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Fès et sa région :  Forum ADAFES
Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 12 septembre 2009 21:48:29

Dans nos forums nous n'avons jamais abordé la fondation/construction de la ville nouvelle. C'est vrai que c'est un sujet qui aurait pu faire l'objet d'un dossier, avec photos; mais on peut commencer à échanger sur ce thème...en attendant de retrouver la clé de l'armoire à dossiers et nos discussions pourront constituer un dossier


Aménager les villes de manière rationnelle a été, de tout temps, une des préoccupations importantes des administrateurs et des urbanistes.

Le Maroc, protectorat français depuis 1912, a offert aux urbanistes un champ d'activité plus vaste et plus complexe que celui rencontré dans leur activité ordinaire. Ce n'était pas un pays désert et la vie urbaine était développée même si c'était dans des villes enfermées dans des remparts.
Le problème de l'aménagement et de l'extension de ces villes s'est posé dès le début et sur des bases différentes, me semble-t-il, de celles habituellement rencontrées.

Lyautey s'est saisi assez rapidement du problème et s'est attaché de 1913 à 1923 environ les services d'Henri Prost qui pilota l'urbanisation du Maroc.

A Fès il existait la médina, la vieille ville fondée en principe en 808 par Moulay Idriss II, Fès Djedid créée en1276 et le Mellah datant dans son emplacement actuel de 1439 (1er mellah du Maroc)

Jusqu'en 1912, le nombre d'européens résidant à Fès était très faible, ils habitaient en médina et il n'existait aucune ville européenne.

Les autorités du Protectorat ont décidé de séparer très nettement la ville « indigène » ancienne, de la ville nouvelle européenne à construire. Trois arguments principaux étaient avancés:
- politique: éviter les éventuels conflits d'intérêt qui pourraient survenir en mélangeant des populations d'origine très différente ( les auvergnats n'étaient pas encore cités mais.....!). Permettre aussi aux marocains de conserver leurs habitudes traditionnelles.
- hygiénique et sanitaire: construire à distance la ville nouvelle permettrait d'imposer aux nouveaux habitants des servitudes de construction qui réserveraient des espaces libres destinés à des places, jardins publics et plantations..... D'autre part, une préoccupation moins écologique était avancée: éviter le contact direct entre la population européenne avec la population autochtone considérée comme un réservoir potentiel de parasites vecteurs d'épidémie.
- esthétique: conserver l'aspect traditionnel, la ceinture de remparts, les rues tortueuses et pittoresques.

Les terrains autour de la ville ancienne de Fès étant majoritairement des biens de l'état (biens maghzen) ou des biens habous (appartenant à des fondations pieuses), les transactions s'en trouvèrent facilitées et les prix négociables par la municipalité.

Le 23 novembre 1915, Lyautey traçait sur les terrains nus, le plan général de la ville de Fès découpée en deux quartiers, sur le grand axe de la future avenue de France, dont le haut devait recevoir la gare ferroviaire ( cet emplacement devait ensuite être destiné aux Services Municipaux, puis au bâtiment du commandement militaire, finalement rien n'a été construit).

C'est le 1er septembre 1916 que Mr Hourdillé, ingénieur des Ponts et Chaussés sous la direction de Mr Malégarie, donnait possession aux premiers pionniers-bâtisseurs de la ville européenne de Fès des terrains récemment acquis lors de la séance de la commission d'attribution du 26 août. Cette commission était présidée par le colonel Doudoux, délegué du général Cherrier commandant la régionde Fès, assisté du commandant Sicard, chef des Services Municipaux.

Les terrains proposés le furent à des prix réduits mais avec obligation de bâtir.

Il existait bien auparavant deux ou trois établissements- dont les transports Mazères, chargés du ravitaillement de l'armée- et quelques baraques installées, à titre provisoire et précaire, sur la piste conduisant du Mellah à Dar Debibagh, où se tenait le fameux souk, centre de l'activité résultant de la proximité des camps, mais c'est du 1er septembre 1916 que date officiellement et effectivement le début de la fondation de la ville européenne.

Deux secteurs étaient prévus: le secteur Industriel et le secteur Habitation et Petit Commerce.

Le secteur Industriel-au sud de la (future) avenue Maurial- comportait quinze lots mis en location-vente sur la base de 0,25 Fr le mètre carré et par an.

Le secteur Habitation comprenait vingt cinq lots et englobait le grand rectangle délimité actuellement par le boulevard Poeymirau, l'avenue Maurial, les rues de la Martinière et Tissot. Ces lots étaient vendus ferme à raison de 2,50 Fr le mètre carré.

Voici les noms de quelques uns des acquéreurs des lots du secteur Industriel: la Société Marocaine Métallurgique, MM Pichelin, Valat, Gherardi,Trapani, Cuttoli, Mazères, Delmar, Bals, la Compagnie Marocaine.

Parmi les acquéreurs des lots du secteur Habitation on relève les noms de Mme Jeanne Perez et MM Chevaleyre, Lucas, Acquadro, Ropers, Winum, Fava, Delrieu, Vigier, Garcia Louis, Thevenet, Dumas, Politi.

Certains noms de ces précurseurs nous sont encore connus. On remarque que malgré des conditions de cession extrêmement libérales seuls onze lots sur les quinze du secteur Industriel et quatorze sur vingt cinq du secteur Habitation ont trouvé preneurs.

C'est avec une certaine hésitation qu'il a été répondu à cette première adjudication, ce qui n'était finalement pas très surprenant car quatre ans après la signature du protectorat dans les conditions délicates que l'on connaît il fallait un certain courage pour venir s'installer, presque en pleine campagne car la ville nouvelle future était à 5-6 km du Mellah, de Fès Djedid et de la Médina.

En dehors des camps de Dar Debibagh et de Dar Mahrès, la seule construction notable était la baraque, de la Gare Militaire -voie de 0.60- en haut de la piste venant du Mellah.

Au sud, les jardins de Dar Debibagh autour de la casbah, surmonté des pylônes de la TSF et les quelques baraques du Génie formaient la limite de la ville.

De l'autre côté, vers le nord, c'était un vaste espace vide qui s'étendait jusqu'aux murs crénelés de l'Aguedal et aux remparts du Mellah, qui semblaient empêcher la liaison avec la future ville nouvelle. ( c'est en 1914 que le génie construisit un petit pont sur l'oued Zitoun, dérivation de l'oued Fès qui suit les remparts au sud du Mellah, puis le génie fit une première ouverture dans le mur des remparts permettant de laisser passer une voiture)

Le soir rendait ce « bled » encore plus incertain et les pionniers de la ville nouvelle se barricadaient soigneusement chez eux, réveillés souvent par des bruits inquiétants, les glapissements des chacals et les coups de feu tirés par des militaires en goguette qui rentraient du fameux souk.

Certains parmi les européens de Fès qui habitaient en majorité dans l'ancienne ville, se demandaient si ce n'était pas une erreur de l'administration et de Lyautey plus particulièrement d'avoir voulu installer la nouvelle ville à cet endroit et ils trouvaient leurs concitoyens bien téméraires d'aller s'installer dans cette zone peu accueillante.
A première vue il semblait plus logique et plus rationnel de commencer à construire la ville nouvelle à partir du Mellah, où se trouvaient tous les commerces et services que de démarrer par la périphérie.

Pour inciter nos compatriotes à s'installer hors les murs, et au sud de la ville l'administration avait désigné l'emplacement de la Gare Militaire comme devant être la future gare du Tanger-Fès .Cette promesse était destinée à amener les plus audacieux à investir dans ce qui serait le futur centre de la ville. Ils auraient ainsi une longueur d'avance sur leurs concitoyens plus frileux!

L'administration était je pense de bonne foi lorsqu'elle prit cet engagement, mais les ingénieurs chargés de la construction du réseau ferré déclarèrent que pour des raisons techniques il n'était pas possible d'installer la future gare à l'emplacement de la Gare Militaire. Ce changement inattendu a bouleversé les projets initiaux de développement de la ville.

Cette décision a probablement eu pour effet de ralentir le développement de la ville de Fès qui était par ailleurs difficile d'accès (par rapport aux villes côtières et même de Meknès- 60km de plus ou de moins ça comptait en 1920), considérée comme une zone insuffisamment sécurisée et encore insalubre sur le plan sanitaire.

En 1917, il n'y avait sur ces terrains vagues qu'un immeuble, un hôtel et un café-concert. L'hôtel Terminus, près de la gare de la voie de 0,60 ne date que de 1919

La Résidence investissait davantage sur Casablanca ou sur Rabat devenue la nouvelle capitale administrative. C'est ainsi que Fès se développa péniblement jusqu'en 1925 environ.

1925, c'est la guerre du Rif: Fès se trouva sous les projecteurs de l'actualité. La présence des régiments attira à Fès beaucoup de gens qui suivaient les troupes; les évènements du Rif amenèrent à Fès des journalistes, des écrivains qui parlèrent de la ville et attirèrent sur elle l'attention du monde des affaires. Les grandes possibilités agricoles de la région sont vantées dans les journaux français et étrangers. La guerre terminée ,les capitaux affluent et la construction redémarre à un rythme impressionnant jusqu'en 1939, même si l'on note un léger fléchissement lors de la crise de 29.

C'est l'époque où la ville se développe et s'étend progressivement vers le quartier de la nouvelle gare du Tanger-Fès. Dans le centre «historique» de la ville nouvelle les constructions évoluent, des étages sont rajoutés aux bâtiments qui pour beaucoup étaient de plein pied, le côté droit du Boulevard Poeymirau (en allant vers l'avenue de France) se développe. Autour ce sont les immeubles du Boulevard du 4ème Tirailleurs et de l'Avenue de France qui sortent de terre. Les administrations trouvent leur emplacement définitif, les boulevards aux chaussées imposantes sont ouverts, plus de 300 000 arbres sont plantés (ou parfois déplantés: les mûriers initialement plantés avenue de France sont progressivement arrachés pour être remplacés par des platanes), plus de 100 km de canalisations assurent l'alimentation en eau potable. Des écoles, puis le lycée sont construits ainsi que le stade, la piscine, l'hippodrome et peu à peu la ville nouvelle de Fès prend l'aspect que nous connaissons tous

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: tamerl (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 13 septembre 2009 18:11:15

Georges, il n'y a rien à rajouter, merci pour ces evocations d'histoire, c'est formidable, en resumé à part l'école en planches de Dar Debibagh et de la médinaen 1916 , les écoles de la ville modrne sont toutes mises en service après 1925
As tu connaissance de l'ouverture de celle de l'avenue de France, j'ai trouvé l'an dernier le premier registre en 1936 mais rien ne it que c'est le premier
As tu des precisions aussi sur le camp d'aviation de Dar Marhès escadrilles, avions affectés, commandement, etc..depuis son ouverture 1916 jusqu'à sa fermeture...

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: zonzon (Adresse IP journalisée)
Date: dim. 13 septembre 2009 20:53:37

j aimerais savoir quand l aviation a cessé son activité, mon pére était adjudant chef jusqu en 1954 l année de sa retraite, ns y allions le jeudi ou une madame Adam nous faisait faire des activités nous assistions a l arbre de Noel aussi, émerveillees quand le Pere Noel descendait du ciel!! amitiés Josette

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: claudia (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 16 septembre 2009 19:44:17

Bonsoir Josette,

Si nos souvenirs sont exacts, la BA de Fès a été dissoute en 1961. Des amis étaient passés à la maison à Rabat pour nous dire au revoir avant de prendre la route pour la France.
Effectivement, le Père Noël descendait du ciel en hélicoptère ou en avion (Le JU 52 appelé familièrement la Tata Julie) mais avec une formidable mise en scène !

Amitiés, Claude

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: tamerl (Adresse IP journalisée)
Date: mer. 16 septembre 2009 20:56:58

Je n'ai pas trouvé les escadrilles et appareils ayant ete affectés à la BA 724 ''Capitaine Petit-Jean''base école de Fez qui a bien été dissoute le 31/03/1961 Il y a des photos sur un site de la ville de Fez de la base et des Junkers 52 Toucan récupération allemande de la guerre dite ''Julie'', des Morane 500 Criquet fabrication française de l'avion allemand Fieseler Storch et qui etait affecté a la diffusion des tracts de publicité ou d'information de la résidence Les North American T6 au bruit du moteur Wright tres caracteristique etaient les avions école de l'armée de l'air française après guerre et devaient etre basés à Mecknes
et s'entrainaient à Fez L'insigne ronde de la BA 724 est une cigogne en vol au dessus de l'etoile chérifienne verte sur fond rouge voila pour ma petite contribution a 5 ans c'etait le debut de ma vocation aeronautique

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: claudia (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 17 septembre 2009 19:03:41

Bonsoir à toutes et à tous,

Pour l'insigne la cigogne en vol au dessus de l'étoile chérifienne verte sur fond rouge était entourée d'une roue dentée bleue portant l'inscription BET 724 FES (insigne possédait par mon Papa) surla BA 724 il y avait au départ :
- l'Ecole des Mécaniciens-Electriciens, avions au sol pour l'instruction : LEO 45 avec le MORANE 45 avions français, MARAUDER B 26, THUNDERBOLT P 47, SPITFIRE, HURRICANE, WELLINGTON (en plus des avions cités par notre ami Gilles)
- l'Ecole Radios-Navigants avec les JU 52. (avec les Transmissions)
A son arrivée à Fès (1946) Papa a fait l'Ecole des Mécaniciens-Electriciens puis a terminé à la STB 86/724 (section transmissions Base) [ayant fait entre l'Ecole et la STB de Fès, la STB de Casa].
Voilà pour la BA 724 de FES (A Meknès, la Patrouille de France y a été créée avec des Spitfire).
Amitiés,
Claude

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 19 janvier 2010 14:01:43

Dans mes infos sur la fondation de la ville nouvelle j'ai parlé de la piste qui reliait le mellah et Dar Debibagh; voici une carte postale de cette"allée" qui reliait la ville nouvelle et le mellah.

Je pense que l'on est à l'amorce de la route de Taza, le MacDo doit être sur la droite.

Avant l'arrivée des français on entrait au mellah par Bab Lamer (côté sud) à laquelle on accédait par un sentier tortueux et par Bab Jiaf côté nord.

L'installation des français à Dar Debibagh et à Dar Mahrès provoqua une circulation "intensive" entre le mellah et les quartiers français. Vers 1914 le génie construisit, au sud du mellah, un petit pont sur l'oued Zitoun, dérivation de l'oued Fès et fit une première percée dans le mur qui permettait le passage d'une voiture. La route de la carte postale menait à cette nouvelle ouverture dans le rempart sud du mellah

Je reviendrai plus tard sur la porte de Bab Lamer

Pièces jointes: 002-a Allée Dar Debibagh-Mellah 1.jpg (297.2KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: BISBIS (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 19 janvier 2010 17:32:06

Salut Georges ,
pour moi Ce nom de "Bab Jiaf" a une résonnance particulière!C'est là que je suis né en 44, et dans cette grande maison à 2 étages et 4 Appart,où habitait la famille, (la mère,le frère et la soeur,et nous)
Mon père y avait ses bureaux au r-de-Chaussée, et le départ des cars se faisait de cette place depuis 1928! Date à laquelle,mon père,(alors agé de 16 Ans) conduisait lui-même son 1er autocar sur la ligne Fès/Ksar-es-souk...1jour Aller et 1Jour/Retour sur des pistes bosselées (pas de Routes à l'époque...).
Ce n'est qu'en 48 Que nous avons acheté la villa à la Rue Guynemer et le garage au 29 de l'Ave Maurial ! Mais rares était les voyages sans casse des fusées, ou essieux, ou lames de ressorts...A ce moment là il n'y avait pas beaucoup de solution si ce n'était de se dépanner sur place...Je continuerais plus tard , Bises DANY

Pièces jointes: Bab Jiaf.jpg (81.3KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 28 janvier 2010 17:25:58

Bonjour Dany, je te laisse nous parler de Bab Jiaf parfois appelée aussi Bab Sidi bou Nafa du nom du fortin saadien qui en défendait l'entrée et je reviens sur cette entrée sud( sud-ouest même pour être plus précis).

La première porte existante était Bab Lamer(ou parfois el Lamer): elle date du 14ème s., construite par un sultan mérinide.

La porte de Bab Lamer servit d'abord d'entrée à la casbah des archers syriens qui protégeait le Dar el Maghzen;cette casbah était édifiée sur un emplacement appelé Malah (je ne sais pas si cela a un lien avec le nom de mellah-dont il y a plusieurs interprétations de l'origine-)
Puis elle constitua l'entrée de la Casbah des Djabalas, guich qui disparut lors du protectorat.

Au moment de l'arrivée des français à Fès, elle était murée depuis de longues années, à la suite d'une épidémie de typhus ou de peste et par mesure sanitaire car on explique en effet que les cadavres des gens et des bêtes étaient jetés dans le ravin extérieur et que c'est pour épargner au quartier l'odeur nauséabonde du ravin que l'on mura la porte.
Mais la superstition s'était établie avec le temps que la porte était murée pour que la peste n'entre point.

Son nom lui même n'est pas arabe et reste une énigme. On dit que de vieux juifs français l'expliquent par la déformation du français « la mort » (peut-être un lien avec sa fonction d'empêcher la mort de rentrer?)

Au début des années 30 le service des monuments historiques réalisa un travail de restauration des zelliges qui décorent le cintre et constituent une relique l'époque de l'édification.

En PJ La porte avant ouverture

Pièces jointes: 035 Bab el Amer 1.jpg (332.2KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 28 janvier 2010 19:12:10

Personne apparemment n'était très pressé de ré-ouvrir cette porte "protectrice" et lors de leur arrivée à Fès en 1911 les troupes françaises ouvrirent une autre porte, de faible largeur dans les remparts entre Bab Lamer et le bastion de la Casbah des Djabalas. (Cette porte servit d'ailleurs aux habitants du mellah assiégés par les émeutiers en avril 1912 à se réfugier dans les jardins du palais du sultan.

Cette porte permettait le passage à pied, à cheval et en charrette

Pièces jointes: 046-b Nouvelle porte 1.jpg (313.1KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 28 janvier 2010 21:29:22

Vers 1915 le Génie fit une première percée dans le mur qui permettait le passage d'une voiture. Les juifs nommèrent cette porte bab Mehalla, probablement par ce qu'elle avait été faite par la méhalla (l'armée) française ou parce qu'elle conduisait aux camps militaires.
Sur les cartes postales de l'époque on trouve d'ailleurs plusieurs appellations: nouvelle porte de Dar Debibagh, porte du borj el Ma

Lorsqu'en 1916 la municipalité met en vente les premiers terrains de la ville nouvelle, le mouvement de circulation entre Dar Debibagh et le mellah augmente et on songea à élargir la trouée et à faire un pont plus large, mais les crédits manquaient.

Ce n'est qu'en 1924 que la municipalité construisit le pont et élargit la percée. Sur l'initiative du général de Chambrun, le service des beau-arts étudia un projet de porte qui fut agrée et les crédits accordés.

Pour réaliser ce projet, le mur du rempart fut coupé, des fondations furent faites de chaque côté du pont en vue de la construction de la porte monumentale qui aurait embelli cette sortie du mellah, mais les travaux en restèrent là et le rempart semble donc mutilé.Cette porte devaient avoir 2 arceaux qui auraient permis de réguler la circulation en créant deux voies de circulation. Apparemment les crédits se sont évaporés et la porte n'a jamais été faite.

On peut voir sur la photo en PJ le rempart ouvert,permettant la sortie du mellah, au niveau du dispensaire israélite (à gauche, à la place de l'ancien casernement des Djabalas).
On peut voir sur la droite que Bab Lamer est encore murée

Pièces jointes: 023 Vue aérienne 2.jpg (377.8KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 28 janvier 2010 21:32:58

Bab Lamer fut ouverte dans la fin des années 1920 avant d'être restaurée

Pièces jointes: 037 Bab el Amer 1.jpg (313.8KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: carole (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 28 janvier 2010 21:40:14

Merci Georges pour cette porte ouverte sur l'évolution de notre ville au fil des ans.

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: BISBIS (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 4 février 2010 17:35:40

Salut Georges ,
Il est manifeste que la Vue Aérienne représente ce que nous avons connu sous le nom de " place du Commerce" !! On reconnait à droite le bâtiment qui devint le Cinéma "Appolo" et l'école de l'alliance en face !! On reconnait aussi l'amorce de la Rue de "Bourssisat"(phonétiquement parlant!!) qui longeait les remparts et aboutissait à la porte de "Fès J'did" . On passait par là pour aller à l'école technique de "Bab DeKaken"...!!
Continue car tu nous intéresses par tes précisions extra !! DANY

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 4 février 2010 23:14:47

Pour finir d'ouvrir complètement la porte sur l'évolution de la ville dans ce quartier voici 2 cartes.

Sur la 1ère,sur la droite de la photo on voit la sortie de la "nouvelle porte" du mellah. C'est à cet endroit qu'une brèche sera faite dans le rempart pour ouvrir en grand la place du commerce sur la ville vers 1924.
Plus à droite à une centaine de mètres, et non visible se trouve Bab Lamer

A gauche et au pied du bastion on distingue un arrondi amorce d'une ouverture qui sera la porte Sloukya (photo du bas).

En quelques années cette partie du mellah qui était enfermée, jusqu'en 1911, dans les remparts aura 3 ouvertures: la porte Sloukya, la nouvelle porte élargie et Bab Lamer ré-ouverte

Pièces jointes: bab Sloukya 1 ab.jpg (111.4KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 4 février 2010 23:32:11

Dany, la porte que tu empruntais pour aller à Bab Dekkaken était Bab Smarine qui permettait le passage entre le Mellah et la grande rue de Fès Djedid.

Cette porte aussi a évolué au fil du temps. Au départ il n'y avait qu'une porte, avec une ogive décorée, à gauche d'une tour. C'était comme pratiquement toutes les portes dans les remparts de la médina une porte en baïonnette qui facilitait la défense de l'accès.La circulation ne posait guère de problèmes tant que l'on circulait à pied ou à cheval.

Sur la photo, les rayons du soleil permettent d'imaginer l'ouverture sur la droite et l'on voit que le fond est fermé.

Pièces jointes: 043 Bab Smarrine 1.jpg (269.2KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 4 février 2010 23:36:44

Cette porte était entourée de boutiques et constituait un carrefour très usité. sur la droite on distingue l'amorce de la tour centrale

Pièces jointes: 040 Bab Semmarine 1.jpg (271.7KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 4 février 2010 23:47:31

L'ouverture des portes au delà de la place du commerce et la création de la ville nouvelle ont rendu nécessaire l'ouverture d'une deuxième porte pour canaliser la circulation.

Pour cela le mur du fond fut ouvert et permit un accès direct à Fès Djedid. Dans le même temps on pratiqua dans le bastion une ouverture qui débouchait sur l'ancienne sortie en baïonnette et créait un double sens de circulation.

Des boutiques plus "cossues" s'installèrent dans les encoignures. Entre les 2 portes il y eu un horloger, puis une boulangerie qui persista jusqu'en 1939 environ quand de nouveaux travaux furent effectués.

Sur la photo on voit l'ancienne ouverture en ogive et décorée et la nouvelle ouverture dans la tour



1 modifications. Plus récente: 05/02/10 09:03 par georges-michel.

Pièces jointes: 041 Bab Semmarine 1.jpg (290.7KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 5 février 2010 00:04:45

Enfin vers 1939, on modifia encore l'aspect de la porte. La circulation sous la porte était croissante (marché du quartier, augmentation des liaisons entre Fès Djedid et la VN, développement du mellah,trafic vers Bab Jiaf).
L'ouverture pratiquée dans le bastion central est bouchée et l'on ouvre une deuxième porte plus large symétrique de la porte d'origine par rapport à la tour. Il y a maintenant deux larges portes conformes aux nécessités du trafic local.
Les magasins "accrochés" aux ouvertures sont détruits, des trottoirs sont construits pour faciliter le déplacement des piétons et les mettre à l'abri des autobus qui circulaient dans le quartier .
Cette ouverture de la porte s'accompagne de la destruction de masures et permet un élargissement de la rue se prolongeant vers Bab Jiaf

Je n'ai pas retrouvé de photos de cette nouvelle double porte mais elle était peu différente de celle qui existe actuellement (et le webmalem sera content car je ne lui mangerai pas trop d'espace)...mais je reviendrai plus tard avec des photos de Bab Jiaf porte qui elle aussi a été doublée au fil des temps.

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: BISBIS (Adresse IP journalisée)
Date: lun. 8 février 2010 04:23:06

Salut Georges ,
Oui tu as raison je me suis trompé sur le nom des portes !! Heureusement que tu es là pour nous remettre la mémoire en place !! DANY

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Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: yokom95 (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 4 mars 2010 16:22:52

Salut tout le monde,
j'habite actuellement dans la caserne de la Gendarmerie Royale et qui est datée des années 30, je cherche des informations sur cette caserne ou quelques photos si c'est possible!!!
Merci d'avance!
Amicalement!
Ucef.



1 modifications. Plus récente: 17/03/10 16:24 par yokom95.

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 18 mars 2010 15:37:57

En relisant un livre sur le Maroc j'ai relevé quelques informations sur la VN vers 1920

Henri AMIC dans son livre « Le Maroc, hier et aujourd'hui, deux voyages 1920-1924 » écrit en 1925, nous donne un petit aperçu de ce qu'était la ville nouvelle à cette époque.

Il est arrivé en provenance de Meknès, par le train ou plutôt par la « draisine ». La draisine est un mini chemin de fer à voie étroite ( je reviendrai un jour sur l'histoire du chemin de fer au Maroc) qui ne comporte que deux « compartiments » de voyageurs. La draisine entre Meknès et Fès est assez sommaire: deux wagonnets, l'un de six places, sur deux travées à dossiers, trois places en avant, trois places en arrière pour les voyageurs et le wattman. Le second wagonnet est en principe destiné aux valises et aux sacs, mais si le nombre des voyageurs est supérieur à cinq, des planches sont parfois mises au-dessus des valises et on y installe tant bien que mal un ou deux voyageurs supplémentaires. Aucune des voitures n'est couverte....on ne prévoit pas la pluie ! mais il y a parfois des rideaux latéraux. On peut ainsi profiter au maximum de la nature d'autant que la vitesse permet d'apprécier les paysages et le pittoresque de la route , il faut plus de 4h pour aller de Fès à Meknès.

Amic précise que de temps en temps on aperçoit les travaux entrepris pour la construction de la nouvelle voie ferrée – la future voie du Tanger-Fès en voie normale- ( Le rail en voie de 60 était arrivé à Fès en février 1915 ).

L'auteur qualifie de « désagréable surprise » l'arrivée en gare de Fès car «la gare de Fès est située à 2 kilomètres de Fez el Bali, sur une petite hauteur et il n'y à la aucune voiture. Une nuée de gamins se dispute, se bat pour prendre nos bagages. Tous affirment que les moyens de transport se trouvent au bas d'une pente assez rapide »
S'agit-il de la future avenue Maurial (av. de la Gare) vers la place Clémenceau (pl. de l'industrie) ou de la future rue Léon l'Africain ?

Amic rajoute « cette déplorable organisation me met de mauvaise humeur » et il doit attendre une demi-heure avant de rencontrer et de décider un cocher à le conduire à la médina « jusqu'à la limite que l'étroitesse des rues défend aux voitures de dépasser » Le cocher a du le laisser à Bab Boujeloud car il logeait au Grand Hôtel qui était en 1920 situé dans le Talaa.

Il est assez surprenant que l'on puisse être irrité d'attendre un fiacre une demi-heure à une époque où beaucoup de déplacement se faisait à cheval, où les trains avaient des horaires approximatifs tant au départ qu'à l'arrivée !

Toujours est-il que sa première impression est mauvaise, que l'arrivée en ville nouvelle lui a déplu et que les maisons sont laides et sans caractère..... ce qui était en partie exact quand on revoit les photos de cette époque. Il évoque même la « déplaisante cité nouvelle en construction dans le voisinage de la gare »

Sa dernière appréciation sur la vile nouvelle avant de partir pour Taza: « la future cité ne sera ni curieuse, ni jolie. L'architecture des maisons n'a pas plus de caractère que de style. Tout ici est d'une laideur banale vraiment désespérante ».

A l'occasion du 2ème voyage en 1924, Amic ne parle pas de la ville nouvelle. Il séjourne à l'Hôtel Transatlantique à Ed Douh, « construit sur l'emplacement de plusieurs jolies maisons mauresques, juste en face de la poste, à quelques centaines de mètres des Services Municipaux et de la demeure du général de Chambrun, commandant actuel de la région...... Disons une fois encore combien la Compagnie Transatlantique a heureusement modifié les conditions du voyage au Maroc. Logement, nourriture, rien maintenant ne laisse à désirer.»
Et en plus on peut arriver en voiture jusqu'à la porte de l'hôtel !

En PJ la gare de la voie de 0,60 vers 1920

Pièces jointes: 177 Gare voie 0,60 abc.jpg (270.7KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: jeu. 18 mars 2010 15:40:25

C'est vrai que l'architecture de la VN n'avait pas de quoi séduire, mais nous savons que ça c'est amélioré

Pièces jointes: 004 La ville nouvelle abc.jpg (248.3KB)  
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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: sam. 5 juin 2010 10:13:01

Bonjour,
lors de mon séjour à Fès, Catherine du collège La Fontaine m'a signalé la mise en ligne sur internet de la thèse de Charlotte Jelidi: "La fabrication d'une ville nouvelle sous le Protectorat français au Maroc (1912-1956) : Fès-nouvelle"

Voici l'adresse: tel.archives-ouvertes.fr/tel-00459553/fr/


"Á travers le cas Fassi, cette thèse analyse les mécanismes de la fabrication d'une ville nouvelle sous le Protectorat français au Maroc. Grâce à l'étude de fonds d'archives souvent peu exploités, elle ambitionne de renouveler l'historiographie en étudiant les distorsions entre l'idéal urbain théorisé a posteriori par le résident Lyautey et sa kyrielle de collaborateurs et la réalité construite. L'auteur étudie l'organisation administrative du Protectorat afin de comprendre le rôle des services centraux et locaux et la capacité d'intervention de la population dans la fabrication des villes nouvelles. Elle analyse ensuite la doctrine officielle et l'adaptation des prescriptions au contexte fassi, et montre comment le paysage architectural se construit en fonction des directives officielles, du statut des maîtres d'œuvre, de leur goût et celui des propriétaires. Elle aborde enfin la transformation de la médina et étudie de quelle manière elle s'articule à la politique patrimoniale."

A consulter sans modération et merci à Charlotte Jelidi d'avoir mis cet excellent travail en consultation libre

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 6 juillet 2010 00:33:08

En fouillant dans mes archives j'ai retrouvé des articles de Michel KAMM,père,journaliste au Courrier du Maroc, publiés en août 1945 et intitulés "Mon Village".

KAMM nous donne sa vision, assez décapante, sur l'évolution -si l'on peut employer ce terme!- de l'urbanisme à Fès dans la période de guerre.
L'image d'un développement harmonieux et linéaire des villes selon les principes "lyautéens" en prend un coup et l'on peut voir que les réalités locales, économiques et politiques modulent la doctrine officielle.
Ce commentaire atypique à cette époque où l'on avait tendance à louer l'oeuvre de nos urbanistes m'a paru intéressant et je vous le communique in-extenso

Voici l'article:

" Ah certes, ce n'est pas le village de chez nous, avec son cadre ancien, ses vieilles maisons, ses pignons moussus, la vieille paroisse millénaire où nos anciens se succédèrent dans la vie souvent paisible et monotone, quelques fois triste et toujours en grisaille couleur du temps; ce village d'ici est à vrai dire plutôt une ville « la ville nouvelle » dit-on pompeusement mais à parler franc, à part certains îlots, au reste inachevés, elle manque de cette harmonie, de cette plénitude qui fait d'un humble bourg de chez nous, quelque chose de solide et de complet.

Car la ville nouvelle de Fès, faubourg vaste et bien découpé de la vrai cité qui est la médina, n'a encore réellement ni sa vie propre, ni sa forme définitive, ni même l'aspect achevé d'une ville.

Il faudrait ici un long développement pour expliquer ce que les plus élémentaires constatations font apparaître: elle a, cette ville nouvelle, le siège des administrations locales, mais que justifie seulement, pour leur importance, la Médina énorme et peuplée à administrer.

Elle a les garages de transport et la gare ferroviaire, mais ce rôle de plaque tournante, ne vaut que par les commodités d'accès, car la clientèle principale vient de Boujeloud et si un jour des aménagements nouveaux « ouvraient » mieux les abords de la vieille ville, on peut croire que s'en suivra des déplacements commerciaux.

Elle a apparemment l'activité la plus solide, le commerce, l'entrepôt et la vente de la production agricole qui est ici riche et diverse, mais c'est bien pourquoi mon village est surtout un centre rural.

Boutades! me direz-vous, peut-être car au demeurant j'ai le plus grand espoir dans l'avenir de ce village à gratte-ciels et de l'ensemble de Fès, et il y a ce qu'il faut céans pour faire du beau, du neuf et du solide et faire prospérer la Capitale du Nord de Bab Khoukha jusqu'à la place de l'Atlas.

Mais, à vrai dire, alors que nous voici au jour V, on peut faire un tour d'horizon en même temps qu'un examen de conscience et un bilan pour aiguiller des projets de temps de paix et rappeler aux édiles et aux consulaires que le temps est passé où il faisait si bon dormir sous couvert d'impossibilités matérielles: manque de ciment, manque de pneus, manque d'essence etc...

A ce point de vue, il n'est que se promener en médina pour prendre la juste mesure de beaucoup de mollesse et d'abandons: oui, dans ces quatre années où il y eut tant de difficultés, de carences, voire même d'impossibilités, des quartiers entiers se sont construits, en largeur, en hauteur, que l'on est stupéfait de contempler aujourd'hui en bordure des remparts.

Sur ce qui étaient des terrains vagues, des « zébalas », des monceaux de détritus à Ras Kolea, Tamdert, Zenzfour, à l'Emtyine et a Bab Guissa, de hauts immeubles se dressent par rues entières.

Le mystère me direz-vous est inexplicable: où ces bâtisseurs ont-ils eu le ciment et la brique, la vitre et les poignées de portes, la plomberie, la tuyauterie et la charpente?

Le fait est qu'ils l'ont trouvé, que n'en avons-nous fait autant, au lieu de regarder monter l'unique bâtisse, du reste encore et toujours inachevée au boulevard du 4ème tirailleurs.

Car, à vrai dire, ce qui fait de notre ville nouvelle un village, c'est qu'arrêtée tout net dans sa croissance à la guerre, elle montre par cent aspects piteux, l'apparence même et la servitude très lourde, de la croissance arrêtée, de l'inachevé, du « boiteux».
Regardez plutôt son ridicule marché neuf, voyez sur sa place principale, carrefour Clémenceau, tel grand café à simple rez-de-chaussée et sur sa rue du marché, en plein centre, ses immeubles, par pâtés, sans étage. On se croirait dans un centre des confins militaires: Bou Denib ou Ksar es Souk et l'on cherche dans les boutiques les commerçants qui achètent des dattes et refilent aux légionnaires ou aux tirailleurs des lacets de souliers et du papier à lettres !

Remontez le boulevard Poeymirau si animé et si vivant avec sa foule des heures méridiennes, foule affairée, anonyme des grandes cités, remontez ce boulevard et pas beaucoup plus loin que l'horloge (toujours arrêtée!), pas beaucoup plus loin que le Roi de la Bière, ou la CTM, vous tombez dans les rez-de-chaussée aveugles, dans les échoppes de souk ou les villas de style colonial, en tout cas dans le suburbain et la zone de silence.

Pour aller d'un quartier à l'autre, par exemple au lotissement de l'hippodrome, vous aurez à faire une promenade agreste dans un vaste champ d'orge et votre admiration pourra rebondir sur les vilaines baraques en bois proches des Travaux Publics. Et je ne parlerai pas des troupeaux qui transhument entre l'Urbaine, la Gare et la Gendarmerie, certes il s'agit ici du « quartier de Résidence » assez coquet mais parfaitement bâtard, mais était-il besoin d'y adjoindre le bucolique?

On a fait des plans superbes pour l'aménagement des abords du parc de Chambrun, pour l'implantation de l'Hôtel de la région et de l'état-major en haut de l'avenue de France, pour la construction d'un lycée de jeunes filles. Qu'a-t-on réalisé de tout cela ? Rien et nous en sommes toujours au bidonville et les anciens locaux de la voie de 60 demeurent dressés vingt ans après qu'eut circulé la dernière draisine.

Les Administrateurs se suivent tous pleins de bonne volonté, l'un après l'autre joue la règle du jeu: plans, projets, entassements de chiffres budgétaires, harmonieuse politique d'égards et de courtoisie avec les trois conseils municipaux, politique de souplesse disciplinée devant les priorités militaires et de résignation méritoire devant le manque de matériaux.

Mais est-ce pour cela que nous payons de si lourds impôts et patentes? Est-ce pour cela tout cet état-major d'architectes, dessinateurs, juristes, jardiniers, paysagistes et comptables experts?

Nous voilà devant la paix et l'on ne peut dire qu'elle a « éclaté » comme les hostilités car nous l'avons attendue assez longtemps et qu'a-t-on prévu pour la plus simple chose du monde, qui est par exemple le retour à la desserte normale des autobus de l'Atlas à Boujeloud?

Il est pourtant plus que temps de faire quelque chose: je n'irais pas jusqu'à dire qu'il faille lancer tout de suite pour cette année la Foire de l'Artisanat car déjà sur cette matière à Rabat, qui n'est pas la capitale des artisans (car cela se saurait) vient de nous ravir l'initiative et puis certains sommeils sont si respectables, si fragiles qu'on a peur en réveillant les dormeurs de les voir tomber en poussière!

Mais de ces gens et de ces choses vétustes et fatigués, de certains fonctionnaires timorés (père garde-toi à droite! père garde-toi à gauche!) nous voudrions bien voir la fin, avec l'honorable retraite.

Pour finir ce village, combler les trous, édifier des étages, organiser du neuf, attirer et centraliser la production il ferait besoin d'une nouvelle équipe à la Lyautey, la trouvera-t-on dans la génération de la Résurrection française, du Rhin-Danube?"

Il y aura une suite....dès que j'aurai le temps !! mais que cela ne vous empêche pas de commenter ou de faire part de vos souvenirs d'époque.

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: mar. 6 juillet 2010 21:29:01

Cet article de Michel Kamm ayant eu un certain écho bienveillant dit-il, il complète 2 jours plus tard sa première intervention par ce qu'il appelle un post-scriptum pour préciser son opinion.

Voici donc cette deuxième intervention

Il y a dans le caractère inachevé de cette ville nouvelle deux aspects très différents mais qui condamnent tous deux l'indifférence et le laisser-faire de l'administration.

Ce sont d'abord les masures et les ruines, ensuite les avenues et rues « boiteuses » pour n'avoir pas été réalisées suivant un plan rigoureux.

Sur ces masures et ces ruines, qui en plein centre, font une lèpre honteuse pour une cité moderne, point n'est besoin d'insister: allez seulement faire un tour dans l'impasse derrière la poste et à l'angle de l'hôtel des Téléphones et regardez les immeubles aux murs crasseux, ou bien, un peu plus haut, derrière le majestueux palais de Justice, contemplez les ruines (du XXe siècle) de l'immeuble qui ne fut jamais plafonné et sert d'entrepôt à charbon. Je sais bien que nous sommes là rue Léon l'Africain, c'est à dire presque dans l'archéologie, mais je doute fort que le savant Ouazzani, deux fois apostat, eut ajouté en son temps, une nomenclature spéciale sur ces constructions, s'il en avait remarqué le caractère hideux.
Ce même quartier, pour rester dans le site est par ailleurs terriblement disgracié: il y a entre le boulevard du 4ème Tirailleurs et la rue Mellier un véritable petit Mellah et sans déborder bien loin, certaines échoppes de la rue du Marché évoquent le pittoresque de Fès-Djedid, mais en plus sale.

Mais, au-delà de ces laideurs, auxquelles des règlements de voirie et le rappel des clauses de valorisation suffiraient, peut-être même avec un peu de volonté, à porter remède, il y a la disgrâce, bien autrement permanente des boulevards ou des avenues ratées.

On en a assez dit de l'avenue de France splendide dans sa perspective (dessinée par Lyautey), quelle pitié était le ratage, dans sa réalisation en constructions de bordure.
La dissymétrie est évidente, elle éclate aux yeux, entre la bordure Nord et ses immeubles imposants sur arcades et la bordure Sud, formée de bâtiments administratifs de formes et de styles hétéroclites, et formant aux heures chômées, une zone déserte.
Rien n'a été tenté sérieusement pour y remédier et même pas la construction d'immeubles masquant au moins l'école (qui est précisément en retrait) alors que l'étude en fut faite jadis utilement, mais l'immeuble en discussion glissa sur la peau de banane des obstructions de l'Administration supérieure et rentra dans le néant.
Même dissymétrie boulevard du 4ème Tirailleurs où face à une bordure d'immeubles imposants, toute la façade opposée ou presque se réduit à des rez-de-chaussées aveugles et miteux.
Ce pauvre boulevard est bien déshérité, rival malheureux de son confrère parallèle, le boulevard Poeymirau, il n'a même pas un bistro pour lui donner de la vie; certes, on y débite en grand le lait précieux aux nourrissons mais ceci ne remplace pas cela.

Est-t-il possible pourtant que dans cette ville nouvelle, il n'y est vraiment de place que pour une artère vivante?

La aussi, peut-être, la Commission de valorisation des lots aurait son mot à dire, ne serait-ce que pour faire monter un étage sur ces platitudes de cubes blancs.
La chose mérite que on s'y attache, ce boulevard n'est-il pas la voie directe vers le boulevard Moulay Youssef, la ville ancienne, le grand trafic en somme du charroi et des voyageurs puisque (mais la police semble en ce moment l'avoir oublié) le boulevard Poeymirau ne doit pas être parcouru par les cars et les camions.
L'avenir des implantations sur ce boulevard du 4ème Tirailleurs semble en tous cas bien évident puisque des organismes comme l'Office Chérifien y construisent et puisque, nous dit-on, dans tel terrain nu, comme à l'angle de la rue Juge, on offre déjà deux mille francs le mètre carré, contre demande de quatre millle.

Sur les quartiers disgraciés et sans trop insister sur la place de l'Atlas qui est harmonieuse (sauf l'angle habous où les PTT ne se pressent pas de construire) et où une vie locale, une sorte de localisation provinciale, assemble déjà dans une ambiance plus européenne qu'ailleurs toute une partie de la population, nous parlerons encore de la rue de Savoie et aussi de l'angle de la rue Cuny.
Rue de Savoie s'érigent les hauts murs d'une usine, un vaste atelier plutôt, arrêté en pleine construction par manque de ciment.
A l'angle de la rue Cuny et de l'Atlas, frappé de la même disgrâce, un grand entrepôt à céréales dont les hautes murailles sont presque édifiées, attend toujours le couronnement des fermes et centres de ferronnerie, qui sont posés là, par terre, à côté, depuis des années.
Là aussi manque de ciment....
Il est navrant de voir invoquer ainsi ce leitmotiv, à deux cents mètres à peine de la rue du Parc, de ces terrains de l'ancien dépôt des isolés où l'administration militaire, patiemment, obstinément, édifie à longueur de temps des villas où ciment et tuiles sont généreusement fournis.
De ces choses: atelier de montage de fer et entrepôt de céréales et des autres: villas et groupes de villas, quelles étaient les plus urgentes, les plus nécessaires?
Le cruel arbitrage des priorités restera-t-il toujours à sens unique?

Et puis, pour en revenir à notre question initiale n'est-il pas à réaliser que de la construction de ciment?
Qui empêche de faire en terrassement, le site,depuis si longtemps projeté du « chemin d'eau » de l'avenue de France, d'en dessiner les jardins, d'y planter des cordons de taillis comme au jardin de Boujeloud ?

L'article se termine par cette mention: ( Cinq lignes censurées)

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Re: Fondation de la ville nouvelle
Envoyé par: georges-michel (Adresse IP journalisée)
Date: ven. 28 février 2014 19:09:11

J'ai eu la chance de trouver récemment 2 plans de 1923 signés H.Prost sur papier calque plus fragile que les crêpes dentelles bretonnes !. Il s'agit du troisième et dernier plan de Fès VN et d'une variante du 3ème et dernier plan de la ville.

Outre l'intérêt de voir comment la ville s'est développée par rapport à ce plan, je vous livre un commentaire écrit de la main de Prost, dans la marge qui donne une idée de ce qu'était Fès en 1923: "Boisements et non jardins, à réaliser sans aucun souci de tracé de détail, dès que la redistribution des terrains le permettra. Ces taches de verdure sont indispensables pour animer ce bled trop monotone "! Certains blédards fasi ont dû apprécier. Ces taches de verdure étaient prévues dans la zone des rues de Roumanie, Pologne, Grèce, Portugal, Espagne et de la Foire.

Ce plan confirme aussi que l'école Régimbaud s'est d'abord appelée école de Dar Debibagh qui était le nom de Fès VN à cette époque.

Je m'étais posé la question dans la rubrique " Écoles de Fès" de savoir où était cette école de Dar Debibagh des années 20:

"Mme Delrieu après avoir ouvert, en 1914, la première école franco musulmane du Derb Kettanine, en plein coeur de la médina est désignée pour ouvrir la première école française de Fès. Cette école est ouverte au Camp Fellert puis elle sera transférée avenue Maurial et Mme Delrieu en sera la directrice jusqu'en 1928."

J'avais vu, vers 2005, sans sur le moment y prêter trop d'attention, dans les archives que me montrait le directeur de l'école Slaoui (Maurial) un registre datant de 1919 intitulé "école de Dar Debibagh.

La première école européenne de Fès était donc au Camp Fellert et la première école de Dar Debibagh à côté de l'église St François et les deux créées par Mme Delrieu.

Et l'école de Dar Debibagh a changé 2 fois de nom ( Maurial et Jean Fabre) mais il ne s'agissait pas de la même école et pas du même lieu.

Tout a été fait pour nous embrouiller !!



2 modifications. Plus récente: 04/03/14 12:26 par jpb.

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