs pas empêché la prise en possession de la partie militaire de l’hôpital, par le distingué médecin colonel Salinier, chirurgien de l'hôpital Auvert.
Les rouleaux compresseurs préparent les voies d'accès et le jour n'est pas lointain où le nouvel hôpital Auvert sera solennellement inauguré dans des bâtiments réalisant le maximum de confort et d’hygiène, avec un matériel neuf répondant aux dernières conceptions de la technique moderne.



1 modifications. Plus récente: 28/01/15 13:47 par georges-michel.

Pièces jointes: Plan Auvert Dahar Mahrès.jpg (132.5KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: jpb (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 27 janvier 2015 23:25:10

Merci Georges pour cette précieuse documentation qui représente un travail remarquable pour notre ville et notre histoire. Ceci est lu maintenant à travers le monde par nos amis. ADAFES a fait beaucoup depuis des décennies pour laisser un témoignage. Nous le continuons. Nos amis marocains à Fès et ailleurs apprécient beaucoup ce qui est fait dans ce forum. La NewsLetter sera un outil de promotion.

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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 28 janvier 2015 14:05:57

OUVERTURE LE 1er SEPTEMBRE 1935 DE LA PARTIE DE L'HÔPITAL MIXTE AUVERT RÉSERVÉE AUX CIVILS

L'Hôpital Auvert - partie militaire - a ouvert le 1er janvier 1935 (cf plus haut).La partie réservée aux malades civils de l’Hôpital Mixte Auvert n'ouvre ses portes que le 1er Septembre 1935,

Quelles sont les raisons de ce retard ?

L’Hôpital Auvert devait obligatoirement quitter son ancien emplacement de Bab el Hadid à la fin de 1934 sous peine de voir renouveler un bail fort onéreux ; ensuite, pourvu du matériel déjà existant il n'avait en somme qu'à déménager dans les nouveaux locaux. Médecins, chirurgiens, infirmiers, infirmières et personnel divers pouvaient du jour au lendemain traiter les malades et blessés dans la nouvelle formation.

Il en était tout autrement pour l'hôpital civil - ou plus exactement pour la partie réservée aux malades civils. Il n'existait précédemment, à Fez aucun hôpital civil ou clinique réservée à l'élément civil : tous les malades étaient traités à l'Hôpital militaire Auvert et ceux qui y séjournèrent par suite de maladie peuvent rendre un témoignage ému et reconnaissant aux médecins et au personnel de cette formation sanitaire qui pendant près d'un quart de siècle soigna avec un égal dévouement tous ce qui s'y présentèrent.

Un hôpital civil à Fez était à créer de toute pièce. Personnel dirigeant, personnel médical, infirmiers services accessoires, matériel, etc … étaient à recruter ou à acheter et ceux qui connaissent la lenteur des formalités administratives surtout pendant l'été doivent bien se douter que tout ne marche pas avec célérité et empressement.

L'administration de l'Hôpital Mixte a été confiée au docteur Chapuis précédemment chef du Service de l’Hygiène à Fez ; cet excellent toubib, depuis de nombreuses semaines, dépense une activité louable pour hâter le fonctionnement normal de l'Hôpital Civil, où,tout est non seulement à créer, mais où de nombreuses modifications sont à apporter sur les devis et plans originaux, car un architecte ne peut pas tout prévoir et l’oeil du maître supplée dans bien des détails à la science du constructeur.

Tous les fasi savent que l'hôpital de Dahar Mahrès est mixte, c'est-à-dire qu'il hospitalise civils et militaires sous une même administration civile - celle du Dr Chapuis - L'hôpital militaire conservera évidemment son personnel militaire de médecins, d’infirmiers ; la partie réservée réservée aux civils fonctionnera avec des médecins civils et un personnel à recruter.

La partie affectée aux militaires à son entrée orientée au Sud ; celle des civils est orientée au Nord. La vue donnant sur le Mellah, Fez-Djedid et la Médina est vraiment de toute beauté : l’aspect est riant et agréable … Mais hélas ! une administration trop prudente a fait clôturer l'Hôpital de larges panneaux de ciment qui, sur la hauteur deux mètres, cachent un peu cette vue. Cette enceinte est du plus lamentable effet et c'est vraiment dommage !

Depuis l’ouverture de l’Hôpital Auvert en janvier 1935, la fermeture de la Maternité Andrée Saint* a été officiellement annoncée. Son installation dans l’enceinte de l’Hôpital Auvert est une des solutions envisagées. Son incorporation dans l'Hôpital Mixte bénéficiera de tous les avantages des services généraux de cette formation.

L’architecte, auteur des plans, par une sorte de pressentiment lui avait réservé un emplacement de choix dans la partie nord-ouest ; là, la maternité sera suffisamment isolée tout en étant à côté des services dont elle pourrait avoir besoin.

Voici l’état-major de l'Hôpital :
Directeur : Dr Chapuis
Économe : M. Demassue
Chirurgien : Dr Buzon
Médecin-résident : Mlle Roule

Avec cette équipe de gens dévoués et compétents l'hôpital civil, admirablement situé sur le plateau de Dahar Mahrès dans des bâtiments neufs, spécialement conçu pour cet usage, avec un matériel des plus modernes pourra soutenir la comparaison avec les formations sanitaires les plus cotées de la métropole.

Sil a fallu attendre quelques années pour sa réalisation, les fasi bénéficieront de tous les avantages de ce retard c'est-à-dire des améliorations inspirées des expériences des hôpitaux de Meknès, de Casablanca et de Rabat.

Le dernier en date l'Hôpital de Fez sera aussi le plus moderne.

* Je reviendrai dans un autre chapitre sur "l'histoire" de la maternité Andrée Saint.

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Pièces jointes: Vue aérienne Auvert.jpg (428.6KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 28 janvier 2015 19:02:37

VISITE DE L'HÔPITAL MIXTE AUVERT par M.GAUD, DIRECTEUR DE LA SANTÉ ET DE L'HYGIÈNE PUBLIQUES


Quelques jours après l’ouverture de l’Hôpital M. Gaud procède à une visite générale en compagnie des généraux Marquis et Caillaux, de MM. Besson, adjoint civil, du Dr Chapuis, directeur de l’hôpital, du Dr du Mazel, directeur adjoint du Service de la Santé ; des colonels Potet, directeur du Service de Santé militaire, Laquiège, directeur régional du Service de Santé militaire, du médecin capitaine Robert, médecin-chef par intérim de l’Hôpital militaire, du médecin capitaine Juliard, du médecin lieutenant Cazal, des médecins militaires de la garnison ; du personnel médical de l’Hôpital civil : le chirurgien Buzon, la doctoresse Roule ; du major de la garnison, le colonel Pietri ; des architectes Bousquet et Debroise, etc …

Après inspection de l'hôpital militaire qui fonctionne normalement depuis le 1er janvier, l'on visita la partie affectée aux civils, encore en période d'installation de semaine dernière.
Les services généraux sont installés, la cuisine fonctionne ainsi que les différents services de pharmacie et laboratoire.
Dans les salles de malades, nous trouvons dix hospitalisée dans le service de la chirurgie, douze dans les pavillons de la médecine générale et trois dans le pavillon de la Maternité. Ce dernier pavillon heureusement transformé est clair, propre, presque coquet avec ses garnitures de fleurs prodiguées un peu partout, par Madame Bordenave sage-femme et maîtresse de céans.

Après cette visite générale, le Directeur du Service de Santé reçoit les représentants de la presse locale et fait les déclarations suivantes:
« L'ancien hôpital Auvert comme les hôpitaux militaires de Rabat, Meknès , Oujda répondait à la conception Liautey, c'est-à-dire de la période de pacification, où l'élément militaire dans beaucoup de villes prédominait sur l'élément civil et où le nombre des hospitalisés militaires était toujours plus nombreux que celui des civils ; aujourd'hui la pacification est terminée, nous rentrons dans une période normale, imposant une conception nouvelle dans l'organisation et l'administration des hôpitaux ; comme en France dans les nouvelles formations, les hôpitaux sont administrés par des civils avec des annexes affectées au traitement des militaires.
C'est la formule adoptée à Fez, comme à Agadir, Casablanca, Port-Lyautey. Pour l'instant à Fez, l’annexe militaire et est plus conséquente que la partie principale en raison des effectifs militaires particulièrement importants dans notre région ; par la suite les rôles se renverseront probablement avec le peuplement de votre pays.

Ce nouveau-né - votre hôpital civil - n'est évidemment pas complet ; il y manque bien des choses ; c'est ainsi que vos contagieux sont hospitalisés dans les bâtiments militaires en attendant la construction d'un pavillon spécial pour les contagieux civils.

Il faut également prévoir quelque chose pour les tuberculeux ; nous n’en sommes plus aux méthodes d'autrefois où ces malades attendaient leur guérison dans un sanatorium c'est-à-dire à la campagne; aujourd'hui le traitement des tuberculeux relève de différents services de médecine, chirurgie, bactériologie, radiothérapie, etc … la cure d’air n'apparaît que comme un complément de traitement médical et c'est pour cela qu'il faudra pour ses malades envisager un sanatorium ou une maison de convalescence en montagne.

Si votre service de radiographie est pourvu des appareils les plus perfectionnés dont le coût n'est pas inférieur à cent quarante mille francs. Il sera particulièrement utile d'y adjoindre un service de Radiumthérapie et d’Électrothérapie. Nous espérons pouvoir réaliser ce programme l’année prochaine.

Une maternité est prévue dans votre nouvel hôpital, elle doit être isolée tout en étant rapprochée du pavillon de la chirurgie, son emplacement envisagé se trouve dans la partie nord-est de l'hôpital.
Nous prévoyons une maternité de dix-neuf lits : une chambre commune de six lits, quatre chambres particulières à un lit, trois chambres à deux lits et trois chambres isolées pour malades infectées. Ce chiffre de dix-neuf lits nous paraît suffisant pour l’instant, si nous nous en référons aux statistiques de l'ancienne maternité Andrée Saint où le maximum des lits occupés fut de dix-sept avec trente cinq accouchements par mois.
Il importe que les parturientes ne se sentent pas abandonnées et qu’elles voient auprès d'elles la présence constante de la sage-femme attachée à la maternité, ce qui nous obligera à envisager la construction de quelques dépendances indispensables.
C'est M. Bousquet, auteur des plans de l'hôpital qui sera chargé en collaboration avec M. Debroise d’en établir les plans ; la municipalité tient en réserve une somme de quatre cents mille francs environ pour cette réalisation très prochaine.
L’extension de la Maternité sera envisagée dans les plans de cette formation.

La gestion de votre hôpital sera autonome ; il assurera en toute indépendance sa propre gestion avec une commission consultative - véritable conseil d’administration - chargée d'établir le budget, de passer les marchés, de donner ses avis sur son fonctionnement en vue de donner satisfaction à tous les besoins de la population. À cet effet, la commission consultative comprendra, outre le chef de la de Région, président, et du chef des Services Municipaux, vice président, un ou plusieurs représentants de la Chambre de Commerce, de la Chambre d’Agriculture, du troisième Collège, de la Commission municipale, du groupement des familles nombreuses, des membres techniques comme l'ingénieur municipal, le receveur municipal, le médecin chef du Service de Santé régional, le major de la garnison et un médecin étranger à l'hôpital.
Des délégués de la commission pourront être chargés d'une mission de vérification et de contrôle dans tous les services qui leur seront grands ouverts.

Et M. Gaud insiste :  «  C'est votre hôpital, il a été fait pour vous, vous êtes chez vous ».

Évidemment l’administration centrale - la direction de la Santé et de l'Hygiène publique ainsi que la direction des Finances - se réserve un droit de regard et de contrôle sur votre budget. Nous interviendrons également, pour vous faire attribuer la subvention nécessaire à votre bon fonctionnement. Cette subvention est de sept cent vingt mille francs par an.
Si en fin d’année, votre budget s'équilibre par des excédents, vous pourrez prévoir un petit budget additionnel destiné aux agrandissements, aux améliorations, aux embellissements à apporter à votre hôpital.
Cette formule de gestion autonome est appliquée dans la plupart des hôpitaux de France et au Maroc dans les hôpitaux de Casablanca, l’hôpital européen et l'hôpital indigène - avec une commission consultative musulmane - ceux de Port-Lyautey, Agadir et Berrechid.

- La population, insinuons-nous, trouve un peu excessifs les nouveaux tarifs de l’hôpital.
- Les hôpitaux, nous répond, le directeur de la Santé et de l'Hygiène publiques sont en général dans la métropole et dans les grandes villes, réservés à la clientèle peu fortunée ; ceux qui ont les moyens se font soigner à domicile ou dans les cliniques. Si nous examinons les tarifs de votre hôpital nous trouvons le tarif de 27 Fr. par jour pour les malades traités au compte de la Municipalité et de l’État, ce tarif est au-dessous du prix de revient de la journée d'hôpital ; celui de 30 à 36 Fr. pour les petits payants et de 54 Fr. pour les malades traités en chambre particulière, plus les honoraires du corps médical fixés à 10 Fr. par jour.
Ces tarifs, croyez-moi, sont bien inférieurs en ce qui concerne la classe plus élevée à ceux pratiqués dans les cliniques.
Je crois pouvoir en outre de vous assurer que ses tarifs vont être réduits de 10 % pour nous conformer à l'esprit des décrets-lois.

Les malades sont évidemment sous la surveillance et la responsabilité du personnel médical de l’hôpital, ce qui n'empêche pas le médecin habituel de l'hospitalisé de venir voir son client et de s'entendre le cas échéant avec son confrère pour la direction d'un traitement.

Tel qu'il est conçu, je crois, termine M. Gaud, que le nouvel hôpital civil de Fez, doté des derniers perfectionnements, avec un personnel d’élite doit donner toute satisfaction à la population.
C'est « votre hôpital », il vous appartient, vous pourrez suivant les besoins et les circonstances y apporter les aménagements et les améliorations nécessaires, par la suite … Comptez sur toute la bienveillance de la direction du Service de Santé pour vous conseiller, diriger vos débuts et vous aider au besoin »


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Pièces jointes: H. militaire Auvert.jpg (359.8KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 17 mai 2015 16:04:12

LE DISPENSAIRE ISRAÉLITE ET LE DR DERNONCOUR

Pour Micheline, quelques informations trouvées dans un petit article rédigé en 1937 par le Dr Dernoncour, médecin-chef du Dispensaire municipal israélite et européen, et de la Goutte de Lait.

" Le Dispensaire israélite de Fès est une formation chirurgicale créée en 1916 pendant la guerre mondiale et installée en 1917 dans une coquette construction neuve à proximité du mellah dont elle est séparée par une grande place. De l'autre côté, s'étendent de vastes jardins, de sorte que près d'un quartier surpeuplé le Dispensaire placé dans un lieu surélevé jouit d'une situation à la fois agréable et hygiénique.


Il accueille chaque matin 250 à 300 consultants, la plupart israélites qui y reçoivent pansements et médicaments et piqûres diverses.

C'est un Dispensaire de médecine générale où cependant sont soignées toutes les affections qui n'exigent pas impérieusement l'intervention d'un spécialiste.

En plus de la consultation, le médecin du Dispensaire assure la visite médicale à domicile des malades israélites indigents et c'est probablement la seule ville du Maroc où existe ce service, en tout cas depuis 1917.

Il y a quelques années, ce dispensaire s'est accru d'un service de consultations gratuites pour les européens qui fonctionne l'après-midi avec distribution de médicaments;ainsi se trouve complétée à Fès l'assistance médicale gratuite."

En 1937, le docteur Fernand Dernoncour est médecin-chef du dispensaire depuis 1920 sans interruption.

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Dr Dernoncour, diplômé de la faculté de médecine de Lille en 1906 et ancien interne des hôpitaux de Lille

Pièces jointes: IMG_3517.jpg (92KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 17 mai 2015 16:26:34

LA GOUTTE DE LAIT DE FÈS

" la Goutte de Lait de FÈS a été fondée en 1920 par Madame la Maréchale Lyautey, secondée par Mesdames Watin et Dernoncour et un comité local. Depuis 1924 elle est installée dans un superbe local, villa avec jardin bâti grâce aux dons du pari mutuel.


Elle utilise chaque jour 60 à 80 l de lait frais pour préparer plus de 600 biberons.

Plus de 100 enfants sont chaque jour nourris par cette oeuvre :
10 % sont des Européens,
15 % des indigènes israélites,
75 % des indigènes musulmans.

De trente à quarante enfants fréquentent chacune des deux consultations hebdomadaires. Une troisième consultation de nourrissons, destinée plus spécialement aux Européens fonctionne parallèlement à l'oeuvre avec pesées délivrance de certificats d'allaitement maternel.

60 % des enfants nourris à la Goutte de lait reçoivent lait, soins, médicaments et vêtements gratuitement, la plupart des autres paient la somme minime de 5 à 10 Fr. par mois.

Dr Dernoncour 1937

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A la porte d'entrée de la Goutte de Lait

Pièces jointes: Goutte de Lait.jpg (262.1KB)  
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Re: La médecine à Fès pendant le protectorat
Envoyé par: aubert (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 17 mai 2015 17:43:16

Merci Georges
Cela me fait un grand plaisir de lire ces articles sur le Dr Dernoncourt qui était un grand ami de mes parents !!!! qui avaient revu leur, fils Yvon ,Ophtalmo aux quinze-vingt à Paris il y a une quarantaine d'Années !!!!
Bises
Micheline

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HOPITAL COCARD
Envoyé par: Belghit (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 22 avril 2017 19:19:33

Bonjour Monsieur Georges-Michel,

Je vous contacte pour vous demander si vous avez des documents sur le personnel marocain qui travaillait avec Dr. Cristiani à l'hôpital Cocard de Fès, notamment un Monsieur qui s'appelait Abbès El Marrakchi (ou Rahmani), ancien Mokaddem de l'armée Chérifienne qui a rejoint Dr. Cristiani après sa retraite de militaire.

Merci d'avance,

Cordialement

Pr. BELGHIT
La Rochelle
E-mail : abelghit555@gmail.com

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